CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 20 septembre 1990, n° 90/008250
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Meyer
Défendeur :
Ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gourlet
Conseillers :
M. Canivet, M. Guérin, Mme Favre, M. Bargue
Avocat :
Me Meyer
Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours.
Mme Anic Meyer, qui exploite à Strasbourg un magasin de vente au détail d’accessoires de mode sous l’enseigne «Vert Passion», a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés World Accents, Christian Fischbacher et Castel, qu’elle estime tomber sous le coup des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires en application des dispositions de l’article 12 de ce texte.
Par décision n° 90-D-11 rendue le 14 mars 1990, le Conseil de la concurrence, considérant que l’intéressée n’apportait aucun élément propre à établir que les refus de vente dont elle se plaignait étaient de nature à affecter le fonctionnement d’un marché au sens du titre III de l’ordonnance du ici- décembre 1986, a déclaré irrecevable la saisine au fond présentée par Mme Meyer et a rejeté ses demandes de mesures conservatoires.
Mme Anic Meyer a formé contre cette décision un recours au soutien duquel elle fait valoir :
- que la décision ne fait état ni de la présence et de l’audition du représentant de la société Castel lors de l’audience du Conseil de la concurrence, ni de son absence totale de contestations et de l’engagement qu’il a pris à l’audience de mettre immédiatement fin au refus de vente, alors que toute décision ou jugement doit contenir l’indication du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties et doit également exposer succinctement les prétentions respectives des parties ;
- qu’à la date où l’affaire a été évoquée par le conseil, la société Castel ne contestait pas à l’audience les fait allégués et la société Christian Fischbacher, qui n’avait déposé aucun mémoire, n’était pas présente ; que cette non-contestation par deux des trois parties en cause fait preuve des pratiques dénoncées ;
- que le conseil ne pouvait rajouter une condition supplémentaire à la recevabilité de la procédure en indiquant que les refus de vente allégués devraient en plus affecter le fonctionnement du marché, condition qui résulte éventuellement de l’application de l’article 8 de l’ordonnance et non de l’article 7 visé dans sa saisine.
Elle prie en conséquence la cour d’annuler la décision n° 90-D-11 du Conseil de la concurrence et de dire sa saisine recevable.
Le ministre chargé de l’économie estime que le recours doit être rejeté.
Le Conseil de la concurrence n’a pas usé de sa faculté de présenter des observations.
Le ministère public a déposé des conclusions écrites.
Cela exposé,
Sur la forme de la décision rendue :
Considérant que les règles de forme des articles 454 et 455 du nouveau code de procédure civile s’appliquent aux décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire, non de plano aux décisions du Conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante ;
Que les décisions du Conseil de la concurrence sont susceptibles non pas d’un appel comme indiqué de façon erronée par Mme Meyer dans ses écritures mais d’un recours, lequel est exercé devant la cour d’appel de Paris selon la procédure spécifique définie par le décret du 19 octobre 1987 ;
Considérant que la requérante a la possibilité de solliciter de la juridiction qu’elle saisira éventuellement de refus la vente la production du procès-verbal de l’audience du conseil contenant les déclarations de la société Castel, conformément aux dispositions de l’article 138 du nouveau code de procédure civile ; que dès lors les griefs avancés contre la décision du conseil ne lui causent pas préjudice; qu’elle ne prétend pas par ailleurs qu’il y aurait eu atteinte aux droits de la défense ;
Qu’il n’y a pas lieu en conséquence d’annuler la décision déférée ;
Au fond :
Considérant que la requérante soutient que le seul fait que les sociétés Christian Fischbacher et Castel n’aient pas explicitement contesté ses affirmations et que la société Castel ait à l’audience pris l’engagement de la livrer aurait dû être regardé par le conseil comme la preuve des faits qu’elle allègue ;
Mais considérant que l’absence de contestation par les sociétés mises en cause ne peut être assimilée à l’aveu implicite de leur participation à une entente et ne permettait pas au conseil en l’absence de tout autre indice fourni par Mme Meyer de conduire à la vraisemblance des pratiques anti- concurrentielles qu’elle dénonçait ;
Qu’en outre elle n’établit par aucun moyen ni même ne tente d’établir que les refus de vente invoqués et les agissements dommageables qu’elle impute à l’un de ses concurrents sont de nature à affecter le fonctionne ment d’un marché au sens du titre III de l’ordonnance ;
Qu’il s’agit pourtant d’une condition de recevabilité de la saisine résultant des termes mêmes des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, le paragraphe I de l’article 8 renvoyant expressément au para graphe 1cr de l’article 7 prohibant « lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché » tant les actions concertées ; que l’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique ;
Considérant en conséquence que le Conseil de la concurrence a, à bon droit, déclaré la saisine au fond irrecevable,
La cour,
Rejette le recours formé par Mme Anic Meyer contre la décision n° 90-D-11 rendue le 14 mars 1990 par le Conseil de la concurrence.
Condamne Mme Anic Meyer aux dépens.