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Décisions

Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-16.472

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Rennes, du 25 janv. 2017

25 janvier 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 janvier 2017), que M. T..., salarié de la société de droit néerlandais Wave personnel computer et exerçant son activité en France a, le 23 novembre 2002, pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que, par jugement du 5 février 2003, le tribunal d'Utrecht a prononcé la mise en faillite de la société employeur ; que, par jugement du 24 novembre 2004, la juridiction prud'homale française a dit que la rupture du contrat s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé au passif de la liquidation judiciaire diverses créances ; que, le 7 avril 2006, un relevé de créances salariales au nom de M. T... a été établi et remis au centre de gestion et d'études de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (CGEA-AGS) qui, le 18 septembre 2006, a versé à ce titre une somme à l'administrateur hollandais de la société en liquidation judiciaire ; que n'obtenant paiement des sommes qui lui étaient dues, ni par le CGEA, ni par cet administrateur, le salarié a assigné le CGEA en réparation de son préjudice ;

Sur le moyen unique :

Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes alors, selon le moyen :

1°) qu'antérieurement à la transposition de la directive n°2002/74 CE du 23 septembre 2002 par la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, en l'absence de dispositions spécifiques du code du travail relatives aux liquidations judiciaires transfrontalières, la garantie de l'AGS était due dans les conditions prévues aux articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail (dans leur libellé applicable à la date du litige), l'AGS n'étant soumise qu'au respect de la législation nationale qui encadre ses obligations ; que la mission dévolue à l'AGS, telle qu'elle résultait des articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail, excluait tout paiement direct des créances au salarié, la mission de l'AGS consistant à verser au mandataire judiciaire (anciennement, représentant des créanciers), les sommes figurant sur les relevés de créances établis par ce dernier et restées impayées ; qu'en l'état d'une faillite transnationale, l'AGS avait pour seule obligation de verser à l'administrateur judiciaire de la société employeur à l'encontre de laquelle une liquidation judiciaire avait été prononcée, ou à toute organe équivalent, les sommes correspondant aux créances qui lui étaient présentées, sans possibilité ni pouvoir de contrôle de la gestion des fonds reçus ; qu'en retenant que l'obligation de verser les créances salariales au mandataire judiciaire, à charge pour ce dernier de les reverser aux salariés ne concernait que les procédures collectives suivies par les juridictions françaises, après avoir constaté l'applicabilité des articles L. 143-6 à L. 143-13-1 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 143-6 à L. 143-13-1 du code du travail (devenus les articles L. 3253-1 et suivants du code du travail) ;

2°) subsidiairement, que la mission dévolue à l'AGS, telle qu'elle résultait des articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail, dans leur libellé applicable à la date du litige, excluait tout paiement direct des créances au salarié, la mission de l'AGS consistant à verser au mandataire judiciaire (anciennement, représentant des créanciers), les sommes figurant sur les relevés de créances établis par ce dernier et restées impayées ; que la cour d'appel a constaté l'applicabilité des articles L. 143-6 à L. 143-131-1 du code du travail ; qu'en retenant que l'AGS avait commis une faute pour ne pas avoir vérifié que les fonds allaient être réellement versés à M. T..., la cour d'appel a ajouté à la loi et violé les articles L. 143-6 à L. 143-13-1 du code du travail (devenus les articles L. 3253-1 et suivants du code du travail), ensemble l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240 du même code) ;

3°) que la mission dévolue à l'AGS, telle qu'elle résultait des articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail, dans leur libellé applicable à la date du litige, excluait tout paiement direct des créances au salarié, la mission de l'AGS consistant à verser au mandataire judiciaire (anciennement, représentant des créanciers) les sommes figurant sur les relevés de créances établis par ce dernier et restées impayées ; que l'AGS avait versé aux débats un relevé de créances du 7 avril 2006 présentant un total de créances, au bénéfice de M. T..., pour une somme de 51 567,25 euros ; qu'il était constant que le 18 septembre 2006, l'AGS avait versé la somme de 51 567,25 euros à M. O..., administrateur hollandais de la société Wave PC en liquidation judiciaire ; qu'en retenant que l'AGS aurait commis une faute en procédant à la remise des fonds constituant la créance salariale de M. T..., à un tiers non habilité à les transmettre sans délai à ce salarié, quand il résultait de ses constatations que les fonds constituant la créance salariale avaient été versés à l'administrateur de la société en liquidation, conformément aux prévisions des articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail dont l'applicabilité était acquise, la cour d'appel a violé les articles L. 143-6 à L. 143-13-1 du code du travail (devenus les articles L. 3253-1 et suivants du code du travail), ensemble l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240 du même code) ;

Mais attendu d'abord, que lorsqu'une entreprise est mise en liquidation dans un Etat membre et dispose d'un établissement dans un autre Etat membre, les créances des salariés qui y exercent leur activité sont garanties, en cas d'insolvabilité de leur employeur, par les institutions du lieu de cette activité, par application de l'article L. 143-11-1 du code du travail alors applicable, qui a valeur de transposition en droit français de la directive 80/897/ CEE du Conseil du 20 octobre 1980 ;

Attendu ensuite qu'ayant relevé que le CGEA avait d'une part, remis les fonds constituant la créance salariale à un tiers qui n'était pas l'auteur du relevé des créances et non habilité à les transmettre et d'autre part, n'avait pas vérifié que les fonds allaient être réellement versés au salarié, la cour d'appel en a exactement déduit, que le CGEA avait commis une faute ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.