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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 10 juin 2021, n° 19/06055

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Katimex Cielker GmbH (SARL)

Défendeur :

Euro-Techno-Com Etc (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

TGI Nanterre, du 18 avr. 2019 juill.

18 avril 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit allemand Katimex Cielker GmbH (ci-dessous, Katimex) a pour activité principale déclarée la production et la distribution de produits techniques tels des appareils et machines pour le placement des câbles et pour les travaux en sous-sol.

Elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le modèle intemational visant la France numéro DM/026761 intitulé « dispositif de tirage de câbles », déposé le 21 juillet 1993 dans la classe 8-99 de la classification de Locarno et publié le 30 septembre 1993 avec revendication de priorité au 22 avril 1993.

La société Euro-Techno-Com ETC (ci-dessous, ETC) indique avoir pour activité le commerce de divers matériels et outillages à destination des professionnels.

Les sociétés Katimex et ETC ont entretenu des relations commerciales entre 1999 et 2008, la première ayant fourni à cette occasion à la seconde des outils de tirage de câbles dont un système « Katiturbo » en français.

Indiquant avoir découvert la commercialisation en France par la société ETC de dispositifs de tirage de câbles constituant la copie servile de son modèle sous les références MTA 4019-1, MTA 4019, MTA 4025A1 et MTA 4026A1 après la cessation de leurs relations commerciales, la société Katimex a fait dresser par huissier de justice le 14 août 2015 un procès-verbal de constat sur le site internet eurotechnocom.com édité par la société ETC.

Par acte d'huissier du 22 juin 2016, la société Katimex a assigné la société ETC devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de son modèle français ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement avant dire droit du 18 octobre 2018, le tribunal a notamment sursis à statuer sur les demandes des parties et ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur la loi applicable à l'appréciation de la validité du modèle litigieux.

Par jugement du 18 avril 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Katimex au titre de l'estoppel ;

- prononcé la nullité de la partie française de l'enregistrement du modèle intemational visant la France numéro DM/026761 intitulé « dispositif de tirage de câbles », déposé le 21 juillet 1993 par la société Katimex ;

- ordonné, en tant que de besoin au regard de l'expiration du titre, la transmission de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des marques, à l'initiative de la partie la plus diligente et aux frais de la société Katimex ;

- déclaré irrecevable l'action en contrefaçon de la société Katimex ;

- rejeté l'intégralité des demandes de la société Katimex au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

- constaté que le débat sur la recevabilité de la demande d'interdiction présentée par la société la société Katimex est privé d'objet ;

- rejeté la demande de la société Katimex au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société Katimex à payer à la société ETC la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné la société Katimex à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître Philippe Bouchez Le G. conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 août 2019, la société Katimex a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2021, la société Katimex demande à la cour:

- de déclarer la société Katimex tant recevable que bien fondée en son appel, et y faisant droit;

- d'infirmer le jugement du 18 avril 2019 en ce qu'il a :

* décidé que : « la nouveauté objective et l'originalité sont deux critères cumulatifs de validité du modèle » sous la loi de 1909

* décidé que le modèle invoqué par la société Katimex est dépourvu d'originalité

* prononcé la nullité du modèle invoqué

* déclaré la société Katimex irrecevable à agir en contrefaçon

* rejeté les demandes de la société Katimex au titre de la concurrence déloyale / condamné la société Katimex à verser la somme de € 8 000 à la société Euro Techno Com ETC au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu que le modèle était identifié et nouveau ;

et statuant à nouveau :

- de recevoir la société Katimex en l'ensemble de ses demandes, les dire bien fondées et y faire droit ;

- de déclarer que le modèle International DM/026761 remplit les conditions de validité ;

- de dire et juger que l'intimée a commis des actes de contrefaçon du modèle international n° DM/026761, dont est titulaire la société Katimex ;

- de dire et juger que l'intimée a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Katimex ;

- de rejeter les demandes, fins et conclusions de la société ETC, notamment celles non reprises dans le dispositif de ses conclusions ;

