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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 juin 2021, n° 19/14738

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence de Sécurité et Gardiennage Industriel (SARL)

Défendeur :

Isobox Isolation (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Lesenechal, Me Dormeau, Me Grappotte-Benetreau, Me Kouchnir Cargill

T. com. Nancy, du 23 mai 2019

23 mai 2019

Vu le jugement rendu le 23 mai 2019 par le tribunal de commerce de Nancy qui a :

- débouté la société Agence de sécurité et gardiennage industriel de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce,

- débouté la société Isobox isolation, anciennement dénommée Isobox technologie, de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

- débouté chaque partie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Agence de sécurité et gardiennage industriel aux dépens ;

Vu l'appel relevé par la société Agence de sécurité et gardiennage industriel « ASGI » et ses dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2020 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de « l'article L. 442-1 du code de commerce », de :

1°) infirmer le jugement en ce qu'il a l'a débouté de ses demandes et, statuant à nouveau :

- constater le caractère brutal de la rupture des relations commerciales unilatéralement prononcée par la société Isobox isolation, anciennement dénommée Isobox technologies,

- condamner la société Isobox isolation à lui payer la somme de 22 036,08, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale des relations commerciales, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts,

- condamner la société Isobox isolation aux dépens de première instance et à lui payer la somme de 2 000 par application de l'article 700 du code de procédure au titre des frais irrépétibles de première instance,

2°) dire la société Isobox isolation mal fondée en son appel incident, l'en débouter et confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de cette société en paiement de la somme de 4 982,05, à titre de dommages-intérêts, en raison de dégradations et négligences qui seraient survenues lors d'une des prestations et en paiement de la somme de 4 000 par application de l'article 700 du code de procédure, outre les dépens,

3°) condamner la société Isobox isolation aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 5 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2019 par la société Isobox isolation qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ainsi que des articles 1194 et 1231-1 du code civil, de :

1°) confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société ASGI mal fondée en ses demandes et l'en a déboutée,

2°) infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée mal fondée en sa demande reconventionnelle et l'en a déboutée et, statuant à nouveau :

- condamner la société ASGI à lui payer la somme de 4 982,05, à titre de dommages-intérêts, en raison des dégradations et négligences survenues lors de l'exécution des prestations,

- à titre subsidiaire, juger que le préavis de 15 jours était suffisant,

- à titre infiniment subsidiaire, juger que le préjudice indemnisable se limite à la perte de marge brute pendant le délai du préavis qui aurait dû être accordé et que celui-ci n'est pas justifié,

- en conséquence, débouter la société ASGI de l'ensemble de ses demandes,

3°) en tout état de cause :

- condamner la société ASGI à lui payer la somme de 5 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Isobox isolation, ci-après Isobox, qui est propriétaire d'un site localisé à Limetz Village dans les Yvelines utilisé comme entrepôt, a confié à la société ASGI des prestations de gardiennage de ce site à partir de fin juillet 2016.

Par courriel du 17 mai 2017, Isobox a informé ASGI qu'elle procéderait à l'arrêt définitive de sa mission de surveillance à compter du 31 mai 2017.

En réponse à cette résiliation, ASGI a demandé à Isobox, par lettre du 22 mai 2017, de respecter un préavis de 2 mois avant la rupture de leurs relations.

Isobox a contesté avoir rompu de façon brutale ou abusive et a réclamé à ASGI l'indemnisation de son préjudice résultant de dégradations constatées sur son site le 29 mai 2017.

C'est en cet état que le 31 mai 2018 ASGI a fait assigner Isobox devant le tribunal de commerce de Nancy pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 26 548,95 en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations ; Isobox a contesté cette prétention et formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 4 982,05 , à titre de dommages-intérêts, pour dégradations sur son site; le tribunal, par le jugement déféré, a débouté chaque partie de ses demandes en condamnant ASGI aux dépens de l'instance.

Sur la demande de ASGI en paiement de la somme de 22 036,08, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale des relations commerciales.

ASGI rappelle d'abord que la relation commerciale établie, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce :

- vise toute relation commerciale que celle-ci porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service,

- ne suppose aucunement que cette relation soit formalisée,

- ne nécessite pas l'existence d'un échange permanent et continu, une succession de contrats ponctuels étant suffisante, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non.

L'appelante expose qu'en l'espèce :

- de juillet 2016 à mai 2017, Isobox lui a confié la même prestation, à savoir le gardiennage de son site, le volume des prestations étant quasi-constant et les prix unitaires des diverses diligences étant fixes,

- aucune mise en concurrence ou négociation n'avait lieu et l'émission de devis mensuels provenait du fait que de mois en mois le nombre d'heures de gardiennage pouvait être légèrement différent,

- l'absence de prévision à plus de 2 mois résultait uniquement de la légère variation de volumes dans le temps,

- les relations entretenues ne peuvent être qualifiées de précaires,

- ces relations se sont poursuivies pendant un an et aucune durée minimale de la relation n'est prescrite.

