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Décisions

CA Paris, 26 janvier 1989

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires Lachartre (Sté), Pierre Fabre (SA), Ducray (SA), Expanscience (Sté), Goupil (Sté), Ruby d'Anglas (Sté), Vichy (Sté), Pharmygiène (Sté), Groupement de répartition pharmaceutique, Lutsia (Sté), O.C.P (Sté), Laboratoires Monot (Sté), Biopha, Roc (Sté), Preux (SA), Centraform (SA)

Défendeur :

Le Ministre de l'Etat, Ministre de l'Economie, Ministre des Finances et de la Privatisation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ezratty

Conseillers :

M. Renard-Payen, M. Edin, M. Borra, M. Canivet

Avocats :

Me Lucas de Leyssac, Me Collin, Me Voillemot, Me Hermant, Me Henriot, Me Meffre, Me Epstein, Me Fourgoux, Me Berthat, Me Voillemot, Me Monod

CA Paris

26 janvier 1989

La cour,

Statue ensuite de son arrêt rendu le 28 janvier 1988 sur les recours formés contre la décision n° 87-D-15 du Conseil de la concurrence.

Cet arrêt, auquel il est référé pour l’exposé des faits de la cause, a, confirmant la décision entreprise, enjoint :

- aux sociétés Biopha, Expanscience, Goupil, Pierre-Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Ruby d’Anglas et Vichy de cesser de subordonner l’agrément de leurs distributeurs à la qualité de pharmacien d’officine, l’injonction étant étendue à la société Roc et un délai étant accordé jusqu’au 1er août 1988 pour son application par lesdites sociétés ;

- à la société Laboratoires d’applications dermatologiques Vichy de modifier ses contrats de distribution par la suppression de la clause interdisant aux revendeurs de rétrocéder des produits à un autre revendeur agréé ;

- aux sociétés Lachartre, Monot, O.C.P. Repartition et G.R.P. de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés ;

- à l’Ordre national des pharmaciens, dans l’exercice de ses compétences autres que juridictionnelles, de s’abstenir de toute ingérence dans le comportement des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d’agrément des distributeurs.

La cour a ajourné le prononcé de toute sanction pécuniaire, et a dit qu’afin de vérifier l’exécution des injonctions précitées l’affaire serait à nouveau appelée à l’audience du l décembre 1988, au vu d’un rapport établi, par le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Ce rapport a été déposé le 28 octobre 1988.

Les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre-Fabre Cosmétiques, Ducray - cette dernière intervenante reçue par l’arrêt du 28 janvier 1988 - Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Vichy, Roc, Ruby d’Anglas et O.C.P. Répartition demandent à la cour de constater qu’elles se sont conformées, chacune en ce qui la concerne, aux injonctions de l’arrêt.

La société Expanscience requiert en outre qu’il soit dit qu’elle ne peut être tenue de conclure formellement et de gérer plus de 21 000 contrats de distribution sélective avec les pharmaciens d’officine, lesquels, par leur structure, leur organisation et leur compétence professionnelle, sont aptes à cette distribution sans avoir à exiger d’autres garanties.

La société Laboratoire Goupil, qui a transféré ses activités dans le domaine cosmétique à la société Bergaderm, demande que l’injonction la visant soit déclarée sans objet.

Le Conseil national de l’ordre des pharmaciens prie la cour de constater qu’il s’est abstenu de toute participation dans la mise en place des contrats par les laboratoires et dans leurs négociations avec les pharmaciens d’officine ; qu’ en outre les pratiques visées dans l’arrêt du 28 janvier 1988, et non déclarées justifiées par les principes déontologiques, étaient néanmoins de nature à avoir une incidence sur la déontologie de la profession.

Il sollicite d’être déchargé de la sanction pécuniaire de 100.000 F prononcée contre lui par le Conseil de la concurrence.

Les sociétés Preux et Centraform ont déposé le 23 novembre 1988 au greffe de la cour des conclusions d’intervention volontaire aux fins :

- que soit constatée l’existence d’une entente et de refus de vente de la part des sociétés Expanscience, Pierre-Fabre Cosmétiques, Ducray, Pharmygiène, Roc, O.C.P. et G.R.P., agissements illicites destinés à éliminer les intermédiaires autres que les grossistes-répartiteurs dans la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ;

- que lesdites sociétés soient solidairement condamnées à leur verser 50.000 F à titre de dommages-intérêts;

- qu’il soit enjoint à la société Laboratoire Monot de modifier son contrat de distribution sélective « en faisant référence à la notion de diplômé en pharmacie, à l’exclusion de celle de diplômé en pharmacie » (lire « pharmacien diplômé ») ;

- que « l’ensemble des défendeurs » soit condamnés à lui payer la somme de 20.000 F sur le fondement de l’article 700 du N.C.P.C.

Les sociétés Biopha, Goupil, Vichy, Ruby d’Anglas, Roc et Monot concluent à l’irrecevabilité et au mal fondé de l’intervention des sociétés Preux et Centraform. La société Monot demande la condamnation de ces deux sociétés à lui verser, d’une part 20000 F à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure, d’autre part 10000 F par application de l’article 700 du N.C.P.C.

Sur quoi,

La cour,

Sur l’intervention des sociétés Preux et Centraform :

Considérant que ces sociétés n’étaient pas parties devant le Conseil de la concurrence et ne peuvent donc être regardées comme se joignant à l’instance devant la cour selon l’article 7 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 ;

Considérant en outre que leurs demandes tendent à soumettre à la cour un contentieux nouveau, né hors la décision déférée, et donc excédant les limites prescrites par la loi du 6 juillet 1987 pour l’exercice du pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Paris.

Considérant que, par suite, l’intervention des sociétés Preux et Centrafonn est irrecevable ;

Considérant que la société de production des Laboratoires Monot ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé cette intervention ; que sa demande de dommages-intérêts n’est pas fondée ; qu’elle n’établit pas non plus, à l’appui de sa présentation sur le fondement de l’article 700 du N.C.P.C la réalité de frais, non compris dans les dépens, qu’elle aurait dû exposer à l’occasion de l’intervention des sociétés Preux et Centraform;

Sur la suite donnée aux injonctions:

Considérant que la société Goupil, qui a cessé la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, n’est plus concernée par l’injonction contenue dans l’arrêt du 28 janvier 1988; que la société Bergaderm qui lui a succédé dans ces activités n’était pas partie devant le Conseil de la concurrence, et ne peut, selon l’article 7 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, être mis en cause d’office devant la cour;

Considérant qu’il ressort du rapport du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que d’autres pièces versées aux débats, que les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre-Fabre Cosmétiques, Ducray, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc, Ruby d’Anglas et Vichy ont, depuis l’arrêt précité, cessé de subordonner l’agrément de leurs distributeurs à la qualité de pharmacien d’officine; qu’elles organisent des réseaux de distribution sélective incluant de nombreux revendeurs non officinaux;

Considérant que, contrairement à l’assertion de la société Expan science, l’injonction contenue dans l’arrêt n’implique nullement que cette société soit tenue d’établir formellement des contrats avec tous les pharmaciens d’officine;

Considérant que la société Vichy fait maintenant figurer dans ses contrats de distribution une clause autorisant son distributeur agréé à revendre ses produits à un autre distributeur agréé en France, à un pharmacien ou à un grossiste agréé dans un autre pays de la C.E.E.;

Considérant que les sociétés visées par l’injonction relative à la diffusion de prix conseillés ont cessé relativement aux produits des fabricants en cause, de donner de telles indications, directes ou indirectes; que les quelques diffusions de coefficients multiplicateurs, signalées par des pharmaciens isolés, ne permettent pas d’imputer aux sociétés parties dans la présente instance des comportements illicites; que le calcul par O.C.P. Répartition des prix publics, à la demande de chaque pharmacien, et selon le taux de marge choisi par celui-ci, constitue un service personnalisé non assimilable à la diffusion de prix conseillés;

Considérant que l’enquête des services de la concurrence n’a pas décelé, depuis l’arrêt du 28 janvier 1988, d’ingérence de l’Ordre national des pharmaciens dans le comportement des fabricants et des pharmaciens d’officine en matière de prix et d’agrément des distributeurs; que, cependant, l’arrêt précédent a retenu à l’encontre des organes exécutifs de l’ordre, des pratiques anticoncurrentielles qu’il a déclarées non justifiées par les règles déontologiques; que la cour ne saurait, ainsi que le lui demande l’ordre, revenir sur ces appréciations; que lesdites pratiques appellent une sanction pécuniaire par application de l’article 53 de l’ordonnance n° 45-1383 du 30 juin 1945 et de l’article 59, alinéa 2, de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986; que, compte tenu du respect de l’injonction par les organes de l’ordre, il y a lieu de ramener à 50.000 F le montant de la sanction prononcée par le Conseil de la concurrence;

Par ces motifs,

Vu l’arrêt du 28 janvier 1988,

Déclare irrecevable l’intervention volontaire des sociétés Preux et Centraform ;

Constate que l’injonction visant la société Laboratoires Goupil est devenue sans objet;

Constate qu’en l’état:

Les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre-Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc, Ruby d’Anglas et Vichy se sont conformées à l’injonction qui leur a été donnée de cesser de subordonner l’agrément de leurs distributeurs à la qualité de pharmacien d’officine;

La société Vichy s’est conformée à l’injonction tendant à la sup pression, dans ses contrats de distribution, de la clause interdisant aux revendeurs de rétrocéder des produits à un autre revendeur agréé;

Les sociétés Lachartre, Monot, O.C.P. Répartition et G.R.P. se sont conformées à l’injonction leur prescrivant de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés;

Que l’ordre national des pharmaciens s’est également conformé à l’injonction le concernant;

Inflige à l’Ordre national des pharmaciens une sanction pécuniaire de 50.000 F;

Déboute la société Monot de sa demande en paiement de dommages-intérêts et de celle fondée sur l’article 700 du N.C.P.C.;

Condamne les sociétés Preux et Centraform aux dépens de leur intervention;

Condamne les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre-Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc, Ruby d’Anglas, Vichy, O.C.P. Répartition et G.R.P., ainsi que l’ordre national des pharmaciens, in solidum aux autres dépens de l’instance.