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Décisions

CA Paris, 19 janvier 1989

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SAEDE (SA)

Défendeur :

Lyonnaise des eaux (SA), La ville de Pamiers, Le Préfet d'Île de France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Renard-Payen

Conseillers :

M. Edin, M. Schoux, M. Collomb-Clerc, M. Canivet

Avocats :

Me de Fontbressin, Me Jeantet, Me Bettinger

Cons. conc., du 17 mai 1789

17 mai 1789

La cour,

 

Par son arrêt du 30 juin 1988, la cour a reçu la S.A.E.D.E. en son recours, réformé la décision n° 88-D-24 rendue le 17 mai 1988 par le Conseil de la concurrence en ce qu’elle a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par la S.A.E.D.E., et dit que les effets de la situation née de la résiliation du contrat qui bénéficie à la S.A.E.D.E. et de l’affermage du service des eaux au profit de la Société lyonnaise des eaux étaient suspendus jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt de la cour sur le fond de telle sorte que la situation antérieure se poursuive jusqu’à l’expiration du délai susindiqué.

Le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, a adressé à la cour un déclinatoire de compétence daté du 23 novembre 1988 par lequel il demande que soit requis le renvoi des parties devant la juridiction administrative.

Il soutient essentiellement :

- que l’arrêt du 30 juin 1988 repose sur une interprétation très extensive de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, lequel, n’ayant jamais reçu valeur législative, n’a pu aller à l’encontre du principe de la séparation des pouvoirs ;

- que la cour d’appel ne saurait faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative touchant à l’organisation des services publics et à la libre administration des collectivités locales ;

- que sa décision aboutit à créer une dualité de contrôle juridictionnel sur les mêmes actes, la juridiction administrative ayant rejeté la requête aux fins de mises à exécution de la S.A.E.D.E. et confirmé sa compétence pour connaître de ce litige par ordonnance du 2 septembre 1988 intervenue sur une demande en référé déposée par la ville de Pamiers et tendant à ordonner à la S.A.E.D.E. de libérer les lieux ;

La Société lyonnaise des eaux (S.L.E.) demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé le déclinatoire de compétence et, par voie de conséquence, inapplicable à l’espèce l’ordonnance du 1er décembre 1986.

Elle fait valoir :

- que le déclinatoire est recevable, la cour s’étant prononcée sur la compétence par une décision implicite faisant corps avec sa décision relative aux mesures conservatoires et étant donc, comme cette dernière, provisoire ;

- que le déclinatoire est fondé, se référant à cet égard à ses précédentes conclusions sur la compétence du Conseil de la concurrence et de la cour et sur les motifs avancés par le préfet.

La ville de Pamiers conclut dans le même sens, soulignant en ce qui concerne la recevabilité, que le dispositif de l’arrêt ne comporte aucune décision tranchant définitivement la compétence, puisqu’il se borne à ordonner des mesures provisoires dans le cadre de l’article 12 de l’ordonnance du 1er décembre 1986.

Elle ajoute que la cour a outrepassé les limites qui lui étaient assignées par la loi du 6 juillet 1987 en ordonnant le sursis à l’exécution d’une délibération d’un conseil municipal ; que l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 n’a pas été ratifié, de sorte que lorsqu’une personne publique est en cause, la cour d’appel ne peut apprécier la validité d’actes de prérogative de puissance publique ; que la juridiction administrative est nécessairement compétente, dès lors que la cour ne l’est pas.

La S.A.E.D.E. conclut à ce que le déclinatoire de compétence soit déclaré irrecevable, aux motifs :

- que la cour d’appel a affirmé la compétence judiciaire par un arrêt ayant force de chose jugée ;

- subsidiairement qu’il ne peut y avoir matière à conflit d’attribution en l’espèce, puisque le législateur a expressément retiré à la juridiction administrative le pouvoir de sanctionner un comportement contraire à l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- très subsidiairement, que la cour ne peut qu’écarter des débats un déclinatoire qui vise une demande formulée le 23 novembre 1988 pour l’audience du 20 octobre 1988.

Sur quoi, la cour :

Sur la recevabilité du déclinatoire de compétence :

Considérant que, par son arrêt du 30 juin 1988, ayant force de chose jugée, la cour a affirmé définitivement la compétence du Conseil de la concurrence et sa propre compétence en ce qui concerne l’application de l’article 53 de l’ordonnance du 1 décembre 1986 aux conditions dans lesquelles la ville de Pamiers avait conclu le contrat d’affermage en exécution de sa libre décision de déléguer à un cocontractant le service public de distribution de l’eau potable ;

Considérant qu’elle a, en effet, réformé la décision n° 88-D-24 rendue le 17 mai 1988 par le Conseil de la concurrence en ce qu’elle avait rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par la S.A.E.D.E. ; que la position prise, à cet égard, par le conseil était la conséquence directe de sa déclaration d’irrecevabilité de sa saisine, au motif que la délibération du conseil municipal de Pamiers du 10 mars 1988, affermant à la Société lyonnaise des eaux la distribution de l’eau pour cette commune ne pouvait être regardée comme une pratique entrant dans le champ d’application de l’ordonnance du 1 décembre 1986;

Considérant que le fait que la position prise par la cour sur la compétence du conseil et la sienne conditionnait sa décision sur les mesures conservatoires ne pouvait conférer sur ce point à l’arrêt du 30 juin 1988 un caractère provisoire ; que, dans ces conditions, la cour ne peut être amenée, par le déclinatoire de compétence qui lui est soumis, à revenir sur la position qu’elle a ainsi arrêtée définitivement ; qu’il y a donc lieu de déclarer irrecevable le déclinatoire comme intervenu postérieurement à l’arrêt du 30 juin 1988;

Par ces motifs :

Déclare irrecevable le déclinatoire de compétence déposé le 23 novembre 1988 par le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris ;

Dit que les débats seront rouverts à l’audience du 23 février 1989, à 9 heures, salle de la première chambre de la cour d’appel à laquelle les parties et participants à la procédure comparaîtront sans être autrement convoqués ;

Réserve les dépens ;

Prononcé à l’audience publique du 19 janvier 1989 par M. Schoux, conseiller, par empêchement de M. Renard-Payen et de M. Edin, appelés à d’autres fonctions, assisté de Mile Jars, greffier.