L'appelante prétend qu'un préavis de 2 mois, et non de 15 jours, aurait dû lui être accordé, soit une insuffisance de préavis d'un mois et demi ; elle réclame une indemnité calculée sur la base de sa perte de chiffre d'affaires pendant cette période.

Mais il ressort des pièces versées aux débats :

- que par courriel du 23 août 2016, en adressant son devis pour le mois de septembre 2016, ASGI a demandé à Isobox s'il était possible de prévoir les prestations à plus long terme, au minimum par trimestre,

- que Isobox lui a répondu le même jour que ce n'était pas possible dans l'immédiat, lui demandant de la relancer mi-septembre pour une éventuelle prolongation sur octobre,

- que par courriel du 22 septembre 2016, ASGI a écrit à Isobox : « Merci de me faire un retour de vos besoins sur la plus longue échéance possible »,

- que Isobox lui a répondu le même jour : « Merci de me faire un devis pour le moment pour le mois d'octobre »,

- que par courriel du 14 décembre 2016, ASGI s'est déclaré en attente d'information sur la suite des prestations,

- que Isobox a répondu qu'il signerait les devis « mois par mois, étant donné le peu de visibilité »,

- que par la suite les relations se sont toujours poursuivies sur la base de devis acceptés par Isobox chaque mois,

- que par courriels des 4 et 15 mai 2017, ASGI a demandé à Isobox ses besoins pour juin, puis pour juillet et août 2017,

- que c'est le 17 mai 2017, qu'Isobox lui a notifié l'arrêt définitif de ses prestations à compter du 31 mai 2017.

Il résulte de ces éléments que si la relation s'est poursuivie pendant 10 mois, elle avait un caractère précaire ; en effet, Isobox ne s'est engagée que sur des devis signés chaque mois, sans assurer à ASGI qu'elle continuerait, après chacun de ses devis, à lui confier des prestations ; en conséquence, ASGI n'a pu légitimement croire au caractère pérenne de la relation.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté ASGI de sa demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Sur la demande de Isobox en paiement de la somme de 4 982,05, à titre de dommages-intérêts :

Au soutien de sa demande, Isobox fait valoir que ASGI a commis des fautes et négligences ; elle en veut pour preuve :

- que les 24 avril 2017, l'un de ses prestataires qui devait assurer une livraison sur le site a trouvé porte close, aucun gardien n'étant présent,

- que le 29 mai 2017, un agent de ASGI qui avait pris son service à 19h s'est trouvé face à de nombreuses dégradations, que ASGI n'a pas contesté les faits, en précisant qu'elle ferait une déclaration de sinistre à son assureur, que l'étendue des dégâts occasionnés sur la totalité du site montre que le gardien n'était pas présent,

- qu'il est avéré qu'un certain nombre d'agents de ASGI se présentaient sur le site uniquement pour signer le registre puis rentraient chez eux, laissant le site sans surveillance.

Concernant les faits du 24 avril 2017, ASGI justifie avoir immédiatement envoyé un autre gardien sur le site et avoir sanctionné le salarié qui s'était absenté.

Il apparaît que Isobox ne demande que le coût de réparation des dégradations commises le 29 mai 2017, sans invoquer d'autres préjudices.

Or, ASGI n'a aucunement reconnu sa responsabilité dans la survenue des dégradations, se bornant à demander à Isobox de lui transmettre l'ensemble des éléments du dossier en vue d'une déclaration de sinistre à son assureur.

Isobox verse aux débats un courriel du 31 mai 2017 dans lequel un préposé de Véolia décrit les dégradations et indique que le gardien présent sur les lieux lui a expliqué le manège de certains de ses collègues qui viennent sur le site à la relève pour signer le cahier de présence, puis rentrent chez eux et reviennent avant la relève suivante pour remplir le cahier et transmettre les consignes au gardien suivant.

Toutefois, il ressort des mentions portées sur le cahier de consignes du jour des faits que le gardien a pris son service à 19h, qu'il a constaté des dégradations et l'intrusion de plusieurs personnes sur le site, qu'il a appelé la gendarmerie et que suite à la sortie des intrus, il a annulé son appel à la gendarmerie.

En l'état de ces éléments, Isobox ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société ASGI en relation de cause à effet avec le préjudice allégué.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Isobox.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Chacune des parties qui succombe en ses prétentions gardera la charge de ses dépens d'appel.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chaque partie sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déboute chaque partie de toutes ses demandes,

Dit que chacune des parties gardera la charge de ses dépens d'appel.