En conséquence,

- de condamner l'intimée à verser à la société Katimex la somme de 300 000 euros au titre du préjudice économique et moral, subi du fait des actes de contrefaçon du modèle international n° DM/026761, dont est titulaire la société Katimex, sauf à parfaire ;

- de condamner l'intimée à verser à la société Katimex la somme de 100.000 euros au titre du préjudice subi du fait des actes concurrence déloyale et de parasitisme, sauf à parfaire ;

- de faire interdiction à l'intimée d'utiliser, en France et en Union européenne, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, le modèle international n° DM/026761, dont est titulaire la société Katimex, ou tous autres produits créant la même impression globale, et notamment d'importer, d'offrir à la vente et de commercialiser, directement ou indirectement, notamment au travers de sites internet, en France et dans l'Union européenne, des produits reproduisant ce modèle, et/ou reproduisant le conditionnement, la forme, les couleurs des produits commercialisés par la société Katimex, et ce, sous astreinte définitive de 1.000, 00 euros par produit dont l'introduction et/ou l'offre en vente ou la vente serait constatée, en infraction des droits de la société Katimex, et ce à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner que les produits contrefaisants soient définitivement écartés des circuits commerciaux, et détruits sous même astreinte,

- d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux spécialisés au choix de la société Katimex, aux frais de l'intimée, sans que le coût de chacune des publications ne puisse excéder la somme de 10.000,00 euros ;

- de condamner l'intimée à verser à la société Katimex la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ;

- de condamner l'intimée aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Philippe C., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2021, la société ETC demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Katimex Cielker GmbH au titre de l'estoppel ;

* prononce la nullité de la partie française de l'enregistrement du modèle international visant la France numéro dm/026761 intitulé « dispositif de tirage de câbles », déposé le 21 juillet 1993 par la société Katimex ;

* ordonne, en tant que de besoin au regard de l'expiration du titre, la transmission de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI aux fins d'inscription au Registre national des marques, à l'initiative de la partie la plus diligente et aux frais de la société Katimex ;

* déclare irrecevable l'action en contrefaçon de la société Katimex ;

* rejette l'intégralité des demandes de la société Katimex au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

* constate que le débat sur la recevabilité de la demande d'interdiction présentée par la société Katimex est privé d'objet ;

* rejette la demande de la société Katimex au titre des frais irrépétibles;

* condamne la société Katimex à payer à la société ETC la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamne la société Katimex Cielker GmbH à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître Philippe Bouchez Le G. conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- rejeter l'intégralité des demandes complémentaires de la société Katimex ;

- y ajoutant, condamner la société Katimex à payer à la société ETC la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la société Lexavoue Paris-Versailles, agissant par Maître Martine D., avocat au barreau de Versailles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Aucun développement n'est consacré dans les conclusions des parties au rejet de la fin de non-recevoir opposée à la société Katimex au titre de l'estoppel.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la validité du modèle

La société Katimex soutient que selon la loi applicable alors, le seul critère de validité du modèle était la nouveauté, le caractère propre étant survenu ultérieurement, et qu'agissant sur les seules dispositions des dessins et modèles, le critère d'originalité ne s'applique pas. Elle ajoute que le jugement a retenu que la condition de nouveauté était remplie, et qu'il est définitif sur ce point faute d'appel de la société ETC, laquelle ne produit pas d'antériorité de toute pièce ayant date certaine. Elle souligne la différence entre un dévidoir et un enrouleur et conteste la pertinence des modèles invoqués par l'intimée. Elle fait état de l'originalité de son modèle, au vu de la forme caractéristique en S qu'elle inclut, et soutient que le jugement s'est fondé sur des éléments non revendiqués comme originaux, ce alors que le modèle de dévidoir n'a pas une forme exclusivement imposée par la fonction technique. Elle ajoute que la forme qui comporte une ou plusieurs caractéristiques non imposées par la fonction technique est susceptible de protection, et que l'intimée ne peut se fonder sur son titre ou sa description pour lui dénier sa protection.

