Cass. soc., 7 mai 1987, n° 84-14.068
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jonquères
Rapporteur :
M. Caillet
Avocat général :
M. Gauthier
Avocats :
Me Foussard, Me Copper-Royer
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 143-10 et L. 143-11 du Code du travail alors en vigueur, 2104 du Code civil et 50 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que M. Gilbert X..., exploitant un atelier de ferronerie d'art, en règlement judiciaire le 1er décembre 1979 mais admis à poursuivre son activité jusqu'au 31 mai 1981, l'a, en fait, continuée au-delà de cette date et n'a notifié à ses ouvriers leur licenciement que par une lettre du 29 mars 1982, contresignée par le syndic ; que ce dernier a été autorisé par ordonnance du juge-commissaire, à régler auxdits salariés les salaires de février et mars 1982, les indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement ; que l'administration des impôts, se prévalant d'une créance privilégiée pour les taxes sur le chiffre d'affaires exigibles au titre des mois d'avril à décembre 1981, a formé opposition à ladite ordonnance ; que l'arrêt attaqué l'a débouté de ce recours aux motifs, d'une part, que les dettes résultant d'une poursuite de l'activité du débiteur en règlement judiciaire sont des dettes hors la masse et qu'il en est aussi bien pour la créance du trésor relative à la période de juin à décembre 1981 que pour la créance des salariés, d'autre part, que ce passif doit être acquitté dans l'ordre des priorités dicté par les principes inhérents au droit des privilèges et qu'il résulte des articles L. 143-10 et L. 143-11 du Code du travail que les salaires et indemnités dans les limites prévues par ces articles, priment le privilège du trésor, enfin, que si les dettes hors la masse ne peuvent, en principe, être supportées par la masse des créanciers, il en est différemment en l'espèce où l'exploitation illicite a profité à la masse par la rentrée effective de fonds, et où les salariés qui ont continué d'être employés dans les mêmes conditions qu'auparavant ont pu légitimement croire que la continuation de l'activité avait été autorisée en fait ;
Attendu cependant que si la créance des salariés, nonobstant la dénomination inexacte que les juges du fond lui ont donnée, devait être considérée comme dette de la masse en raison de ce que, pendant plusieurs mois après l'ouverture de la procédure collective, l'exploitation avait été poursuivie avec l'accord, au moins tacite, du syndic, ce caractère dont elle était revêtue ne pouvait justifier que soit étendu hors de son domaine l'ordre des privilèges établi en cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens ; que la cour d'appel qui a décidé que les salaires dus pour la période de poursuite de l'exploitation postérieure au jugement de règlement judiciaire conservaient le caractère superprivilégié, a fait une fausse application des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 12 avril 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.