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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 17 juin 2021, n° 17/11385

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Leader Racing (SARL)

Défendeur :

Slam SpA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mme Berquet, Mme Combrie

Avocats :

Me Tarin, Me Giordano, Me Mansuy, Me Bonsirven

T. com. Marseille, du 7 juin 2017

7 juin 2017

EXPOSE DU LITIGE

La société Slam (Spa), société de droit italien, commercialise dans plusieurs pays des collections de vêtements par le biais de distributeurs avec lesquels elle conclut des contrats de franchise.

Parmi ses franchisés se trouve la société Leader Racing (SARL), société française, avec laquelle la société Slam Spa a conclu un contrat de franchise le 16 février 2007, qui exploite sous l'enseigne « Slam » deux magasins, l'un à Marseille et l'autre à Cassis. La société Leader Racing (SARL) possède également un troisième fonds de commerce sous l'enseigne « Equipage » à Saint Tropez et vend des produits de la marque « Star Clippers ».

A la suite d'un différend, les deux sociétés ont signé le 19 mars 2012 une transaction par laquelle la société Leader Racing (SARL) s'engageait notamment à reconstituer le dépôt de garantie prévu au contrat en versant la part manquante, soit la somme de 65 850,93 euros, sur un total de 100 000 euros.

De nouveaux différends sont apparus à compter du mois de septembre 2014 et le contrat de franchise a pris fin à la date prévue du 28 février 2015.

Reprochant à la société Leader Racing (SARL) de ne pas respecter ses engagements et de ne plus régler ses achats, la société Slam (Spa) a assigné celle-ci devant le tribunal de commerce de Marseille par acte du 12 octobre 2015 pour obtenir, à titre principal, le paiement de la somme de 22 579,36 euros au titre de factures impayées du 25 août au 17 novembre 2014.

Par jugement en date du 7 juin 2017 le tribunal de commerce de Marseille a :

- retenu sa compétence territoriale,

- jugé que les obligations des parties au titre du contrat de franchisage signé le 16 février 2007 sont régies par le droit français,

- condamné la société Leader Racing (SARL) à payer à la société Slam (Spa) la somme de 22 579,36 euros avec intérêts calculés sur la base du taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter de la date d'échéance des factures, celle de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et celle de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- jugé que le dépôt de garantie de la société Leader Racing (SARL) a entièrement été soldé en remboursement de factures impayées sur le compte client global de la société Slam (Spa),

- débouté la société Leader Racing (SARL) de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Leader Racing (SARL) aux dépens,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement

Par déclaration en date du 15 juin 2017 la société Leader Racing (SARL) a interjeté appel partiellement du jugement.

Par conclusions enregistrées le 10 décembre 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Leader Racing (SARL) fait valoir que :

- la société Slam est mal fondée à soulever l'incompétence des juridictions françaises, qu'elle a elle-même saisies, aux motifs qu'il existerait un contrat de franchise d'une part et des contrats de vente d'autre part dès lors que la fourniture de marchandises est inhérente au contrat de franchise et qu'il s'agit d'un seul contrat soumis aux juridictions françaises en application du règlement européen du 12 décembre 2012,

- à l'exception des articles 1456, 1341 et 1342 du code civil italien, le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle, soit la France en l'espèce,

- elle ne conteste pas les factures et leurs montants mais conteste en être redevable dès lors que les sommes portées au crédit de son compte ne sont pas exactes,

- la société Leader Racing (SARL), et non la société Sister Ship, a versé trois chèques de 20 000 euros pour reconstituer le montant du dépôt de garantie et il ne lui restait que 5 850,93 euros à solder dans le cadre de la transaction signée entre les parties, de sorte qu'elle réclame le remboursement du montant du dépôt de garantie à hauteur de 94 149,07 euros,

- à titre subsidiaire, si sa dette était attestée, elle devrait être limitée à la somme de 13 632,06 euros et non 22 579,36 euros, de sorte qu'après compensation avec le montant du dépôt de garantie lui restant due, la société Leader Racing (SARL) serait créancière de la somme de 80 517,01 euros,

- la société Slam Spa ne justifie pas de frais de recouvrement à hauteur de 4 000 euros

Ainsi, la société Leader Racing (SARL) demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que le montant des factures dues par la société Leader Racing (SARL) à la société Slam (Spa) se monte à 22 579,36 euros,

- condamné la société Leader Racing (SARL) à payer à la société Slam (Spa) la somme de 22 579,36 euros avec intérêts calculés sur la base du taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter de la date d'échéance des factures, celle de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et celle de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- jugé que le dépôt de garantie de la société Leader Racing (SARL) a entièrement été soldé en remboursement de factures impayées sur le compte client global de la société Slam (Spa),

- débouté la société Leader Racing (SARL) de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Leader Racing (SARL) aux dépens,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement et de le confirmer pour le surplus.