Après avoir souligné que la déclaration d'appel portait sur l'intégralité du jugement de sorte que la cour devait connaître de l'entier litige, la société ETC relève que le dispositif du jugement n'ayant pas retenu la nouveauté du modèle de l'appelant, ce point n'est pas acquis.

Elle ajoute que faute d'identification précise du modèle, préalable à sa protection, celle-ci ne peut lui être donnée.

Elle relève que les critères applicables à la validité du modèle en cause sont la nouveauté et l'originalité, et qu'aucun n'est rempli. Elle insiste sur l'importance de l'empreinte de la personnalité de son auteur et sur le fait que la création ne doit pas être dictée par une nécessité technique ou fonctionnelle. Elle fait état de l'existence de dévidoirs présentant de nombreuses similarités et une même impression visuelle que le produit Katimex, lequel ne porte pas l'empreinte de la personnalité de son auteur et voit sa forme dictée par la fonction.

La cour observe que l'appel interjeté par la société Katimex vise l'intégralité des chefs du jugement tels qu'ils figurent dans son dispositif, lequel notamment « prononce la nullité de la partie française de l'enregistrement du modèle international visant la France numéro DM/026761 intitulé « dispositif de tirage de câbles », déposé le 21 juillet 1993 par la société Katimex Cielker GmbH ».

Le caractère nouveau du modèle n'est pas un chef de jugement mais un moyen retenu par le juge, de sorte qu'aucune partie ne pourrait faire appel spécifiquement sur ce point.

La société ETC sollicitant la confirmation du jugement qui a prononcé la nullité de la partie française de l'enregistrement du modèle de la société Katimex, elle peut parfaitement arguer du défaut de nouveauté dudit modèle - point soumis à l'appréciation du tribunal-, au titre des arguments pour obtenir en appel que cette nullité soit confirmée.

En l'espèce, la société Katimex fonde sa demande sur le modèle international n° DM/026761 déposé le 21 juillet 1993, intitulé « dispositif de tirage de câbles », visant la France, sous priorité allemande du 22 avril 1993.

La société ETC soutient qu'un outil de tirage de câbles se compose de deux parties distinctes qui peuvent être vendues séparément, soit le dévidoir (contenant métallique constituant le support) et l'aiguille en fibre de verre (dispositif qui va permettre de tirer le câble), de sorte que le titre ne renverrait qu'à cette aiguille.

Cependant, le modèle ne porte pas sur un dévidoir mais sur un modèle de tirage de câbles, notion qui ne renvoie pas uniquement à l'aiguille en fibre de verre, et la représentation photographique du modèle lors du dépôt ainsi qu'elle figure ci-dessus permet d'appréhender l'étendue de la protection.

Aussi, l'argument de la société ETC, selon laquelle la dénomination très large du modèle protégé lors de l'enregistrement entretient une confusion sur les limites de la protection ainsi conférée au modèle, qui ne pourrait ainsi pas bénéficier d'une protection, ne sera pas retenu.

L'article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, applicable au moment des faits, prévoit notamment que les dispositions du livre consacré aux dessins et modèles sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle.

Sur la nouveauté

Le jugement querellé a retenu que les pièces produites par la société ETC n'étaient pas de nature à contester la validité du modèle en cause sur ce critère.

La société Katimex sollicite la confirmation du jugement sur ce point, en affirmant que la société ETC ne justifie pas d'antériorité de toutes pièces, et fait état des mêmes pièces que celles présentées devant le tribunal, non datées et différentes de son modèle.

La société ETC soutient qu'il existe de longue date des dévidoirs, ainsi qu'elle en justifie, présentant de nombreuses similarités avec le modèle en cause. Elle fait état de la quasi-impossibilité de justifier de dévidoirs d'avant 1993, mais que les pièces rapportées établissent qu'ils sont tous conçus de la même manière.

Pour contester la nouveauté du modèle de la société Katimex, l'intimée justifie de quatre dévidoirs -ses pièces 4 à 7- dont aucune ne présente de date, de sorte qu'elles ne peuvent établir le défaut de nouveauté du modèle déposé en 1993.

