CA Paris, 4e ch. A, 25 février 2004, n° D20040026
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sap Polyne (SA)
Défendeur :
La prestance corp
Vu l'appel interjeté le 24 juillet 2001, par la société SAP POLYNE d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 7 mai 2001 qui a:
- dit l'appel en garantie formé par la société SAP POLYNE à l'encontre de la société LA PRESTANCE CORP irrecevable,
- dit que M GRANT justifie être l'auteur d'un dessin de la Tour Eiffel bénéficiant de la protection du livres 1, 3 et 5 du Code de la propriété intellectuelle,
- dit que les sociétés SAP POLYNE et LA PRESTANCE CORP, en important, en offrant à la vente et en vendant des pièces en plexiglass reproduisant le dessin de M GRANT, sans son autorisation, ont commis des actes de contrefaçon et porté atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux,
- interdit la poursuite des actes illicites sous astreinte de 1.000 francs par infraction constatée,
- ordonné la remise du stock des objets contrefaisants en vue de leur destruction, sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard,
- condamné in solidum la société SAP POLYNE et la société LA PRESTANCE CORP à payer à M GRANT la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts,
- autorisé la publication du dispositif du jugement dans deux revues ou journaux,
- condamné in solidum les sociétés SAP POLYNE et LA PRESTANCE CORP à payer à M GRANT la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions en date du 3 février 2003, par lesquelles la société SAP POLYNE demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a décidé que M GRANT ne justifiait pas de droits sur la pièce en altuglas contenant l'incrustation d'une Tour Eiffel,
- réformant cette décision pour le surplus de statuer à nouveau et de :
- juger irrecevable et mal fondée l'action en contrefaçon initiée par M GRANT,
- subsidiairement, de réduire le montant des dommages et intérêts,
- condamner M GRANT au paiement de 4.600 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les ultimes écritures signifiées le 28 mars 2003, aux termes desquelles M GRANT, formant appel incident, prie la Cour :
- de condamner la société SAP POLYNE au paiement de la somme de 210.745 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux, de la somme de 30.490 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit moral du fait des actes de contrefaçon,
- de juger que la société SAP POLYNE s'est également rendue coupable de faits délictueux,
- de condamner la société SAP POLYNE au paiement de la somme 80.000 euros en réparation des faits délictueux,
- de condamner la société SAP POLYNE à lui verser la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Vu l'arrêt prononcé par cette Cour le 4 juin 2003, ordonnant au visa de l'article 552 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile, la mise en cause par la partie la plus diligente de la société LA PRESTANCE CORP, 4, Floor, n°138-1, SEC [...] TAPEI, TAIWAN ROC ;
Vu l'assignation délivrée le 23 juin 2003, à la société PRESTANCE CORP par la société SAP POLYNE et la réassignation à parquet en date du 30 octobre 2003.
Considérant que la société LA PRESTANCE CORP n'a pas constitué avoué de sorte que le présent arrêt sera réputé contradictoire ;
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :
- M GRANT a conçu au cours de l'année 1989 un dessin stylisé de la Tour Eiffel, lequel réalisé en carton plastifié constitue la Reine d'un jeu d'échec, présenté au salon Moving à Paris en septembre 1991 par la société ARTDINAIRE, dont M GRANT était le gérant,
- ce jeu d'échec dans cette fabrication cartonnée a fait l'objet d'un dépôt de modèle par M GRANT auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 4 janvier 1990,
- ce jeu est paru dans le magazine LE FIGARO GUIDE, au mois de novembre 1991, sous la forme de pièces en altuglas incluant pour le pion représentant la Reine le dessin de la Tour Eiffel,
- constatant que la société SAP POLYNE, offrait à la vente des presse-papiers en plexiglas comportant le dessin d'une Tour Eiffel, M GRANT a fait pratiquer une saisie contrefaçon le 18 janvier 2000 ;
Considérant que la société SAP POLYNE soutient vainement que M GRANT ne pourrait se prévaloir des dispositions du Livre V du Code de la propriété intellectuelle, au motif que la photographie du jeu d'échec annexée au dépôt du modèle, ne permettrait pas de déceler les détails du dessin de la Tour Eiffel ; qu'en effet, ces caractéristiques sont suffisamment perceptibles sur la copie de ce dépôt, pour être identifiées ;
Considérant que pour bénéficier de la protection spécifique instaurée par le livre V du Code de la propriété intellectuelle, il convient de rechercher si le modèle en cause est nouveau, c'est à dire s'il ne peut lui être opposé d'autériorité de toute pièce, et s'il possède un caractère propre résultant d'une impression globale différente des modèles divulgués antérieurement ;
Considérant que la société appelante prétend que le dessin de la Tour Eiffel réalisé par M GRANT n'est ni nouveau, ni original et est antériorisé par ses propres modèles, notamment la reproduction de la Tour Eiffel sur un dessin créé en 1965, une coupelle et un porte-clé commercialisés en 1989 ;
Mais considérant qu'aucune de ces pièces produites par la société SAP POLYNE ne constitue une antériorité de toute pièce susceptible de détruire la nouveauté du dessin de M GRANT, lequel n'est pas reproduit dans toutes ses caractéristiques, en particulier la représentation du deuxième étage, le tracé du troisième étage, la stylisation de l'antenne, l'ornementation de l'arc entre les bras de la Tour ;
Considérant que le modèle répond donc au critère de nouveauté et présente un caractère propre ;
Considérant par ailleurs, que, par les choix effectués pour parvenir à la représentation stylisée de la Tour Eiffel, M GRANT en a fait une interprétation qui reflète sa personnalité, comme en attestent d'ailleurs d'autres modèles, présentés dans la brochure de la société PRESTANCE CORP, qui s'en démarquent; que le dessin est donc également protégeable par le droit d'auteur ;
Considérant que le dessin de la Tour Eiffel incrusté dans le presse-papier offert à la vente par la société SAP POLYNE reprend les caractéristiques propres au dessin de M GRANT inclus dans la pièce du jeu d'échec ;
Qu'il s'ensuit que la contrefaçon a exactement été relevée par le tribunal ;
Considérant que la société SAP POLYNE a remis à l'huissier une facture d'achat de 3.072 pièces auprès de la société PRESTANCE CORP, au prix de 1,15, revendues aux détaillants au prix de 12,50 francs HT ;
Qu'au vu de ces éléments, les premiers juges ont exactement évalué à la somme globale de 100.000 francs, soit 15.244 euros, l'indemnité réparant les préjudices patrimonial et moral subis par M GRANT ;
Que les measures d'interdiction, de confiscation et de publication autorisées par le tribunal, seront confirmées sauf à préciser qu'il sera fait mention du présent arrêt ;
Considérant que M GRANT reproche également à la société SAP POLYNE des actes de concurrence déloyale, résultant de la commercialisation de presse-papiers en altuglas le privant du succès du jeu d'échecs constitué de pions en plexiglas ;
Mais considérant que ce jeu d'échecs a été divulgué sous le nom de la société ARTDINAIRE, qui l'a commercialisé ;
Que de sorte, le tribunal a justement relevé que M GRANT est irrecevable à agir sur le fondement de la concurrence déloyale ou parasitaire ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à M GRANT ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 4.600 euros ; que la société SAP POLYNE qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant ;
Condamne la société SAP POLYNE à payer à M GRANT la somme complémentaire de 4.600 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société SAP POLYNE aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.