CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 25 mars 1993, n° 92/5103
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Union nationale des syndicats français d'architectes (Syndicat)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Conseillers :
Mme Renard-Payen, Mme Nerondat, Mme Mandel, M. Jacomet
Avocat :
Me Champigneulle Mihailov
Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;
Aux termes d’un arrêt du 23 septembre 1992, la cour a annulé la décision prise par le Conseil de la concurrence (le Conseil) le 21 janvier 1992, en ce qu’elle a déterminé le montant de la sanction pécuniaire infligée à l’Union nationale des syndicats français d’architectes (UNSFA) pour l’inexécution des injonctions édictées par précédente décision du 1er décembre 1987 en violation de l’article 18 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Statuant à nouveau, sursis au prononcé de la sanction pécuniaire, ordonné la réouverture des débats et invité le ministre de l’économie et des finances à produire tous les éléments permettant d’apprécier les facultés contributives de l’UNSFA, notamment la consistance de son patrimoine mobilier et immobilier, le montant de ses ressources, le montant des cotisations annuellement encaissées et le nombre de ses adhérents.
Ensuite de cet arrêt, le ministre de l’économie et des finances a produit aux débats :
- un procès-verbal daté du 17 décembre 1992 portant déclaration de ressources de l’UNSFA par son trésorier ;
- les bilans comptables de 1987 au 30 juin 1992.
Dans ses observations écrites, l’administration estime que la sanction pécuniaire d’un montant de 2 500.000 F infligée par le Conseil de la concurrence, représentant deux fois et demie le montant des cotisations perçues en 1990 par l’UNSFA, n’excède pas les facultés contributives de cet organisme et qu’elle est justifiée par la gravité des faits.
La requérante soutient au contraire :
- que la baisse du nombre de ses adhérents entre 1987 et 1992, consécutive à la désaffection syndicale et à la crise de l’architecture, qui a provoqué une réduction du montant des cotisations perçues de 1.706.577 F à 724.064 F, son absence de patrimoine mobilier ou immobilier et sa situation de trésorerie conduisent à limiter le montant de la sanction à une somme qui n’excède pas les 50.000 F qu’avec difficulté elle a déjà versé ;
- que le libre jeu de la concurrence sur le marché des honoraires d’architectes n’a pas été faussé par les pratiques sanctionnées et que les faits retenus pour caractériser l’inexécution de l’injonction sont exclusifs de mauvaise foi ;
- qu’une sanction excédant ses facultés contributives la contraindrait à cesser ses activités, alors qu’elle est la seule organisation syndicale nationale de la profession.
Sur quoi, la cour :
Considérant que par arrêt du 23 septembre 1992, auquel il est renvoyé pour l’exposé des faits, de la procédure initiale et des motifs retenus, la cour a constaté que l’UNSFA n’avait pas respecté les injonctions édictées par la décision n° 87-D-53 du conseil du 1er décembre 1987 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 14 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, si les injonctions prévues par l’article 13 ne sont pas respectées, le conseil peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l’article 13 ;
Considérant que selon l’alinéa 2 du texte précité, si, comme en l’espèce, le contrevenant n’est pas une entreprise, le maximum de la sanction pécuniaire est de 10.000.000 F; que son montant doit, en outre, être proportionné à la gravité des faits, au dommage causé à l’économie et aux facultés contributives de l’organisation concernée ;
Considérant que l’arrêt du 23 septembre 1992 précité a relevé que la gravité des faits est caractérisée par le comportement de l’UNSFA qui, destinataire d’injonctions devenues indiscutables destinées à mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles avérées, s’est abstenue d’y déférer durant quatre années en dépit des observations que lui a adressées l’administration et de l’ouverture d’une procédure d’inexécution ;
Considérant que le dommage à l’économie résulte du maintien en vigueur, postérieurement à la décision du 1er décembre 1987, par les professionnels qui en ont été directement ou indirectement destinataires, de clauses de contrats types édités et diffusés par l’UNSFA permettant de normaliser, par application explicite ou par référence, le coût des prestations d’architectes et de restreindre entre eux la concurrence par les prix ;
Considérant qu’il convient de relever, en ce qui concerne les facultés contributives de l’UNSFA, que le montant des cotisations reversées par les fédérations adhérentes a été de 1.706.577 F en 1987, 1.450.970 F en 1988, 1.242.200 F en 1989, 1.048.750 F en 1990, 93.8000 F en 1991 et 724.064 F en 1992; que cette diminution de recettes correspond à une réduction du nombre des fédérations adhérentes qui est passé à la même époque de 43 à 39, représentant un nombre de professionnels de 828 en 1989 à 483 en 1992 sur les 37.000 que compte la profession, chaque fédération reversant une somme de 1.500 F pour chacun de ses membres ;
Considérant que l’examen des bilans comptables fait apparaître des disponibilités de 228.400 en 1987, 332.706 en 1988, 634.901 en 1989, 1.151.304 en 1990, 803.121 en 1991 et 250.929 en 1992;
Considérant qu’en fonction des critères de proportionnalité sus-énonces et des éléments d’appréciations énumérés il convient de fixer le mon tant de la sanction pécuniaire à la somme de 500.000 F complétée d’une mesure de publication selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt ;
Par ces motifs :
Vu l’arrêt de cette cour en date du 23 septembre 1992;
Prononce à l’encontre de l’Union nationale des syndicats français d’architectes une sanction pécuniaire d’un montant de 500.000 F;
Ordonne dans un délai de deux mois de la notification du présent arrêt, aux frais de l’Union nationale des syndicats français d’architectes la publication du texte intégral de l’arrêt du 23 septembre 1992 et de celui du présent arrêt, sous le titre: «Condamnation de l’Union nationale des syndicats français d’architectes pour inexécution des injonctions du Conseil de la concurrence», dans la revue mensuelle D’architecture diffusée par le Conseil national de l’ordre des architectes, ainsi que dans le prochain numéro à paraître, à l’expiration du délai susvisé, de la revue trimestrielle Profession architecte ;
Condamne l’Union nationale des syndicats français d’architectes aux dépens;