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Décisions

Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-17.167

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat général :

M. Lacan

Avocats :

Me Bertrand, Me Spinosi, SCP Roger et Sevaux

Paris, du 7 nov. 2007

7 novembre 2007

Joint les pourvois n° A 08-17.167 et W 08-19.877, qui attaquent le même arrêt ;

Statuant, tant sur les pourvois principaux formés par les sociétés Proconect et Ametek, que sur le pourvoi incident relevé par la société Prestolite ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Albright France a déposé le 30 septembre 2002 à l'Institut national de la propriété industrielle, sous le n° 02 5858, une série de trente-trois dessins et modèles de contacteurs électriques ; qu'elle a agi en contrefaçon de ces modèles à l'encontre des sociétés Prestolite, Proconect et Ametek ;

Sur le premier moyen des pourvois principaux, et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en leur deuxième branche, réunis :

Attendu que les sociétés Proconect, Ametek et Prestolite font grief à l'arrêt d'avoir déclaré valables les modèles 7, 8, 11, 13, 15, 16, 22, 24, 26, 27 et 30 de la demande d'enregistrement effectuée auprès de l'INPI par la société Albright France le 30 septembre 2002 sous le numéro 02 5858, alors, selon le moyen, que si la divulgation n'est pas prise en considération lorsqu'elle est le fait du créateur du dessin ou du modèle ou de son ayant droit, il est fait exception à cette règle par le dernier alinéa de l'article L. 511-6 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'ordonnance du 25 juillet 2001, pour les divulgations intervenues avant le 1er octobre 2001 ; qu'en considérant au contraire que ces dispositions devaient être comprises en ce sens que les divulgations opérées avant le 1er octobre 2001 ne pouvaient constituer des antériorités destructrices de nouveauté lorsqu'elles émanaient du créateur ou de son ayant cause, pour en déduire que la divulgation des modèles déposés dans le courant de l'année 1999 ne pouvait être prise en considération, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 511-6 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'ordonnance du 25 juillet 2001 ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 aménage un régime transitoire dans un souci de protection des intérêts du créateur, que la divulgation effectuée par ce dernier antérieurement au 1er octobre 2001 ne saurait lui faire grief, qu'il bénéficie à compter de cette date du délai de grâce de douze mois institué par la nouvelle législation et qu'en conséquence le dépôt effectué en l'espèce le 30 septembre 2002 n'est pas entaché de défaut de nouveauté ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen des pourvois principaux, pris en leur troisième branche, et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, réunis :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt retient encore qu'il est constant que les modèles de l'espèce ont fait l'objet d'une divulgation par leur créateur dans le courant de l'année 1999 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés Ametek, Proconect et Prestolite soutenant que la divulgation du mois de novembre 1999 n'était pas le fait de la société Albright France, déposant des modèles, mais celui d'un tiers, la société de droit anglais Albright international, dont il n'était pas démontré qu'elle fût l'ayant cause de la société Albright France, et qu'en conséquence la divulgation n'était pas le fait du créateur des modèles ou de son ayant cause au sens de l'article L. 511-6 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen des pourvois principaux, ainsi que sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa cinquième branche, réunis :

Vu l'article L. 511-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'arrêt retient encore que les sociétés Proconect, Ametek et Prestolite font valoir que les contacteurs électriques, incorporés aux organes de commande de chariots élévateurs ou de véhicules électriques, ne sont pas visibles par l'utilisateur final du produit dans le cours d'une utilisation normale, mais qu'elles se bornent à produire la photographie en date du 9 mai 2005 d'un engin de levage, sans autre précision, dépourvue de la moindre force probante et inopérante à soutenir le grief invoqué ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le dessin ou modèle d'une pièce d'un produit complexe n'est regardé comme nouveau et présentant un caractère propre que dans la mesure où la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d'une utilisation normale de ce produit par l'utilisateur final, à l'exception de l'entretien, du service ou de la réparation, et sans rechercher, au vu des conclusions des défendeurs contestant cette circonstance, s'il ne résultait pas de la nature même des produits incorporant les modèles en question que cette condition de la protection légale pouvait n'être pas remplie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le cinquième moyen des pourvois principaux et sur le second moyen du pourvoi incident, pris en leur dernière branche, réunis :

Vu les articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour décider que les contacteurs de la société Albright France référencés SW80, SW84, SW85, SW86, SW88, SW90, SW92 et SW93 pouvaient être protégés en application du Livre I du code de la propriété intellectuelle, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société est fondée en sa prétention eu égard à l'originalité des modèles en question, caractérisés par une physionomie propre résultant d'un effort créatif et non d'une contrainte fonctionnelle exprimant le parti pris esthétique de leur auteur, et qu'elle produit des copies d'écran du site web de la société Ametek sur lesquelles apparaissent notamment des contacteurs pouvant recevoir en option un système de soufflage magnétique, sans que leurs capots présentent des pans coupés et un relief en forme de losange ;

Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser en quoi l'aspect d'un contacteur dont la face supérieure du capot présente un relief en forme de losange dont les pointes, tronquées, sont situées dans le prolongement des faces latérales du capot, résulterait d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principaux et incident :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a "constaté le retrait de l'exception de procédure" et déclaré recevables les conclusions de la société Prestolite, l'arrêt rendu le 7 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.