Il n'est en rien démontré que la société Dismat, immatriculée le 3 janvier 1990 (pièce 3), ait proposé à la vente le dévidoir présenté en pièce 4, ni que cette offre en vente serait intervenue avant le dépôt du modèle.

Au vu de ces seuls éléments, et alors qu'une antériorité, pour être destructrice de droit concernant un modèle, doit être de toutes pièces et présenter une date certaine, le jugement sera suivi en ce qu'il a déclaré ce moyen de nullité inopérant.

Sur l'originalité

Le jugement a retenu que l'originalité était une condition de validité du modèle sous l'empire de la loi applicable alors, de sorte que la création doit porter l'empreinte de la personnalité de son auteur, et qu'il revient au titulaire de droit de justifier les contours de l'originalité qu'il revendique.

La société Katimex reconnaît que la jurisprudence a « parfois » ajouté le critère d'originalité du dessin et modèle à celui de nouveauté, et il est établi que «le modèle doit constituer une oeuvre originale représentant un choix arbitraire non dicté par les nécessités de la technique, et représentant l'empreinte de la personnalité de son auteur ».

Le caractère original doit être dissociable de la fonction technique ou utilitaire, les éléments revendiqués ne doivent pas être essentiellement fonctionnels.

La société Katimex revendique la forme en « S » de la partie métallique de son modèle qui lui confère un aspect esthétique unique, témoignant d'un parti pris esthétique original et d'un effort de création. Elle soutient que ses 8 coudes comportent des angles spécifiques, que la forme du «S » intégrant la poignée est particulière comme le fait que la partie inférieure serve de base au produit, et que le caractère monobloc reflète celui de son auteur. Elle soutient que le jugement ne s'est pas prononcé sur l'originalité de cette forme de « S » mais s'est fondé sur les autres éléments dont l'originalité n'était pas revendiquée.

Comme l'a indiqué le jugement, qui n'est pas contesté sur ce point par les parties, le modèle revendiqué se présente ainsi :

- sa structure est tubulaire ;

- sa base est rectangulaire et comporte deux roues intérieures sur un même côté ouvert ;

- Ie dévidoir proprement dit, de forme circulaire, est muni de six passants destinés à favoriser la conduite du câble, qui sont fixés à son axe de rotation et à un tube circulaire de plus petite circonférence ; le dévidoir est fixé à la base par deux tubes inclinés formant sensiblement un triangle entre eux et avec la base dont il partage les deux tiers proches des roues, l'un prolongeant celle-ci et l'autre y étant fixé pour s'achever en poignée, cette dernière partie comprenant une portion parallèle à l'autre et ayant de ce fait une forme globale de «S» sans retour supérieur.

Il ressort des conclusions de la société Katimex qu'elle ne soutient pas que la base triangulaire (axe de rotation / base), le tube incliné reliant l'axe de rotation à la base, ou la quasi-symétrie utilisée dans le prolongement du tube en poignée, seraient originaux.

La société Katimex a, comme indiqué précédemment, précisé en cause d'appel en quoi la forme de «S» révélerait la personnalité de son auteur.

Pour autant, la seule description des caractéristiques objectives de la forme du modèle revendiquée comme originale ne peut suffire à établir cette originalité, laquelle ne peut découler de la seule constatation de choix, sans que ne soit spécifié en quoi ils révèlent l'empreinte de la personnalité de leur auteur.

C'est à raison que le jugement a relevé que la forme de «S» répondait pour partie à des impératifs fonctionnels, en ce qu'elle participe à former une base triangulaire répondant à une exigence de solidité de l'ensemble, et assurant la stabilité du dispositif. De plus, la poursuite du tube au-dessus de l'axe de rotation pour former la poignée nécessaire à un 'dispositif de tirage des câbles', si elle n'est pas dans sa forme exclusivement commandée par des impératifs techniques, répond néanmoins à une fonction nécessaire, celle de proposer une poignée indispensable à un tel dispositif, dont il n'est pas contesté qu'elle équipe tous les dispositifs concurrents.

