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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 10 juin 2021, n° 19/05503

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

La Cornue (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

TGI Pontoise, du 14 mai 2019

14 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société La Cornue est spécialisée dans la fabrication de cuisinières et de matériels ménagers. Elle a confié, par contrat d'agent commercial conclu le 1er février 1995, la représentation de ses produits à M. X en qualité d'agent commercial.

Le contrat a été conclu pour une durée déterminée de trois ans, est entré en vigueur le 1er février 1995 et expirait le 31 décembre 1997 pour être automatiquement renouvelé pour trois années si l'une des deux parties n'en demandait sa résiliation.

Par avenant du 29 décembre 2000, les parties ont redéfini leurs relations contractuelles et il a été prévu un bonus en cas de chiffre d'affaires supérieur à 7,5 MF, hors « CA Expo », d'un montant de 3 % sur la valeur supérieure au chiffre d'affaires de l'année précédente et une extension du territoire de représentation. Cet avenant est entré en vigueur le 1er janvier 2001 pour une durée de 2 ans et poursuivi par tacite reconduction pour une nouvelle durée de 2 ans, sauf résiliation par l'une des parties moyennant le respect d'un préavis de 6 mois avant le terme contractuel.

Par avenant en date du 1er juin 2007, M. X s'est vu confier un nouveau territoire, la Hongrie, l'avenant pouvant être résilié jusqu'au 31 décembre 2009 moyennant un préavis de six mois et, en l'absence de résiliation il était automatiquement renouvelé selon les « mêmes séquences » que le contrat principal.

Par courrier du 17 décembre 2015, la société La Cornue a mis fin, à compter du 31 mars 2016, au contrat d'agent commercial de M. X.

Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée entre les parties, la société La Cornue par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 février 2017, a été sommée de participer à la procédure de conciliation préalable à l'introduction de tout contentieux.

Un procès-verbal de non-conciliation a été signé entre les parties le 26 juin 2017 et le 12 juillet 2017, la société La Cornue versait à M. X une somme de 60 233,29 au titre des commissions du 1er trimestre 2016.

C'est dans ces conditions que par acte extrajudiciaire du 22 août 2017, M. X a assigné la société La Cornue devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de voir juger que la société La Cornue a rompu de manière anticipée le contrat par son courrier du 17 décembre 2015, avec effet au 31 mars 2016, et de la voir condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité de cessation du contrat, de la rupture anticipée du contrat, de l'indemnité due en raison des missions particulières confiées, et de dommages et intérêts pour le préjudice né de la rupture abusive et fautive du contrat d'agent commercial, et de la résistance abusive au paiement.

Le 14 novembre 2018, la société La Cornue payait à M. X la somme de 299 229,31 .

Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de Pontoise a :

- Qualifié l'avenant régularisé entre les parties le 26 décembre 2000 de contrat à durée déterminée à compter du 1er janvier 2005,

- Condamné la société la société La Cornue à verser à M. X les sommes de:

- 212 220,80 euros au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté M. X de sa demande au titre de la rupture anticipée du contrat de travail,

- Débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et fautive,

- Débouté M. X de sa demande au titre de l'indemnité pour missions particulières,

- Condamné M. X à payer à la société Le Cornue la somme de 1 413,89 euros au titre du solde restant dû sur les factures émises entre le 13 décembre 2015 et le 13 avril 2016,

- Débouté la société La Cornue de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- Condamné la société La Cornue aux dépens.

Par déclaration du 24 juillet 2019, la société La Cornue a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 28 mai 2020, la société La Cornue demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise en ce qui concerne la durée indéterminée du contrat d'agent commercial et rectifier l'erreur matérielle figurant dans son dispositif en écrivant « qualifie l'avenant régularisé entre les parties le 26 décembre 2000 de contrat à durée indéterminée à compter du 1 er janvier 2005 » au lieu et place de « qualifie l'avenant régularisé entre les parties le 26 décembre 2000 de contrat à durée déterminée à compter du 1er janvier 2005 ».

- Confirmer le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes au titre de la rupture anticipée du contrat d'agence et rectifier le jugement en ce qu'il emploie par erreur les termes « contrat de travail » au lieu et place de « contrat d'agent commercial ».

- Confirmer le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et fautive.

- Confirmer le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il a M. X de ses demandes d'indemnité au titre de missions particulières.

- Confirmer le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise en ce qui concerne la condamnation de M. X au titre du solde de factures impayées à la société La Cornue à hauteur d'une somme de 1 413,89.

