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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 10 juillet 1989, n° ECOC8910106X

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Simonin, Société française d'électroridoponcture (SARL)

Défendeur :

Médicamat (SA), Sopromed (SARL), Lambert, " Jean Sans Peur " (SCI), Laboratoire de Pathologies Humaines et Expérimentale (SCP), Compagnie Bourguignonne des Œnophiles (SARL), Bismuth, Desouches, Mangin, Compagnie Française des Œnophiles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Culie, M. Schoux

Conseillers :

M. Collomb, Mme Aubert, M. Gourlet, Mme Amblard

Avocats :

Me Ciochetti, Me Lenoir, Me Gorny, Me Hoffman, Me Binet, Me Menard

Cons. conc., du 17 janv. 1989

17 janvier 1989

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui du recours ;

Par décision du 17 janvier 1989, le Conseil de la concurrence a déclaré irrecevable la saisine au fond présentée par M. Philippe Simonin et la Société française d’électroridoponcture (S.O.F.E.R.P.) pour « ententes » et « abus de position dominante » sur le marché des appareils permettant le traitement et les soins esthétiques de la peau, au motif que les faits invoqués par les demandeurs n’étaient appuyés d’aucun élément de preuve laissant supposer qu’ils pouvaient résulter d’une pratique prohibée par les articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986.

Le conseil a, par voie de conséquence, rejeté dans la même décision la demande de mesures conservatoires formulée par Simonin et la Société française d’électroridoponcture.

Ces derniers ont formé le 14 février 1989 un recours contre la décision susvisée mais se sont désistés le 13 mars 1989 de leur recours contre l’article 2 du dispositif de la décision concernant les mesures conservatoires.

Dans leur mémoire déposé devant la cour, Philippe Simonin, titulaire de brevets et marque sur un appareil de traitement esthétique des rides de la peau, et la Soferp, qui en est l’exploitant pour l’Europe, reprennent l’exposé de leurs griefs à l’encontre de sociétés fabricantes ou distributrices d’appareils prétendus contrefaisants (Mediatronic, Sopromed, Médicamat), de médecins dermatologues collaborant avec ces entreprises (docteurs Michiels, Lambert, Simon) ainsi que de praticiens accusés de contrefaçon de l’appareil Simonin (docteur Mangin, M. Desouches et Bismuth) et du docteur Legrand, président de la société française de médecine esthétique.

Les demandeurs se plaignent essentiellement d’avoir été écartés de la liste des exposants du 15e Congrès national de médecine esthétique organisé en octobre 1988 à Paris par la Société française de médecine esthétique, alors que le professeur Lambert a présidé dans le cadre de ce congrès à la démonstration de l’appareil Sopromed devant un public sélectionné.

Selon eux, il y aurait là une action concertée pour interdire aux appareils de Philippe Simonin l’accès au marché et cette entente illicite aboutirait à un quasi-monopole des firmes en cause. Ils sollicitent en conclusion qu’une enquête approfondie soit ordonnée sur les faits dénoncés et que le dossier soit renvoyé au Conseil de la concurrence, pour qu’il soit procédé à son instruction au fond.

La société Medicamat soutient dans ses conclusions devant la cour que la décision attaquée doit être confirmée et soulève en outre le défaut de qualité à agir de M. Simonin qui ne serait pas une « entreprise » au sens de l’ordonnance précitée. La société Medicamat sollicite enfin la condamnation des requérants au paiement d’une somme de 10.000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’une somme de 10.000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Sopromed, le professeur Daniel Lambert, le Laboratoire de pathologie humaine et expérimentale (S.C.P. au sein de laquelle exerce le docteur Michiels), la Compagnie française des œnophiles S.A.R.L., la Compagnie bourguignonne des œnophiles S.A.R.L. et la S.C.L «Jean Sans Peur » (propriétaires des locaux occupés à Dijon par Sopromed) concluent également à la confirmation de la décision entreprise et, estimant le recours abusif, demandent la condamnation de Philippe Simonin et de la Soferp à payer à chacun d’eux une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 50.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

MM. Bismuth et Desouches observent qu’en dehors de l’action en contrefaçon engagée par les demandeurs devant le tribunal de grande instance de Paris, aucun reproche n’est formulé à leur encontre au regard des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. Ils concluent à la confirmation de la décision du Conseil de la concurrence et subsidiairement à une déclaration de litispendance. Ils réclament chacun la condamnation des demandeurs au paiement de 100.000 F de dommages et intérêts et d’une somme de 50.000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mme Mangin, docteur en médecine, se défend d’avoir modifié l’appareil de M. Simonin en service à son cabinet. Elle conclut au rejet du recours et à sa mise hors de cause.

Dans ses observations écrites du 11 mai 1981, le ministre chargé de l’économie estime que l’entente alléguée n’est pas établie, le refus de l’appareil Simonin au congrès de 1988 ayant une explication logique, et que l’abus de position dominante ne l’est pas davantage, faute de définition du marché pertinent.

Enfin, le ministère public conclut à la confirmation de la décision entreprise.

