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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 2 avril 2004, n° 2002/07422

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Danestyle Leisure Accesoiries (SA)

Défendeur :

Air France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

Mme Regniez, M. Marcus

Avocats :

SCP Moreau, Me Kessler, SCP Lagourgue et Olivier, Me Thibault, Me Bonnard

TGI Paris, 3e ch., du 19 déc. 2001

19 décembre 2001

La cour est saisie d’un appel interjeté par la société DANESTYLE LEISURE ACCESSORIES (ci-après dénommée DANESTYLE) à l’encontre d’un jugement en date du 19 décembre 2001 rendu par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l’opposant à la COMPAGNIE NATIONALS AIR FRANCE (ci- après AIR FRANCE).

DANESTYLE se prévalent de droits sur un modelé de coussin gonflable repose- tète déposé le 24 octobre 1986 à l’INPI, sous le n° 865 599 et rendu public le 4 novembre 1987, et de droits d’auteur sur cet objet, ayant constaté qu’AIR FRANCE utilisait des coussins gonflables repose-têtes qui en seraient la reproduction, a, après une démarche préalable auprès de cette société qui n’a pas été suivie d’effet et une saisie contrefaçon du 25 mai 200, fait citer, par acte d’huissier du 9 juin 2000, AIR FRANCE sur le fondement des articles L. 511-1 du CPI, L. 112-2 du CPI, 10 bis de la convention d’Union de Paris et 13 82 et suivants du Code civil, en contrefaçon et concurrence déloyale par diffusion de copies serviles de moindre qualité et à bas prix, et demande par écritures ultérieures des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication ainsi que paiement de dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

AIR FRANCE avait conclu au rejet de l’ensemble de ces demandes, sollicitant le prononcé de la nullité du module déposé.

Par le jugement déféré, le tribunal a :

- prononce la nullité du module n° 865 599 du 24 octobre 1986 dont la société DANESTYLE est titulaire,

- débouté DANESTYLE de l’intégralité de ses demandes,

- dit que le jugement passe en force de chose jugée sera transmis à I’INPI pour inscription au registre national des dessins et modèles sur réquisition du greffier ou de l’une des parties,

- condamné DANESTYLE à payer à AIR FRANCE la somme de 3048,98 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ses dernières écritures du 4 février 2003, DANESTYLE prie la cour, vu les articles L. 511-1 et L. 112-1 du CPI, 10 bis de la Convention de Paris, 1382 et suivants du Code civil. l’article 47 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord ADPIC) de :

- dire et juger qu’AIR FRANCE a commis des actes de contrefaçon tant du modèle déposé n° 865599 que du droit d’auteur de DANESTYLE, ainsi que de concurrence déloyale par diffusion de copies serviles de moindre qualité et à bas prix dont les utilisateurs ne pouvaient qu’attribuer l’origine a DANESTYLE, fournisseur habituel des compagnies aériennes pour des produits d’aspect identique,

- ordonner à AIR FRANCE d’informer DANESTYLE de l’identité des tiers participant à la production et à la distribution des produits en cause,

- interdire à AIR FRANCE de commercialiser les produits contrefaisants à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte définitive de 150 euros par infraction constatée,

- ordonner l’exécution provisoire de la mesure d’interdiction, nonobstant tout recours et sans constitution de garantie,

- dire et juger que le “tribunal” se réservera la liquidation de l’astreinte s’il y a lieu,

- condamner, en conséquence des actes de contrefaçon de modèle et droit d’auteur ainsi que de concurrence déloyale, la compagnie AIR FRANCE à payer a DANESTYLE une indemnité de 77 000 euros,

- ordonner la publication du “jugement” dans trois revues ou journaux au choix de la demanderesse et aux frais de la défenderesse, à concurrence de 1500 euros par insertion, et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- condamner AIR FRANCE à payer à DANESTYLE la somme de 7 700 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ses dernières écritures du 5 février 2004, AIR FRANCE demande à la cour, au visa des articles L. 511-1 et suivants, et L. 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle de :

- débouter DANESTYLE de toutes ses demandes, fins et conclusion,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

SUR CE, LA COUR :

Considérant que le tribunal a prononcé la nullité du modèle déposé en estimant notamment que l’extrait du catalogue de vente par correspondance automne hiver 1983/1984 de LA REDOUTE montre un “coussin gonflable repose-tête encadrant le visage a la façon d’un col, la grande base étant orientée vers le haut et les angles de cette grande base étant arrondis” et que “si ce repose-tête est dit en forme de croissant puisqu’il n’est pas globalement rectangulaire du fait du rétrécissement progressif de ses bords jusqu’à la naissance du cou qu’ils encadrent, il demeure que le fait pour DANESTYLE de redonner à ce coussin gonflable une forme rectangulaire classique d’oreiller ne précède d’aucun effort de création et que ce module dépourvu d’originalité dans ses caractéristiques prétendues est nul et ne donne pas non plus prise aux droits d’auteur” ;

Considérant que DANESTYLE critique cette décision, soutenant, d’une part, que le document retenu ne peut lui être opposé puisqu’elle justifie venir aux droits du créateur de cet objet et qu’il s’agit d’une création datant du 15 novembre 1982 et, d’autre part, que ce repose-tête présente une originalité certaine, dans la mesure où il se distingue très nettement des formes boudins des repose-têtes existant sur le marché ;

Qu’elle précise que son coussin est protégeable en ce qu’il combine un contour extérieur de forme trapézoïdale avec des angles formant de petits arrondis en “oreilles d’ourson”, ce contour étant souligné par des extrémités élargies se “refermant” sur le passage du cou, évoquant une forme générale d’oreiller, ce qui n’est nullement révélé par les documents versés aux débats (celui retenu par le tribunal de la REDOUTE et celui de DAMART 1972) ;