- Infirmer le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise sur le montant de l'indemnité de fin de contrat d'agent commercial, les dommages et intérêts pour résistance abusive, les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant à nouveau,

- Constater que la moyenne annuelle des commissions perçues par M. X au titre des 3 dernières années jusqu'au 31 mars 2016 s'établit à la somme de 150 321,60.

- Constater que la société La Cornue ne pouvait devoir à M. X au titre de la fin du contrat d'agence au 31 mars 2016 une somme supérieure à 300 643,20 .

- Constater que la société La Cornue a payé à M. X une somme de 299 229,31 , soit l'ensemble des sommes qu'elle pouvait rester lui devoir en tenant compte de leur compensation avec les sommes que M. X restait lui-même lui devoir, soit avec la somme de 1 413,89 .

- Dire et en conséquence que la société Le Cornue ne doit plus aucune somme à M. X et le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner M. X à restituer à la société La Cornue les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Pontoise.

En conséquence,

- Condamner M. X à payer à la société La Cornue la somme en principal de 147 549,88 , augmentée des intérêts légaux courus à compter des premières conclusions d'appel signifiées le 24 octobre 2019.

- Condamner M. X à payer à la société La Cornue , en ce qui concerne les frais irrépétibles exposés en première instance, une somme de 6 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner M. X à payer à la société La Cornue en ce qui les frais irrépétibles exposés en appel, une somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner M. X aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me L... dans les conditions de l'article 699 du code de procédure.

Par dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2020, M. X demande à la cour de :

Statuant sur appel principal,

- Débouter la société Le Cornue de son appel principal,

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société La Cornue à verser à M. E... M... N... la somme de 212 220,80 au titre du solde dû au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société La Cornue était redevable de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société La Cornue au paiement d'une somme de 6 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire de la décision

- Débouter la société La Cornue de l'ensemble de ses demandes,

Statuant sur appel incident :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes au titre de la rupture anticipée du contrat d'agence,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et fautive,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes d'indemnité au titre de missions particulières,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la condamnation de M. X au titre du solde de factures impayées à la société La Cornue à hauteur d'une somme de 1 413,89,

Statuant à nouveau,

- Déclarer l'ensemble des demandes de M. X recevables et bien fondées,

- Débouter la société La Cornue de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions,

- Qualifier le contrat d'agence commerciale unissant M. X à la Société la Cornue en tant que contrat à durée déterminée, renouvelable tacitement par périodes de deux ans depuis l'avenant du 29 décembre 2000,

- Condamner la société La Cornue à verser à M. X la somme de 127 862,55 HT au titre de la rupture anticipée du contrat d'agent commercial à durée déterminée du contrat, correspondant aux neuf mois de commissions à devoir,

- Condamner la société La Cornue à verser à M. X la somme de 50 000 HT au titre de l'indemnité due en raison des missions particulières confiées à M. X,

- Condamner la société La Cornue à verser à M. X la somme de 100 000 HT au titre de dommages et intérêts pour le préjudice né de la rupture abusive et fautive du contrat d'agent commercial,

- Condamner la société La Cornue à verser à M. X la somme de 38 000 HT au titre de dommages et intérêts pour sa résistance abusive au paiement des commissions et de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

En tout état de cause,

- Condamner la société La Cornue à verser à M. X la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- Déclarer la décision à intervenir exécutoire par provision,

- Condamner la société La Cornue aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2021

Sur ce, la cour,

Sur la procédure

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et l'examen des pièces de la procédure ne révèle l'existence d'aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office.

L'article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il ressort de l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que les demandes de « constater » et de « qualifier un contrat » ne constituant pas des prétentions au sens de l'article précité mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des prétentions, ne conférant pas de droit à la partie qui les requiert, il ne sera pas statué par la cour sur ces différents points.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le fond

Sur la qualification du contrat liant les parties

La société La Cornue considère que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que les relations des parties sont devenues à durée indéterminée. Elle considère à la lecture du contrat et de l'avenant qu'il n'est nullement prévu que le contrat se renouvelle par tacite reconduction pour des périodes successives de deux années mais uniquement qu'il puisse se poursuivre une seule fois par tacite reconduction pour une période de deux années jusqu'au 31 décembre 2004. Elle explique que passée la date du 31 décembre 2004, le contrat, qui a continué d'être exécuté par les parties, est bien devenu un contrat à durée indéterminée.