La société Leader Racing (SARL) demande à la cour de :

- débouter la société Slam de sa demande de condamnation à hauteur de la somme de 22 576,36 euros,

- ordonner la mainlevée de l'opposition formée par la société Slam par acte extrajudiciaire du 8 septembre 2016, au prix de cession du droit au bail d'un fonds de commerce vendu par la société Leader Racing (SARL) à la société monégasque Star Clippers Cruise Collection par acte sous seing privé du 20 juillet 2016,

- condamner reconventionnellement la société Slam à lui régler la somme de 94 149,07 euros sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et subsidiairement, la somme de 80 517,01 euros sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

En tout état de cause,

- condamner la société Slam à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire

Par conclusions enregistrées le 12 janvier 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Slam (Spa) fait valoir que :

- l'article 30 du contrat de franchise prévoit la compétence des juridictions de la ville de Gênes, de sorte que le litige relatif au dépôt de garantie relève de ces juridictions, indépendamment du litige relatif aux contrats de ventes, lesquels se distinguent du contrat cadre de franchise,

- la loi italienne est applicable au contrat de franchise puisqu'elle a été désignée par les parties dans le cadre du contrat et elle s'applique également aux contrats de vente eu égard à la résidence habituelle du vendeur,

- sa créance est bien établie à hauteur de la somme de 22 579,36 euros et le paiement invoqué par la société Leader Racing (SARL) à hauteur de 8 947,10 euros a d'ores et déjà été imputé au décompte,

- les trois chèques invoqués par la société Leader Racing (SARL) ont été versés par une autre société, à savoir la société Sister Ship, pour la constitution de son dépôt de garantie, et non par la société Leader Racing (SARL),

- le solde du dépôt de garantie était de 34 149,07 euros et a été utilisé pour couvrir une partie des factures impayées de la société Leader Racing (SARL) de sorte que cette dernière ne peut prétendre au remboursement du solde du dépôt de garantie,

- les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce concernant les pénalités de retard et frais de recouvrement sont d'ordre public

Ainsi la société Slam Spa demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur le remboursement du dépôt de garantie, constater que le contrat désigne le tribunal de Gênes en Italie et renvoyer la société Leader Racing (SARL) à mieux se pourvoir,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la loi française applicable,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Leader Racing (SARL) à lui payer la somme de 22 579,36 euros et celle relative aux pénalités de l'article L. 441-6 du code de commerce ainsi qu'à l'article 700 et aux dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Leader Racing (SARL) de sa demande reconventionnelle en remboursement du dépôt de garantie,

- en toutes hypothèses, condamner la société Leader Racing (SARL) à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de l'article L. 441-6 du code de commerce, ainsi qu'aux dépens et aux honoraires de l'ancien article 10 du tarif des huissiers en cas d'exécution forcée

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 16 décembre 2019 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 13 janvier 2020. A cette date l'affaire a été renvoyée au 25 mai 2020 puis au 23 novembre 2020 et au 15 avril 2020, date à laquelle elle a été retenue.

L'affaire a été mise en délibéré au 17 juin 2021.

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Slam (Spa) à l'égard de la demande reconventionnelle en remboursement du dépôt de garantie :

La société Slam invoque à cet égard l'application de l'article 30 du contrat de franchise signé le 16 février 2007 avec la société Leader Racing (SARL) aux termes duquel il est indiqué que « pour toute controverse qui surgirait quant à l'interprétation et/ou l'exécution du présent contrat, les parties déclarent de commun accord attribuer compétence exclusive aux juridictions de la ville de Gênes (Italie) ».

Pour autant, en application de l'article 8, 3) du règlement européen du 12 décembre 2012 applicable aux litiges impliquant un Etat membre, s'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondé la demande originaire, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut aussi être attraite devant la juridiction saisie de celle-ci.

En l'espèce, la société Slam ne peut invoquer le caractère autonome des contrats de franchise et des contrats de vente dès lors que ces derniers constituent la substance même du contrat de franchise au titre de la commercialisation des articles proposés par le franchiseur.

En outre, le débat relatif au dépôt de garantie versé dans le cadre du contrat de franchise, dont la société Leader Racing (SARL) demande le remboursement à titre reconventionnel, ne peut être dissocié du débat relatif aux contrats de vente en l'état de l'imputation de ce dépôt de garantie sur les factures impayées.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur la loi applicable :

Aux termes de l'article 3.1 du règlement européen du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».

En l'espèce, la seule référence à trois articles du code civil italien ne saurait être assimilée à une volonté de soumettre l'entier contrat de franchise au droit italien et ce, d'autant que l'application de ces articles (1456, 1341 et 1342 du code civil italien) n'est pas invoquée au cas d'espèce.

Le tribunal de commerce a donc fait une juste application de l'article 4.1 du même règlement aux termes duquel « le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle », soit les juridictions françaises.

Enfin, le contrat de vente n'étant pas dissociable du contrat de franchise il n'y a pas lieu de distinguer la loi applicable.

En conséquence, la décision déférée sera également confirmée de ce chef.

Sur la demande principale de la société Slam (Spa) en règlement des factures :

Il résulte de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Au surplus, en application de l'article 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, la société Leader Racing (SARL) ne conteste pas le montant des factures mais conteste l'imputation de certains versements au crédit du compte.

S'agissant du virement invoqué à hauteur de 8 947,10 euros, il ressort du compte client ouvert auprès de la société Slam que ce virement, débité le 16 octobre 2014 sur le compte de la société Leader Racing (SARL) ouvert à la Société Marseillaise de Crédit, a été crédité le 17 octobre 2014 dans les comptes de la société Slam, de sorte que ce paiement a bien été imputé au crédit (pièces 6 de l'appelant et 50 de l'intimé).

Le solde du compte client (22.579,36 euros) étant identique aux demandes formulées par la société Slam depuis l'assignation introductive en date du 12 octobre 2015 la contestation relative à la valeur probante du compte client (pièce 50), qui n'aurait été produit qu'en juin 2016 par la société Leader Racing (SARL), ne saurait être retenue.

Enfin, s'agissant de l'imputation de trois chèques, d'un montant chacun de 20 000 euros, que la société Leader Racing (SARL) prétend avoir versé afin de reconstituer le montant du dépôt de garantie et ayant vocation à s'imputer sur les sommes dues par celle-ci, il ressort des originaux des courriers adressés à la société Slam les 14 juillet, 31 juillet et 3 septembre 2011, que ces chèques ont été adressés accompagnés d'un courrier à l'en tête de « Sister Ship » et non de la société Leader Racing (SARL), et au moyen d'une enveloppe également tamponnée au nom de « Sister Ship » (pièce 53 de l'intimé).

Ainsi, s'il est exact que les chèques joints à ces envois, dont le numéro est agrafé auxdits courriers (6000148, 6000161 et 6000138 au vu des talons de chèque), ont été débités du compte de la société Leader Racing (SARL) ouvert au Crédit du Nord, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être fait grief à la société Slam d'avoir imputé ces paiements au crédit du dépôt de garantie dû par la société Sister Ship conformément aux instructions du courrier joint à ces chèques.

Au demeurant, il convient de rappeler que les sociétés Leader Racing et Sister Ship, toutes deux liées par un contrat de franchise signé avec la société Slam Spa (2007 pour la société Leader Racing et 2011 pour la société Sister Ship) ont pour dirigeants les consorts X et que le règlement du dépôt de garantie effectué en 2011 au moyen de trois chèques correspond à l'année de signature du contrat de franchise entre la société Slam et la société Sister Ship, accréditant le fait que ces règlements ont bien été faits pour le compte de la société Sister Ship, bien que débités sur le compte de la société Leader Racing (SARL).

En conséquence, les versements d'un montant total de 60 000 euros n'ont pas vocation à s'imputer au décompte.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société Leader Racing (SARL) en remboursement du dépôt de garantie :

Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la société Leader Racing (SARL) ne peut prétendre au remboursement du solde restant dû sur son dépôt de garantie dès lors que les comptes entre les parties attestent qu'elle reste débitrice de la société Slam.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la mainlevée de l'opposition au prix de cession du droit au bail d'un fonds de commerce vendu par la société Leader Racing (SARL) à la société monégasque Star Clippers Cruise Collection par acte sous seing privé du 20 juillet 2016 :

Cette demande est sans objet au regard des sommes restant dues par la société Leader Racing (SARL).

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les frais et dépens :

La société Leader Racing (SARL), partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Leader Racing (SARL) sera tenue par ailleurs de régler à la société Slam (Spa) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

Enfin, il convient de rappeler que conformément à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. En outre, aux termes du même article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire peuvent être mis à la charge du débiteur lorsque leur caractère nécessaire a été justifié par le créancier

En tout état de cause, les contestations relatives à l'exécution forcée relèvent de la compétence exclusive du juge de l'exécution. Dès lors, il n'appartient pas à la juridiction de céans de statuer à ce stade sur le bien fondé des frais d'exécution forcée.

Sur l'exécution provisoire :

Enfin, les décisions d'appel ne sont pas susceptibles d'exécution provisoire dès lors que le pourvoi en cassation n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée conformément à l'article L111-11 du code des procédures civiles d'exécution.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Leader Racing (SARL) aux entiers dépens de l'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Leader Racing (SARL) à payer à la société Slam (Spa) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel,

Dit que la demande d'exécution provisoire est sans objet.