Considérant qu’AIR FRANCE réplique que DANESTYLE ne fait pas la preuve de la chaine de la transmission des droits d’auteur sur 1’objet en cause et qu’elle ne peut, en conséquence, que se prévaloir de la date de création correspondant à la date de son dépôt de modelé et que, comme l’a dit le tribunal, le repose-tête est dénué de tout caractère nouveau au sens de l’article L. 511-3 du CPI, la forme étant purement utilitaire et fonctionnelle ;

Considérant, cela expose, qu’en réalité, DANESTYLE justifie de ce que les auteurs de la création invoquée. Messieurs Manus et Noldens-Nilsen lui ont transmis leurs droits d’auteur (acte de cession en date du 23 juillet 1990, et qu’en outre, le dépôt français dont elle se prévaut a été effectué en France sous le nom de société SLEEPOVER INTERNATIONAL Aps, devenue suivant acte description enregistre a I’ENPI le 11 janvier 1999, DANESTYLE ; qu’il en résulte qu’elle est fondée à invoquer des droits d’auteur sur line création de 1982 et des droits sur le modèle déposé le 24 octobre 1986 ; qu’en conséquence, le catalogue de LA REDOUTE de 1983/1984 postérieur a la date de création n’est pas un document pertinent;

Considérant que le modèle déposé présente par la forme intérieure du repose-tête un caractère fonctionnel puisqu’elle permet la position de cet objet autour du cou ; que la forme extérieure ne comporte, au contraire, pas un caractère exclusivement fonctionnel ; qu’en effet, le modèle déposé, contrairement à ce qu’a dit le tribunal, montre la configuration suivante : une forme générale trapézoïdale présentant à sa partie supérieure des angles légèrement arrondis et dans sa partie inferieure deux bases de part et d’autre de l’ouverture nécessaire pour le cou, bases rectilignes, présentant toutes deux une avancée en direction du cou, de telle sorte que la dimension intérieure est plus large que celle de la base ;

Considérant qu’aucun des documents mis aux débats (y compris celui de LA REDOUTE qui est écarté en raison de sa date et le modèle DAMART de 1972) ne présente cette forme trapézoïdale ; qu’il s’agit au contraire de forme “en croissant” qui donne un aspect général de boudin arrondi alors que la forme du modèle déposé est géométrique ; qu’il en résulte que, outre son caractère nouveau, le modèle présente un effet extérieur lui dormant une physionomie propre et nouvelle qui révèle l’effort créatif de l’auteur ; que le jugement sera réformé en ce qu’il a annulé le modelé, cette œuvre étant protégeable tant au litre des articles L. 511-1 et suivants du CPI que des dispositions L. 111-1 et suivants au titre des droits d’auteur;

Considérant. sur la contrefaçon, qu’il résulte du procès-verbal de saisie et de la comparaison entre les objets en cause que le repose-tête commercialisé par AIR FRANCE reproduit les caractéristiques protégeables c’est à dire la forme générale trapézoïdale avec sur la base supérieure des angles en “oreilles d’ourson” et une base inferieure rectiligne dont les extrémités sont plus larges que le diamètre intérieur ; qu’AIR FRANCE ne soutient d’ailleurs aucune argumentation sur 1’absence de contrefaçon; qu’il convient, en conséquence, de faire droit à cette demande;

Considérant qu’il est encore soutenu que des actes de concurrence déloyale auraient été commis s’agissant de copie servile fabriquée dans un matériau de moins bonne qualité et vendue à des prix très inférieurs à ceux qu’elle propose ;

Mais considérant que si les repose-têtes sont très proches, il n’est pas établi qu’il s’agirait de copie servile, c’est à dire se superposant parfaitement; qu’il n’est pas davantage prouvé que la qualité de ces repose-têtes seraient inferieures à celle des coussins gonflables de DANESTYLE ; qu’il en résulte que la seule circonstance que les objets sont commercialises a des prix inférieurs aux siens ne caractérise pas des actes districts de la contrefaçon; que le jugement sera confirmé en ce qu’il avait rejeté la demande de concurrence déloyale ;

Considérant, sur les mesures réparatrices, qu’en l’absence d’éléments précis sur le nombre de coussins contrefaisants commercialises par AIR FRANCE, le préjudice subi ne saurait avoir l’importance alléguée par DANESTYLE ; que, toutefois, en raison de 1’atteinte portée aux droits d’auteur et de module, la cour estime que le préjudice total subi par DANESTYLE sera exactement réparé par l’allocation de la somme de 15 000 euros ;

Considérant qu’il y a lieu de faire droit aux mesures d’interdiction et de publication sollicitées, dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ;

Considérant que la demande d’information sur l’identité des tiers participant à la production et à la distribution des produits en cause n’apparait pas en l’état justifiée ;

Considérant que l’équité commande d’allouer a DANESTYLE la somme de 5000 euros pour les frais non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Reforme le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande en concurrence déloyale ;

Statuant à nouveau pour le surplus, et ajoutant,

Dit que la Compagnie Nationale AIR FRANCE a commis des actes de contrefaçon tant du modèle déposé n° 865 599 que du droit d’auteur de la société DANESTYLE ;

Fait interdiction a AIR FRANCE de commercialiser les produits contrefaisants à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé le délai de deux mois de la signification du présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Condamne la Compagnie Nationale AIR FRANCE à payer à la société DANESTYLE la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Ordonne la publication du présent arrêt dans trois revues ou journaux au choix de DANESTYLE et aux frais d’AIR FRANCE, à hauteur de la somme globale de 3000 euros TTC ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la Compagnie Nationale AIR FRANCE aux entiers dépens ;

Autorise la SCP MOREAU, avoué, à recouvrer les dépens d’appel, selon les dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.