M. X conteste le caractère indéterminé du contrat et expose que les parties ont trouvé un accord par l'avenant du 29 décembre 2000 consistant en la conclusion d'un contrat d'une durée déterminée renouvelable par périodes successives de deux années.

Sur ce,

L'article L. 134-11 du code de commerce dispose que :

Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.

Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.

L'avenant du 29 décembre 2000 rappelle au préalable que les parties sont liées aux termes d'un contrat de représentation en date du 1er février 1995. Il prévoit que ses « dispositions viennent, sauf indication contraire, en remplacement des clauses du contrat du 1er février 1995 » et, en son paragraphe 12, une entrée en vigueur au 1er janvier 2001 pour une période de deux années « pour venir à terme le 31 décembre 2002 ». Il précise que le « contrat sera poursuivi par tacite reconduction pour une nouvelle durée de deux années sauf résiliation par l'une des parties... ».

En employant les termes « pour une nouvelle durée de deux années », cette phrase retient l'absence de reconduction illimitée du contrat, contrairement à ce que soutient l'intimé.

Les premiers juges ont donc par une juste application des règles de droit, comme une exacte appréciation de la convention, considéré qu'il n'existe aucune ambiguïté dans la rédaction de l'avenant quant à la durée du contrat qui a donc été conclu pour deux ans renouvelable une fois pour une nouvelle durée de deux ans, qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher la commune intention des parties faute d'avoir à interpréter ledit contrat, ce dernier tenant lieu de loi entre elles, et que les relations contractuelles s'étant poursuivies au-delà du 31 décembre 2004 -ce qui n'est pas contesté par les parties-, il convenait, en application de l'article L. 134-11 du code de commerce de constater que le contrat est devenu un contrat à durée indéterminée.

Le dispositif du jugement dont appel étant manifestement entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il a dit que le contrat était à durée déterminée alors que les premiers juges ont retenus dans les motifs du jugement qu'il était à durée indéterminée, la cour rectifiera donc cette erreur en substituant dans le dispositif du jugement dont appel le terme « déterminée » par « indéterminée ».

Sur les demandes de dommages et intérêts pour rupture anticipée et rupture abusive du contrat M. X sollicite la condamnation de la société La Cornue à lui verser la somme de 127 862,55 HT au titre de la rupture anticipée du contrat d'agent commercial à durée déterminée, correspondant aux neuf mois de commissions à percevoir. Il sollicite également la condamnation de la société La Cornue à lui verser la somme de 100 000 à titre de dommages et intérêts pour le préjudice né de la rupture abusive et fautive du contrat d'agent commercial.

Il indique que la société La Cornue s'est reposée sur ses compétences, son dynamisme et ses excellentes performances durant plus de vingt ans pour implanter et développer de façon très importante la marque La Cornue. Il considère avoir fait l'objet d'une rupture vexatoire, brusque et immédiate.

La société La Cornue s'oppose à ces demandes en faisant valoir que le contrat, qui est à durée indéterminée, a été résilié en respectant le délai de préavis prévu à l'article L. 134-11 du code de commerce et qu'il peut y être mis fin sans motifs sous réserve de respecter le préavis prévu à cet article.

Sur ce,

Le contrat étant qualifié de contrat à durée indéterminée, la durée de préavis pour y mettre un terme est bien celle de trois mois, prévue à I ‘article L. 134-11 du code de commerce. La société La Cornue ayant résilié le contrat par courrier du 17 décembre 2015 à effet au 31 mars 2016, le préavis a bien été respecté et aucune somme n'est due au titre d'une rupture anticipée. Par ailleurs, le contrat pouvant être rompu à tout moment pour tout motif sous réserve de respecter le délai de préavis, le contrat n'a pas été rompu abusivement. M. X sera donc débouté de ses demandes d'indemnité présentées de ces chefs.

Sur l'indemnité de fin de contrat d'agent commercial

La société La Cornue reconnaît devoir la somme de deux années de commissions et cite des arrêts retenant cette durée. Elle expose que les parties n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur le calcul de ces commissions. Elle conteste le montant retenu pour calculer la moyenne annuelle des trois dernières années et considère qu'il n'y a pas lieu de retenir la somme de 60 485,32, retenue par les premiers juges qui correspond à des commissions non perçues à cette date puisque correspondant à des commandes passées postérieurement.

Elle estime que la moyenne annuelle à retenir s'élève à 150 321,60 de telle sorte que la somme totale due est de 300 643,20.

M. X considère que c'est à juste titre que le tribunal a condamné la société La Cornue à une indemnité égale à trois ans de commissions perçues compte tenu de la durée des relations contractuelles, de leur stabilité, de l'augmentation constante et progressive du chiffre d'affaires de la société, de son engagement particulier, de l'extraordinaire pertinence de son action et de la brutalité de la rupture. Il précise que la commission de 60 485,32 doit être intégrée à la moyenne des commissions puisqu'elle correspond à la rémunération du travail qu'il a effectué avant l'expiration du contrat au 31 mars 2016 et rappelle que la société

La Cornue a reconnu devoir cette somme « au titre des commissions portant sur les commandes confirmées au jour de la rupture effective du contrat. ».

Sur ce,

Selon l'article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les premiers juges ont à juste titre considéré que l'indemnité de cessation de contrat est habituellement calculée soit sur les deux dernières années d'exercice normal du contrat (addition des commissions de ces années), soit sur les trois dernières (moyenne, multipliée par deux, des commissions de ces années) et que pour apprécier le montant des commissions, il convient de prendre en compte les commissions acquises à l'agent.

Les parties reconnaissent que la moyenne des commissions perçues par M. X était de 107 547,47 du 1er avril au 31 décembre 2013, de 136 544,66 du 1er janvier au 31 décembre 2014, de 185 369,97 du 1er janvier au 31 décembre 2015 et de 21 502,70 du 1er janvier au 31 mars 2016 , soit un total de 450 964,80 et une moyenne annuelle de 150 321,60 .

La société La Cornue s'oppose toutefois à l'intégration de la somme de 60 485,32 au titre des commissions arrêtées au 31 mars 2016 au motif qu'elles n'étaient pas dues à la date de la fin des relations entre les parties car elles correspondent à des commandes passées postérieurement à cette date, se référant à l'article 12 de l'avenant du 29 décembre 2000.

Or, comme le fait remarquer M. X, la société La Cornue a proposé de verser en dernière page de son courrier officiel du 19 juillet 2016 la somme de 60 458,32 HT au titre des commissions portant sur « les commandes confirmées au jour de la rupture effective du contrat »... Ainsi, l'article 12 de l'avenant stipulant que « aucune commission ne sera perçue par l'Agent sur les commandes qui n'auront pas été confirmées à la date de suspension du contrat. » et la société La Cornue ayant reconnu que la somme de 60 458,32 HT porte sur des commandes confirmées au jour de la rupture du contrat, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que cette somme devait être intégrée à la moyenne des commissions puisqu'elle correspond à la rémunération du travail effectué par M. X avant l'expiration du contrat.

En conséquence, les premiers juges ont à juste titre retenu que la moyenne annuelle des commissions s'élève à 170 483,37.

L'indemnité de rupture due à l'agent commercial doit réparer le préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, la cessation du contrat faisant perdre à l'agent commercial la part de marché qu'il pouvait espérer de la poursuite du contrat. Elle doit aussi réparer le préjudice subi par l'agent s'analysant essentiellement dans la perte de sa carte professionnelle qui est négociable suivant les usages commerciaux, équivalente à un fonds de commerce dont il est évincé du fait de la rupture.

Les usages professionnels fixent habituellement le montant de l'indemnité de cessation de contrat à deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, montant qui correspond au manque à gagner consécutif à la rupture durant la période nécessaire à la reconstitution d'une clientèle équivalent ou au prix que l'agent devrait payer pour acheter une carte lui rapportant des revenus identiques. En l'espèce, si M. X souligne la longueur de la relation contractuelle, cette durée ne justifie pas qu'un délai plus long lui soit accordé, quelle qu'ait pu être la confiance instaurée entre les parties et l'augmentation du chiffre d'affaires de la société La Cornue. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société La Cornue à payer à M. X la somme de 212 220,80 .

L'indemnité de rupture due à M. X s'élève donc à la somme de 340 966,74 correspondant à deux années de commissions, de laquelle il convient de déduire la somme de 299 229,31 réglée par virement du 14 novembre 2018. La société La Cornue sera donc condamnée à payer à M. X la somme de (340 966,74 - 299 229,31 ) 41 737,43 .

