CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 11 juin 2021, n° 20/14638
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Chaska Productions (SARL)
Défendeur :
Orange (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme Sentucq, Mme Paulmier Cayol
Avocats :
Me Eyraud, Me Boccon Gibod, Me Limbour
La société France Télécom a embauché le 19 octobre 2000 Mme X en qualité de cadre supérieur « responsable artistique », puis à compter de septembre 2001, Mme X a prescrit la commande de diverses prestations artistiques à la société Chaska productions (la société Chaska) qu'elle avait créée en 1998 avec pour activité le conseil, la conception, la production de projets audiovisuels et multimédia.
Ayant découvert à l'été 2003 l'existence de liens et des intérêts patrimoniaux existant entre Mme X et la société Chaska dont elle estimait qu'ils lui avaient été dissimulés quand Mme X avait incité son employeur à passer des contrats avec la société Chaska sans recourir à une procédure d'appel d'offres, la société France Télécom a, d'une part, déposé le 2 septembre 2003 une plainte pénale avec constitution de partie civile des chefs d'abus de confiance, donnant lieu à un arrêt infirmatif de la cour d'appel de Versailles du 16 septembre 2010 au terme duquel Mme X était relaxée y compris des chefs de faux, notamment pour des contrats passés avec la société France Télécom, et d'abus de bien social de la société Chaska.
La société France Télécom a d'autre part, prononcé le 17 novembre 2003 le licenciement de Mme X pour faute grave, retenue à son encontre par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013.
Enfin, la société France Télécom a, par lettre du 29 décembre 2003, mis un terme sans préavis à la relation commerciale nouée avec la société Chaska, puis cette dernière ayant vainement mis en demeure la société France Télécom de lui régler les sommes qu'elle estimait lui être dues au titre des prestations réalisées pour son compte, elle l'a assignée le 1er août 2005 devant le tribunal de commerce de Paris en condamnation au paiement des sommes de 134 174,50 euros au titre des prestations facturées, 67 429,40 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale et 8 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive et du préjudice d'image, la société France Télécom demandant, reconventionnellement, que soit prononcée pour dol, la nullité des contrats conclus avec la société Chaska ainsi que la restitution de la somme de 269 718 euros outre la condamnation à payer 50 000 euros de dommages et intérêts.
Par jugement du 23 janvier 2014 assorti de l'exécution provisoire, la juridiction commerciale a débouté la société Chaska de l'ensemble de ses demandes, prononcé pour dol, la nullité des contrats passés avec la société France Télécom, devenue société Orange, condamné la société Chaska à restituer la somme de 259 965,16 euros et à payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur appel de la société Chaska, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 10 septembre 2015, réformé le jugement, sauf sur le rejet des demandes de la société Chaska au titre du contrat n°2B 06 498, de la rupture brutale de la relation commerciale, de la résistance abusive et du préjudice d'image, et condamné la société Orange à payer à la société Chaska 97 846,00 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 % à compter du 31 juillet 2002 pour la somme de 1 000 euros du 17 mai 2003 pour la somme de 13 126,00 euros, et du 1er septembre 2003 pour la somme de 83 720,00 euros, ordonné la capitalisation des intérêts et condamné la société Orange à payer 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le pourvoi principal de la société Orange, et le pourvoi incident de la société Chaska, la chambre commerciale de la cour de cassation a, par arrêt du 20 septembre 2017 n°15-27.488, cassé et annulé la décision de la cour d'appel de Paris en toutes ses dispositions et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.
