Livv
Décisions

Cass. com., 4 juillet 2000, n° 97-15.156

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Boré, Xavier et Boré, CP Delaporte et Briard

Bourges, 1re ch. civ., du 17 mars 1997

17 mars 1997

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société civile immobilière Les Tailles de Bonnais (la SCI) fait grief à l'arrêt déféré (Bourges, 17 mars 1997) d'avoir confirmé le jugement qui a étendu la procédure de redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée Elevage de Bonnais (la SARL) à la SCI, alors, selon le pourvoi, de première part, que hormis les cas envisagés par l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre personne qu'en cas de confusion des patrimoines ou de fictivité de l'une d'entre elles ; qu'en l'espèce, pour étendre à la SCI le redressement judiciaire de la SARL, la cour d'appel a considéré qu'aucune des deux sociétés n'avait mené une vie distincte et propre, pour avoir été conçues et avoir vécu en fonction d'un intérêt commun ; qu'en déduisant la confusion de patrimoines de l'unité d'entreprise entre deux sociétés distinctes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, de deuxième part, que, dans ses conclusions d'appel, la SCI avait fait valoir que les comptabilités des deux sociétés étaient parfaitement distinctes et qu'il n'existait pas de flux financiers anormaux entre elles, de sorte qu'il n'aurait plus été possible de distinguer ce qui était propre à l'une ou l'autre ; qu'en confirmant le jugement qui avait étendu la procédure de la SARL à la SCI, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, que, dans ses conclusions d'appel, la SCI avait fait valoir que la circonstance qu'elle ait renoncé à percevoir le prix d'un loyer de la part de la SARL, pour faciliter le démarrage de l'activité de celle-ci entre 1991, lors de la constitution des deux sociétés, et 1994, au moment où un tiers a pris le contrôle de la SARL, n'était pas de nature à établir la confusion des patrimoines alléguée ; que ce moyen était péremptoire, dans la mesure où il en résultait que la création des deux sociétés n'avait eu pour effet que de répartir le passif à la SARL et l'actif à la SCI et de faire échapper le patrimoine de la seconde aux créanciers de la première ; qu'en confirmant le jugement qui avait étendu la procédure de la SARL à la SCI, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé derechef l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de quatrième part, que n'a pas caractérisé la confusion des patrimoines la cour d'appel qui a constaté qu'un découvert en compte courant avait été consenti conjointement à la SCI et à la SARL, que ce découvert avait été garanti par la première et n'avait jamais bénéficié qu'à la seconde et, enfin, qu'il existait un intérêt commun entre ces deux sociétés dont les dirigeants étaient distincts, la SCI louant à la SARL les terres et installations nécessaires à son activité ; qu'en se fondant néanmoins sur ces énonciations pour confirmer le jugement qui avait étendu à la SCI la procédure de redressement judiciaire de la SARL, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que pour statuer de la sorte, la cour d'appel a encore énoncé que M. X... avait représenté la SCI, et Mme X..., la SARL, à "l'acte ci-dessus évoqué" sans préciser si cet acte était la convention de découvert en compte courant signé au mois d'avril 1992 ou le bail signé au mois de juillet 1994, tous deux évoqués précédemment par l'arrêt ; que cette précision importait dans la mesure où les deux actes avaient été régulièrement signés par les dirigeants respectifs des deux sociétés, la convention avait été signée par M. X... pour la SCI et par Mme X... pour la SARL et le bail avait été signé par M. X... pour la SCI et M. Z... pour la SARL ; qu'en l'absence de toute précision à cet égard, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés qu'il n'y avait pas de comptabilité, que les créanciers de la SARL adressaient leurs factures au gérant de la SCI parce qu'ils ne pouvaient pas faire la différence entre les deux entités juridiques, que la SCI avait mis pendant plus de trois ans ses immeubles à disposition de la SARL sans contrepartie, que la SCI et la SARL s'étaient fait accorder de façon "conjointe et solidaire" un découvert en compte courant de 300 000 francs, en garantie duquel la SCI avait consenti une hypothèque et que les fonds n'avaient profité qu'à la SARL, dans une opération qui ne pouvait être que désastreuse pour la SCI ; qu'en l'état de ces constatations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la cinquième branche, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence de flux financiers anormaux entre les deux sociétés, a, en retenant la confusion de leurs patrimoines, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.