Sur les indemnités réclamées en raison de missions particulières M. X sollicite la réformation du jugement et la condamnation de la société La Cornue à lui verser la somme de 50 000 au titre des missions particulières qui lui ont été confiées et qui n'ont jamais été rémunérées. Il considère que les missions d'entreposage ne relèvent pas de la catégorie des frais de bureau compensés par la prise en charge des frais de publicité et la mise à disposition gratuite de matériel d'exposition.

La société La Cornue s'oppose à cette demande considérant que l'intimé ne produit pas le moindre justificatif et qu'il n'établit pas avoir réalisé des prestations et/ou des missions non comprises dans le contrat d'agent commercial et non rémunérées par les sommes perçues.

Sur ce,

Comme l'ont relevé les premiers juges, l'avenant au contrat du 26 décembre 2000 a prévu la suppression de la participation financière du « Producteur » aux frais de bureau à compter du 1er janvier 2001 pour compensation de sa participation aux frais de publicité et la mise à disposition gratuite de matériel d'exposition. Il ressort ainsi que l'exercice de l'activité professionnelle de M. X impliquait des frais de stockage, d'exposition et de locaux mais que ces obligations étaient contractuellement connues et que la rémunération a été fixée en conséquence. L'avenant au contrat régularisé en 2000 ayant prévu une compensation par la prise en charge d'une partie des frais de publicité et la mise à disposition gratuite de matériel d'exposition, M. M... N... sera débouté de sa demande au titre de l'indemnité pour missions particulières et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La société La Cornue conclut à la réformation du jugement et au débouté de la demande de dommages et intérêts de M. X considérant qu'il ne justifie pas d'une quelconque résistance abusive de sa part.

L'intimé forme appel incident et sollicite une somme de 38 000 à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le paiement des commissions et de l'indemnité due. Il soutient que l'opposition de la société La Cornue durant plus de deux ans a été abusive et lui a occasionné un préjudice financier certain. II rappelle que cette dernière société reconnaissait lui devoir à minima la somme de 382 631,22 et qu'aucun paiement n'est intervenu jusqu'au 14 novembre 2018.

Sur ce,

Par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence et qu'il convient d'adopter, les premiers juges ont fait une juste application des règles de droit, comme une exacte appréciation des faits et documents de l'espèce, en retenant que l'opposition de la société La Cornue depuis le mois de juillet 2016 apparaît bien abusive, cette dernière se reconnaissant dès l'origine redevable à tout le moins d'une indemnité de 382 631,22 et ayant attendu plus de deux ans avant d'effectuer un premier versement. Il convient donc de débouter chacune des parties de leur demande et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société La Cornue à payer à M. X la somme justement arrêtée de 20 000 à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur le solde des factures dues à la société La Cornue

La société La Cornue soutient que M. X reste lui devoir une somme de 13 213,21 au titre de 14 factures émises entre le 13 décembre 205 et le 13 avril 2016 demeurées impayées et demande la compensation avec la somme due au titre de l'indemnité de fin de contrat.

M. X explique avoir procédé à un virement de 11 799,32 le 14 mai 2018 et que la somme de 1 413,89 n'est pas démontrée ni dans son principe ni dans son montant.

Sur ce,

La société La Cornue verse aux débats les différentes factures pour un montant total de 13 213,21 dont M. X justifie d'un règlement uniquement à hauteur de 11 799,32. Dès lors, faute de rapporter la preuve d'avoir procédé au paiement du solde de ces factures dont il est justifié par la société La Cornue, M. X sera débouté de sa demande et le jugement confirmé en ce qu'il a condamné ce dernier à payer à la société La Cornue la somme de 1 413,89 au titre du solde restant dû.

Sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire

Aucune somme n'ayant à être restituée au titre de l'exécution du jugement dont appel et le présent arrêt constituant un titre exécutoire permettant la restitution d'éventuelles sommes trop versées, la demande en restitution de la somme versée en vertu de l'exécution provisoire présentée par la société La Cornue sera rejetée.

Sur la demande d'exécution provisoire

L'arrêt de la cour n'étant susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution et ayant force de chose jugée, M. X sera débouté de sa demande d'exécution provisoire de l'arrêt.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente procédure. Il convient en conséquence de les débouter de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société La Cornue succombant principalement en cause d'appel est condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

RECTIFIE l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement dont appel en substituant le terme « déterminée » par « indéterminée ».

CONFIRME le jugement dont appel sauf s'agissant du montant de la condamnation de la société La Cornue au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE la société La Cornue à payer à M. X la somme de 41 737,43 au titre du solde de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société La Cornue aux dépens d'appel.