PROCÉDURE SUR RENVOI DE CASSATION :
Vu la déclaration du 31 Août 2018 de la société Chaska pour la saisine de la cour d'appel de Paris désignée comme juridiction de renvoi en application des articles 1032 et suivants du code de procédure civile ;
Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 06 Avril 2021pour la société Chaska productions afin d'entendre, au visa des articles 67, 901, 562 et 930 du code de procédure civile, 1110 (anciens) et suivants et 1304 (ancien) du code civil, L. 441-6 I et L. 442-6 I. 5° du code de commerce :
- débouter la société Orange de sa demande de « constater que la société Chaska n'a pas expressément indiqué aux termes de sa déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqué et en conséquence confirmer le jugement entrepris », comme étant mal fondée,
- constater la recevabilité de l'appel de la société Chaska,
- infirmer le jugement,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Orange,
- condamner la société Orange au paiement d'une somme de 134 174,50 euros TTC au titre des prestations réalisées et de la location de matériels (contrats N°021 B 855, 42 439 640, 42 439 642 et 2B06498),
- condamner la société Orange au paiement des intérêts de droit majoré de 10 %, à compter du 31 juillet 2002 pour la somme de 1 000 euros TTC, du 17 mai 2003 pour la somme de 13 126 euros TTC, du 1er septembre 2003 pour la somme de 83 720 euros TTC, du 15 février 2003 pour la somme de 6 054,75 euros TTC, du 30 décembre 2003 pour la somme de 6 054,75 euros TTC, du 1er janvier 2004 pour la somme de 6 054,75 euros TTC, du 30 décembre 2003 pour la somme de 6 054,75 euros TTC, des 1er janvier 2005 et 2006 pour les sommes respectives de 3 027,37 euros TTC, des 31 décembre 2005 et 2006 pour les sommes respectives de 3 027,37 euros TTC,
- condamner la société Orange à payer une somme 45 444,32 euros en réparation du préjudice subi par la société Chaska au titre de la rupture brutale de la relation commerciale,
- condamner la société Orange à payer une somme de 8 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice d'image,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la société Orange à payer une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Orange au paiement des entiers dépens de l'instance dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Eyraud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 mars 2021 pour la société Orange, afin d'entendre au visa des articles 1110, 1116, 1117, 1350 1134 et 1135 et 1382 du code civil, ancienne version, 2241 et 2242 du code civil, L. 442-6- I « 5e du code de commerce » :
- constater que le consentement de la société Orange aux contrats litigieux a été vicié du fait des manœuvres et de la réticence dolosive de la société Chaska,
- constater en conséquence la nullité de ces contrats pour dol,
- constater que la société Orange a subi un préjudice du fait de la réticence et des manœuvres dolosives de la société Chaska,
- constater que les relations commerciales avec la société Chaska ne sont aucunement établies,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Orange de sa demande de dommages et intérêts,
- condamner la société Chaska à payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi, à titre subsidiaire,
- constater, en conséquence, la nullité de ces contrats pour erreur,
- constater que la société Orange a subi un préjudice du fait de l'erreur sur la personne de sa cocontractante,
- constater que les relations commerciales avec la société Chaska ne sont aucunement établies,
- dire les contrats litigieux nuls, pour erreur sur la personne de l'un des cocontractants,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Chaska à restituer à la société Orange la somme de 259 965,16 euros,
- à titre infiniment subsidiaire :
- s'agissant du contrat n°42439640, constater que la société Chaska a violé ses obligations contractuelles et, dès lors, la débouter de ses demandes en ce que la résolution dudit contrat est intervenue à ses torts exclusifs,
- s'agissant du contrat n°2B 06498, le qualifier de contrat de vente, en constater la parfaite exécution par Orange et, dès lors, débouter la société société Chaska de ses demandes,
- s'agissant du contrat ST/06/03, constater l'absence de preuve d'exécution des prestations par la société Chaska et, par conséquent la débouter de ses demandes de remboursement formulées à ce titre,
- condamner la société Chaska à verser la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
La clôture de l'instruction a été ordonnée par le président à l'audience du 4 avril 2021.
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré, aux décisions visées ci-dessus ainsi qu'aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile. Par ailleurs, le nom de la société France Télécom sera conservé pour la discussion des moyens ci-dessous.
Il sera encore relevé en liminaire que la société Orange ne conclut pas au dispositif de ses écritures visées ci-dessus à l'irrecevabilité de l'action de la société Chaska sur le fondement des mentions de sa déclaration d'appel, en sorte qu'il n'y pas lieu de la trancher.
1. Sur la prescription des demandes en nullité des contrats
Pour voir infirmer le jugement qui a rejeté ses demandes en paiement du solde des contrats exécutés pour le compte de la société France Télécom ainsi qu'en dommages et intérêts, la société Chaska conteste le dol que cette dernière lui reproche d'avoir entaché les contrats qu'elle lui a consentis en opposant, en premier lieu et en application de l'article 1304 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, ainsi que 67 du code de procédure civile, la prescription quinquennale attachée à l'action en nullité des contrats qu'elle a passés avec la société Chaska avant le 29 août 2003, date à laquelle la société France Télécom a convoqué Mme X à son entretien préalable à son licenciement sur la base de la découverte des prétendus liens viciés avec sa société Chaska, cette dernière relevant, d'une part, que la société France Télécom avait limité devant la juridiction commerciale, le 6 février 2006, sa demande de nullité à seulement trois des quatre contrats dont la société Chaska réclamait le paiement avant de réclamer que le 19 novembre 2012, la nullité de l'ensemble des autres contrats passés avant le 29 août 2003, et d'autre part, que six ans et cinq mois de prescription ont été cumulés entre la découverte des faits le 29 août 2003, le sursis à statuer ordonné par le tribunal de commerce de Paris le 17 décembre 2007 jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui y a mis fin le 26 septembre 2010, et enfin, entre cette date et le 19 novembre 2012 lorsque la société a soulevé pour la première fois la nullité de l'ensemble des contrats.
Toutefois au visa de l'article 2241 du code civil, si l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, ce qui résulte incontestablement des demandes de nullité des contrats que la société France Télécom a fait valoir dans ses conclusions des 6 février 2006 et 19 novembre 2012, dûment motivées en fait et en droit sur le fondement du dol reproché à la société Chaska, et cela d'autant plus, que la dénonciation de ce but par la France Télécom a été paralysée par l'appréciation des délits connexes d'abus de confiance, de faux et d'abus de bien social reprochés dont les juridictions correctionnelles étaient saisies à l'encontre de à Mme X et en vertu de laquelle la juridiction commerciale a ordonné le sursis à statuer des demandes, en sorte que le moyen sera rejeté.
2. Sur le bien-fondé de la réticence dolosive dans la souscription des contrats
Pour contester au fond, le dol qui lui est reproché en application des dispositions de l'article 1116 du code civil, dans sa version en vigueur avant le 1er octobre 2016, la société Chaska prétend d'abord qu'aucune des prétendues fautes commises par Mme X ne peut être retenue, alors qu'elle n'est pas partie à l'action.
Alors cependant, qu'il est constant que Mme X détenait des intérêts dans la société Chaska et qu'elle a par ailleurs suscité la souscription des contrats avec la société France Télécom en exécution de son contrat de travail, il en résulte que la société France Télécom est bien fondée à imputer indistinctement à Mme X et à la société Chaska les faits constitutifs de la nullité des contrats qu'elle poursuit.
La société Chaska oppose, ensuite, l'autorité de la chose jugée de la relaxe de Mme X des chefs d'abus de confiance, de faux et usage et d'abus de bien social prononcée par la cour d'appel de Versailles le 16 septembre 2010 comme celle des motifs que cette cour a retenus et dont Mme X déduit qu'aucune manœuvre ayant conduit France Telecom à contracter avec la société Chaska n'a été relevée à son encontre, que son enrichissement personnel n'a pas été établi, que la société France Telecom n'a subi aucun préjudice et devait à la société Chaska la somme de 122 955,50 euros.
Elle ajoute en outre, et pour l'essentiel, que, non seulement la société France Télécom n'a produit aucun document de nature à établir que Mme X avait dissimulé sa participation au capital de la société Chaska, mais que son emploi dans cette société était mentionné au dossier qu'elle a soumis à France Télécom au soutien de sa candidature, que c'est même en considération de son expérience dans cette société qu'elle a été recrutée et qu'enfin, si elle a déclaré à l'employeur être libre de tout engagement à l'égard de toute activité libérale ou salarié, son contrat ne lui interdisait pas de détenir une participation minoritaire ou non dans une société commerciale, la société France Télécom et sa direction des achats ayant pu établir sa participation à la société Chaska à partir d'un extrait Kbis.
Elle conclut par ailleurs à la réalité de l'activité de la société Chaska justifiée par les embauches de Mmes B et C et l'adéquation de leur qualité professionnelle avec les prestations de la société et se prévaut des bilans comptables ainsi que de la preuve du paiement de l'impôt sur les sociétés régulièrement acquitté. Elle conteste d'autre part avoir systématiquement recouru à la sous-traitance pour l'exécution des contrats passés avec la société France Télécom, à l'exception de quatre d'entre eux, et relève enfin que la sous-traitance des prestations passées avec la société France Télécom n'était pas interdite, à l'exception des contrats et relève enfin que la société France Télécom n'avait émis aucune critique sur la réalisation des prestations ni même sur leur qualité.
Enfin, la société Chaska met aux débats différentes attestations mettant en cause, soit les déclarations recueillies lors de l'instruction pénale ou des déclarations de la société France Télécom lors de la procédure de licenciement, sur les rumeurs ayant existé au sein de la société France Télécom avant 2013 sur l'existence du lien entre Mme X et la société Chaska, sur le déroulement de la procédure de licenciement
Au demeurant, et en premier lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'étend qu'à ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, à sa qualification et à la culpabilité ou à l'innocence de celui à qui ce fait est imputé.
Ainsi, aux termes de son arrêt du 16 septembre 2010, la cour d'appel de Versailles a relaxé Mme X du chef de l'abus de confiance en se limitant, dans ses motifs, à retenir que Mme X était étrangère à la procédure de paiement des prestations dévolue à la direction des achats de France Télécom et en relevant que les contrats exécutés en sous-traitance, bien qu'interdite par la société France Télécom, correspondaient à des prestations effectives au profit de la société France Télécom, la cour réservant par ailleurs à la juridiction prud'homale l'appréciation de la violation de l'interdiction que Mme X tenait de son contrat de travail de cumuler une autre activité. D'autre part, si la cour a relaxé Mme X des chefs de faux, usage de faux et d'abus de bien social de la société Chaska, elle a retenu dans ses motifs que Mme X avait imité la signature des gérantes qui se sont succédé pour l'établissement des procès-verbaux des assemblées générale ainsi que de quatre contrats passé avec la société France Télécom. Enfin, les motifs tirés de l'escroquerie retenus dans cet arrêt seront purement et simplement écartés, alors que cette prévention ne faisait pas l'objet de l'arrêt de renvoi de Mme X devant la cour d'appel de Versailles de sorte que la juridiction n'a pu valablement statuer de ce chef.
Si de ses motifs, cette cour a pu déduire l'absence de lien direct entre les circonstances dans lesquelles les contrats ont été souscrits par Mme X puis payés à la société Chaska pour écarter l'intention de l'abus de confiance reproché à la salariée, ils ne comprennent cependant pas de jugement sur les éléments constitutifs de la réticence dolosive que la société France Télécom reproche à Mme X prise en ses qualités de salarié et de gérante de fait de la société Chaska.
En deuxième lieu, aux termes de son contrat de travail, Mme X a souscrit à l'interdiction formelle de cumuler d'autres fonctions que la sienne à titre salarié ou libéral, ce qui dispensait son employeur de rechercher si elle violait a priori cet engagement, et il est d'autre part constant qu'en sa qualité de cadre supérieur responsable artistique du studio créatif de la direction recherche et développement de la société France Télécom, Mme X avait le pouvoir de susciter la passation des contrats de la société France Télécom, ce qu'elle a effectivement accompli à douze reprises sans dénoncer les intérêts qu'elle détenait dans la société Chaska.
En troisième lieu, si au moment de son embauche par France Télécom, Mme X ne disposait plus que de 10 % des parts sociales de la société Chaska, il est toutefois constant que l'essentiel du capital de cette société était détenu par sa famille, et il résulte d'autre part des témoignages recueillis lors de l'enquête pénale que Mmes A et Z, gérantes de droit de la société Chaska, la première du 2 juillet 2001 au 18 mars 2003, et la seconde jusqu'en décembre 2003, ont déclaré avoir été des « gérantes de paille ». Il est encore établi que la société Chaska ne disposait pas d'autres salariés que Mme C qui a déclaré être « secrétaire embauchée en contrat de qualification » de septembre 2001 à septembre 2002, puis Mme B qui a attesté être l'assistante de Mme X à compter de décembre 2002. En outre, si la sous-traitance n'était pas autorisée par la société France Télécom dans certains des contrats passés avec la société Chaska, il se déduit des productions, ou du silence de Mme X, la preuve qu'elle a personnellement suscité la sous-traitance des prestations, en sorte que la confusion des intérêts de Mme X et de la société Chaska dans la souscription des contrats passés avec la société France Télécom est manifestement acquise aux débats.
