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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 14 février 1995, n° 94/9488

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fonfrede, Syndicat départemental de la Drôme

Défendeur :

Ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Conseillers :

M. Albertini, Mme Penichon

Avocats :

Me Lallemant, Me Clément

Cons. conc., du 4 mai 1994

4 mai 1994

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours ;

La cour est saisie du recours formé par M. Alain Fondrede, boulanger à Romans, contre la décision n° 94-D-18 du 8 mars 1994 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par le syndicat départemental de la Drôme des boulangers et des boulangers-pâtissiers (ci-après le syndicat départemental de la Drôme des boulangers).

II est fait référence pour l’exposé des éléments de la cause à cette décision et rappelé seulement que :

M. Alain Fondrede a, le 3 décembre 1993, saisi le Conseil de la concurrence de la conformité de l’arrêté du préfet de la Drôme du 17 juin 1971 et de l’action en référé engagée à son encontre par le syndicat départemental de la Drôme des boulangers au regard des articles 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Le Conseil de la concurrence a déclaré irrecevable la saisine présentée par M. Alain Fondrede, estimant d’une part qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la légalité d’un arrêté préfectoral et, d’autre part, que l’action en justice d’une organisation professionnelle ne pouvait constituer, en elle-même, une action concertée anticoncurrentielle ;

Le demandeur au recours conclut à la réformation de cette décision, estimant que les faits invoqués relèvent de la compétence du Conseil de la concurrence, il soutient que la demande adressée par le syndicat patronal de la boulangerie de la Drôme au préfet de ce département concernant la fermeture hebdomadaire des boulangeries résulte d’un accord intervenu entre les organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés de la boulangerie, et constitutif à ce titre d’une action concertée. Il considère en effet que cet accord tend à limiter le libre exercice de la concurrence en plaçant les artisans boulangers dans une position concurrentielle défavorable par rapport aux grandes surfaces et aux « points chauds », et ce d’autant que le plan de roulement organisant la fermeture des boulangeries n’a pas été remis à la préfecture par le syndicat des boulangers conformément à l’article 3 de l’arrêté préfectoral. Il estime également que cette entente ne peut être exemptée en vertu des articles 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 et 10 de l’ordonnance du 1” décembre 1986, car elle ne résulte pas d’un texte législatif ou réglementaire et n’a pas pour objet le développement du progrès économique dès lors qu’elle entraîne une baisse de la productivité et une diminution du service offert à la clientèle ;

Le syndicat départemental de la Drôme des boulangers, se constituant sur le recours formé par M. