CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 21 septembre 1988, n° ECOC8910032X
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mignot
Défendeur :
Ministre de l'Economie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Montanier, M. Culie
Conseillers :
M. Borra, M. Gourlet, M. Canivet
La cour,
Statue sur le recours formé par M. Yves Mignot contre la décision n° 88-D-34, rendue le 21 septembre 1988 par le Conseil de la concurrence.
Référence étant faite à cette décision pour un exposé détaillé du litige et l’énoncé des motifs retenus par le Conseil de la concurrence, il convient seulement de rappeler:
- que par lettre enregistrée le 13 avril 1988, M. Yves Mignot a saisi le Conseil de la concurrence des agissements anticoncurrentiels de plusieurs quotidiens de l’Est de la France se traduisant notamment par des refus d’insertion de publicité dans les journaux Le Bien public, Les Dernières Nouvelles d’Alsace et L’Est républicain;
- que le Conseil de la concurrence a considéré qu’hormis le cas de saisine d’office, il ne pouvait être saisi, par application des dispositions combinées du premier alinéa de l’article 11 et du deuxième alinéa de l’article 5 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, que par le ministre chargé de l’économie, les entreprises, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et syndicales, les organisations de consommateurs agréées, les chambres d’agriculture, les chambres de métiers et les chambres de commerce et d’industrie;
- qu’il a en conséquence rejeté la demande de M. Yves Mignot, au motif que le requérant n’appartenait pas, à la date du dépôt de la saisine, à l’une ou l’autre des catégories mentionnées dans cette énumération à caractère limitatif, puisqu’il avait cessé toute activité professionnelle le 31 décembre 1986 et avait été radié du registre du commerce le 30 mars 1987.
Le demandeur au recours a conclu le 24 novembre 1988 à la réformation de la décision attaquée et à la recevabilité de sa saisine en exposant qu’il a créé le 20 juillet 1982, à côté de son activité de recouvrement de créances, une entreprise individuelle de centralisation informatique des offres et demandes en matière de ventes et locations immobilières, sous l’enseigne « National-Forum-Immobilier », devenue en avril 1983 «Office national de centralisation immobilière»; que les journaux Le Bien public, Les Dernières Nouvelles d’Alsace et L’Est républicain ont successivement refusé, en 1984, de poursuivre la diffusion de toute publicité émanant de l’O.N.C.I. et qu’il a dû, de ce fait, cesser cette activité le 31 décembre 1986; qu’il a déclaré la cessation d’exploitation au registre du commerce le 27 mars 1987 et a continué, sous forme de profession libérale, son activité originaire de recouvrement de créances.
M. Yves Mignot fait valoir, dans ses conclusions régulièrement déposées:
- que, dans l’esprit de l’ordonnance du 1er décembre 1986, c’est au moment de la réalisation des faits anticoncurrentiels incriminés que doit être appréciée la qualité «d’entreprise» du requérant, et non au moment de la saisine du Conseil de la concurrence;
- que le rejet d’une plainte par le Conseil de la concurrence au motif que le requérant ne présenterait plus la qualité d’entreprise au moment de la saisine reviendrait à pénaliser les entreprises «les plus victimes» ayant succombé sous les agissements anticoncurrentiels dont s’agit;
- que, subsidiairement, Yves Mignot exerçait toujours le 12 avril 1988, date de la saisine du Conseil de la concurrence, une activité libérale de recouvrement de créances pouvant être qualifiée d’entreprise au sens de l’ordonnance du 1Cr décembre 1986.
M. le ministre chargé de l’économie a répliqué dans ses observations écrites du 4 janvier 1989:
- que la qualité « d’entreprise» doit être appréciée au moment de la saisine du Conseil de la concurrence et qu’en l’espèce l’entreprise commerciale de centralisation d’offres et demandes immobilières avait disparu lors de la saisine du Conseil;
- que si M. Mignot conservait, par son activité libérale de recouvrement de créances, qualité pour agir, il n’y avait plus intérêt puisque ses griefs contre les journaux de l’Est étaient relatifs à une autre branche d’activité.
Sur quoi la cour,
Considérant qu’en droit procédural comme au contentieux administratif la qualité pour agir s’entend de la justification d’un intérêt légitime, direct et personnel, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue l’action aux seules personnes qu’elle qualifie à cet effet; que, dans cette dernière hypothèse, une personne peut avoir un intérêt à agir et n’avoir pas, ou n’avoir plus, la qualité nécessaire pour procéder;
Considérant qu’ainsi définie la qualité pour agir doit s’apprécier à la date de l’introduction de la demande et non au moment du trouble allégué;
Considérant qu’en l’espèce Yves Mignot avait perdu, à la date de la saisine du Conseil de la concurrence, la situation juridique de chef d’une entreprise individuelle ayant une action sur le marché en cause, celui de la centralisation des offres et des demandes dans le domaine de l’immobilier; que cette entreprise avait en effet disparu par cessation d’activité le 31 décembre 1986 et radiation du registre du commerce et des sociétés le 30 mars 1987; qu’il s’ensuit que le demandeur n’avait, à la date du 13 avril 1988, aucune des qualités exigées par les articles 5 et 11 de l’ordonnance du 1 décembre 1986 pour avoir le droit de saisir le Conseil de la concurrence;
Considérant en conséquence que la demande présentée à ce Conseil par Yves Mignot était irrecevable et qu’il y a lieu de confirmer la décision entreprise;
Par ces motifs,
Confirme la décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-34 en date du 21 septembre 1988, condamne Yves Mignot aux dépens d’appel.