Il en résulte que cette forme de «S» est dictée par des impératifs essentiellement fonctionnels.

La cour observe au surplus que le dévidoir proposé, selon l'intimée, par la société Wopson International présente de même une poignée formée par un tube 'enjambant' le dérouleur et venant de chaque côté sur l'axe central de celui-ci, avant de rejoindre la base afin de participer à sa stabilité en formant également un triangle, ce qui contribue à lui donner une forme proche d'un «S». Si ce dévidoir Wopson n'est pas daté, il révèle néanmoins que le recours à une telle forme s'inscrit dans une tendance des produits de même type, ce qui contribue encore à priver d'originalité cette forme de «S» revendiquée dans le dispositif objet du modèle en cause.

Il résulte de ce qui précède que la société Katimex échoue à établir l'effort de création ayant précédé l'enregistrement du modèle dont elle revendique la protection, et à démontrer l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la partie française de son modèle, et constaté qu'en conséquence la société Katimex était irrecevable à agir en contrefaçon.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Le jugement a relevé que n'étaient produites que des photographies des documents commerciaux de la société Katimex ainsi que du procès-verbal de constat sur internet, alors que les produits commercialisés par la société Katimex se distinguent du modèle. Il a retenu que les systèmes de freinage et de guidage de la fibre n'étaient pas les mêmes, ce que la clientèle de ce type de produits, constituée de professionnels, relèvera. Il a précisé que l'utilisation d'un cliché représentant le modèle Katimex sur le site de la société ETC ne permettait pas d'établir la commercialisation effective d'un tel produit, et donc l'existence d'un risque de confusion.

Il a écarté tout parasitisme, faute pour la société Katimex d'établir son préjudice, et la valeur économique à laquelle il était porté atteinte.

La société Katimex soutient que le dévidoir de la société ETC est une copie servile du modèle qu'elle commercialise, et que l'intimée qu'elle a approvisionnée s'est approprié la valeur économique de son modèle. Elle ajoute que l'intimée profite indûment de la réputation de ses produits et de ses efforts intellectuels et financiers pour assurer la promotion de son modèle. Elle souligne que la société ETC utilise une photographie d'un produit authentique Katimex sur son site pour assurer la promotion de ses produits, ce qui est déloyal, et n'aurait pas dû utiliser les informations qu'elle avait obtenues sur ses produits. Elle dénonce également les actes parasitaires de la société ETC, et fait état de son préjudice.

La société ETC soutient qu'il n'est pas établi par les pièces versées qu'elle aurait disposé d'informations sur les produits Katimex et se serait approprié le savoir-faire de l'appelante. De même conteste-t-elle avoir tenté de tromper le consommateur sur l'origine du produit, ou détourner la clientèle. Elle déclare que rien ne lui permettait de savoir que le produit était protégé, et que le parasitisme n'est pas plus établi que le préjudice qu'aurait subi la société Katimex.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un produit puisse être librement reproduit sous réserve de l'absence de faute induite par la création d'un risque de confusion dans l'esprit du public sur l'origine du produit. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause, la reprise d'une combinaison et d'un agencement, même individuellement usuels, pouvant caractériser des actes de concurrence déloyale s'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit du public.

Le parasitisme repose, comme la concurrence déloyale, sur l'article 1240 du code civil, mais il s'en distingue car la concurrence déloyale repose sur l'existence d'un risque de confusion, critère étranger au parasitisme qui requiert la circonstance qu'une personne morale ou physique s'inspire ou copie, à titre lucratif et de manière injustifiée, une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. Il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements réalisés.

Le procès-verbal de constat du 14 août 2015 établit que sur le site www.eurotechnocom.com, qui constitue le site internet de l'intimée, sont présentés quatre produits référencés MTA4025A1, MTA4026A1, MTA4019 et MTA4019-1 sous une photographie correspondant au dispositif de tirage de câbles appelé Kati-Turbo proposé à la vente par la société Katimex.