Sur quoi, la cour,

Considérant qu’il convient tout d’abord d’écarter du débat les allégations de contrefaçon de brevets et de marques qui n’entrent pas dans la compétence du conseil et font l’objet d’un procès pendant devant le tribunal de grande instance de Paris;

Considérant que le seul fait matériel pouvant servir de support à l’action des demandeurs pour pratiques anticoncurrentielles se réduit donc au refus d’admettre comme exposant au congrès de la Société française de médecine esthétique M. Simonin et la Soferp; que ce refus, qui relève en soi des dispositions de l’article 36 de l’ordonnance, pourrait, le cas échéant, résulter d’une entente prohibée ou constituer un abus de position dominante;

Considérant cependant que selon l’article 19 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence peut déclarer la saisine irrecevable s’il estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d’éléments probants; qu’il appartient donc à toute partie qui saisit le conseil de produire des éléments propres à établir la réalité, ou à tout le moins la vraisemblance, des pratiques énoncées aux articles 7 et 8 de l’ordonnance;

Considérant qu’en l’espèce les demandeurs qui n’ont pas usé de la procédure de référé de l’article 36 pour faire cesser les agissements allégués ne fournissent pas d’indices sérieux permettant de présumer que le refus de leur accorder un stand d’exposition au Congrès national de médecine esthétique était le résultat d’une collusion entre le président de la société savante organisatrice, d’une part, les entreprises concurrentes et les médecins parrainant celles-ci, d’autre part;

Que la seule pièce produite à cet égard, à savoir un appel de cotisation de 12.000 F adressé pour l’année 1988 par la Société française de médecine esthétique à la société Medicamat en tant que membre bienfaiteur, ne saurait être regardée comme suffisante;

Considérant en sens contraire que le nombre d’exposants audit congrès était limité à vingt-cinq; que M. Simonin avait déjà pu présenter son appareil au salon de 1985;

Qu’il ressort des pièces annexées au mémoire de la Société française d’esthétique devant le Conseil de la concurrence que M. Simonin, aide dermatologiste de nationalité helvétique, se fait passer pour docteur en médecine; que des mises en garde sévères lui ont été adressées le 26 septembre 1988, soit juste avant le congrès, par le médecin cantonal de l’institut d’hygiène de Genève et que des doutes ont été émis sur son appareil par divers spécialistes, dont un chercheur du C.N.R.S.; que la décision du docteur Legrand, d’ailleurs prise en collégialité avec son comité scientifique, peut dès lors aisément se justifier par d’autres mobiles qu’une entente anti-concurrentielle;

Considérant en second lieu que les demandeurs au recours n’ont fourni aucun élément d’information sur le marché des appareils de traitement des rides, de sorte que la cour ignore tout de l’état de ce marché, y compris les parts respectives et même le chiffre d’ affaires en France de Soferp, Medicamat et Sopromed;

Considérant qu’en cet état une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve;

Considérant en conséquence que la saisine du Conseil de la concurrence était bien irrecevable et que sa décision doit être confirmée sans qu’ il soit utile d’ examiner l’autre cause d’irrecevabilité tirée du défaut de qualité à agir de M. Simonin;

Considérant que la mise en cause de la S.C.P. Laboratoire de pathologie humaine et expérimentale, de la Compagnie française des œnophiles, de la Compagnie bourguignonne des œnophiles et de la S.C.I. « Jean Sans Peur», ainsi que de MM. Bismuth et Desouches, apparaît abusive dans la mesure où les demandeurs n’ont, ni dans leurs écritures ni dans leurs plaidoiries, articulé contre eux aucun fait précis susceptible d’être qualifié d’agissement anticoncurrentiel; que ce comportement est constitutif d’une légèreté blâmable dans l’exercice des voies de recours; qu’il convient donc d’allouer à ces personnes physiques et morales des dommages et intérêts pour abus de procédure sur le fondement de l’article 559 du nouveau code de procédure civile; qu’en revanche les demandes de dommages et intérêts formées par les sociétés Medicamat et Sopromed et le professeur Lambert seront rejetées, faute de démontrer que le droit de recourir contre la décision du Conseil de la concurrence a dégénéré en abus à leur égard;

Considérant qu’il paraît inéquitable de laisser à la charge des parties défenderesses les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens;

Par ces motifs:

Confirme la décision d’irrecevabilité du Conseil de la concurrence en date du 17 janvier 1989;

Déboute le professeur Lambert, les sociétés Medicamat et Sopromed de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Condamne Philippe Simonin et la Société française d’électroridoponcture (Soferp) in solidum à payer la somme de 5.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, à chacune des parties suivantes : S.C.P. Laboratoire de pathologie humaine et expérimentale, Compagnie française des œnophiles, Compagnie bourguignonne des œnophiles, S.C.I. « Jean Sans Peur », M. Bismuth et Desouches;

Condamne in solidum Philippe Simonin et la Soferp à payer la somme de 5.000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à chacune des parties suivantes: les sociétés Medicamat et Sopromed, le professeur Daniel Lambert, la Compagnie française des œnophiles, la S.C.L «Jean Sans Peur », le Laboratoire de pathologie humaine et expérimenta, la Compagnie bourguignonne des œnophiles et M. Bismuth et Desouches;

Condamne in solidum Philippe Simonin et la Soferp aux dépens de l’instance;