Et alors que l'indépendance des prestataires d'avec sa salariée qu'elle a chargé de sélectionner constituait un motif déterminant pour la société France Télécom de la qualité et du juste prix des prestations auxquelles elle a souscrit pour la valorisation artistique de ses produits, il se déduit la preuve que la dissimulation de la société Chaska des intérêts communs avec Mme X, si ceux ci avaient été connus de la société France Télécom, l'aurait empêché de contracter, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il retenu à l'encontre de la société Chaska, le grief de la réticence dolosive avec laquelle les contrats ont été passés.
3. Sur les conséquences du dol
Il résulte du dol reconnu à l'encontre de la société Chaska, en premier lieu, que tous les contrats passés entre les parties sont annulés, y compris ceux dont la société Chaska demande le paiement et qui sont tout autant privés de cause, en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
Par ailleurs, la sanction de l'annulation des contrats consiste dans la remise en état des parties dans la situation où elles se seraient trouvées si les contrats n'avaient pas été conclus, et en raison de la nature des prestations fournies à la société France Télécom, il convient de compenser la restitution du montant des contrats facturés, avec les charges supportées par la société Chaska représentant l'équivalent de la contrepartie des prestations nécessairement acquises à la société France Télécom.
Sur ce fondement et sur la base du rapport d'expertise comptable ordonnée par la juridiction pénale, le jugement déféré dont la société France Télécom réclame la confirmation, a retenu la condamnation de la société Chaska à payer la somme de 259 965,16 euros représentant la différence, taxes sur la valeur ajoutée comprises, entre les 309 369,33 euros facturés et payés par la société France Télécom et les charges de la société Chaska représentant la somme de 92 007,15 euros.
Pour s'opposer à ce décompte, la société Chaska soutient d'abord que ce résultat doit être diminué de la taxe sur la valeur ajoutée, mais alors que la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement aux contrats passés n'a pas de caractère indemnitaire et comprend nécessairement la récupération de cette taxe qu'il appartiendra à la société France Télécom de déclarer à l'administration fiscale, le moyen sera écarté.
La société Chaska entend, encore déduire une somme de 54 000 euros dont elle soutient qu'elle a fait l'objet d'un double paiement et dont le remboursement par la société Chaska le 5 septembre 2003 n'a pas été retranché. Au demeurant, cette affirmation ne se déduit pas du tableau récapitulatif des commandes et des paiements dressés par l'expert, en sorte que le moyen sera aussi rejeté et le jugement confirmé dans le montant des restitutions qu'il a ordonnées.
4. Sur les demandes de dommages et intérêts
Il suit de la réticence dolosive étendue à tous les contrats que la société Chaska a passés avec la société France Télécom, que cette dernière était bien fondée à rompre la relation commerciale établie sans préavis, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts poursuivie par la société Chaska en application des dispositions de l'article L. 442-6 5° du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010.
Enfin, si la faute retenue au détriment de la société Chaska la prive de fondement à sa demande de dommages et intérêts qu'elle soutient au titre de la résistance au paiement des derniers contrats ou encore au titre d'un préjudice d'image, il ne résulte par ailleurs pas des pièces produites, la preuve que la société France Télécom ait éprouvé d'autres préjudices que celui déjà réparé ci-dessus, en sorte que là encore, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté chacune des deux parties de leurs demandes de ces chefs.
5. Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Chaska succombant au recours, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et en cause du renvoi sur cassation, de la condamner aux dépens et à payer à la société Orange une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Ordonne la clôture de l'instruction ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Chaska productions aux dépens du recours ;
Condamne la société Chaska productions à verser à la société Orange la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.