Comme le tribunal, la cour ne dispose que de la photographie du produit commercialisé par la société Katimex d'une part, de celle des produits commercialisés par la société ETC d'autre part, étant relevé que les dispositifs de tirage de câbles proposés par les deux sociétés se distinguent du modèle dont la société Katimex revendiquait la protection, de par notamment la position de leurs roues. Ainsi, ces seules photographies versées rendent difficile la comparaison des produits, ainsi que l'appréciation du caractère servile ou non de la reproduction des caractéristiques des produits proposés par la société ETC.

Il ressort des pièces que la société ETC a commercialisé pendant plusieurs années les aiguilles sur fibre de verre montées sur dévidoirs de la société Katimex et qu'elle a assuré la promotion des produits Katimex dans un salon, de sorte qu'elle connaît leurs spécificités.

Le jugement a néanmoins relevé que le dispositif de freinage et de guidage de la fibre étaient différents sur les produits, ce qui n'est pas contesté par la société Katimex qui soutient que le système de freinage n'est pas visible à l'oeil nu et constitue un élément technique non protégé par le modèle. Cependant, la concurrence déloyale s'apprécie à l'égard du produit commercialisé par l'appelante, et le jugement a, à raison, relevé que s'agissant de produits destinés à un marché de professionnels, les fonctionnalités techniques revêtaient une importance particulière.

Il sera observé que pour trois des quatre références sous lesquelles la société ETC propose son produit, le produit correspondant n'est pas disponible ; par ailleurs, si le constat montre que le produit référencé MTA4019-1 est présenté comme « aiguille fibre de verre o 9-150m montée sur dévidoir ETC o 800 mm », cette précision que l'aiguille fibre de verre est montée sur un dévidoir ETC, qui est de nature à écarter le risque de confusion, n'apparaît pas pour les produits y figurant sous les autres références.

Le fait, pour la société ETC, de présenter sur son site internet des dévidoirs en utilisant la photographie des dévidoirs proposés par la société Katimex, qu'elle a distribués et dont elle a assuré la commercialisation pendant plusieurs années, ou une photographie de nature à créer un risque de confusion auprès de la clientèle, révèle un certain comportement déloyal.

Par ailleurs, si la société Katimex ne justifie pas précisément des investissements qu'elle a engagés pour assurer la promotion de ses produits, elle a fait éditer une brochure commerciale et réaliser des clichés photographiques pour les commercialiser, et a contribué financièrement à la mise en avant de ses produits lors de salons, comme l'illustre le courrier de la société ETC du 17 février 2003 lui demandant le versement d'une allocation à cet effet.

Aussi, en utilisant les clichés photographiques destinés à promouvoir les produits Katimex pour ses propres produits, la société ETC s'est placée dans son sillage et a profité indûment des efforts qu'elle avait engagés à son profit, sans bourse délier, ce qui révèle un comportement parasitaire.

Le jugement sera par conséquent réformé sur ce point.

Pour autant, la société Katimex n'établit pas l'existence d'un détournement de clientèle, de sorte qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de la société ETC en condamnant celle-ci au paiement de 3000 € à ce titre. Elle sera également condamnée au paiement de 3000 € au titre du parasitisme.

Il sera fait interdiction à la société ETC de poursuivre ces agissements.

Il ne sera pas fait droit à la mesure de publication, ni aux autres demandes de réparation présentées par la société Katimex.

Sur les autres demandes

Le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné la société Katimex au paiement des frais irrépétibles et dépens et 1ère instance.

Succombant au principal, la société ETC sera condamnée au paiement des dépens de 1ère instance et d'appel, ainsi qu'au versement de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire,

Confirme le jugement, sauf s'agissant de la concurrence déloyale et parasitaire, et de la condamnation de la société Katimex aux titres des frais irrépétibles et dépens,

statuant à nouveau sur ces points,

Dit que la société ETC a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Katimex,

Condamne la société ETC à verser à la société Katimex la somme de 6.000 euros au titre du préjudice subi du fait des actes concurrence déloyale et de parasitisme,

Interdit à la société ETC la poursuite de tels actes,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société ETC à verser à la société Katimex la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ETC aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Philippe C., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.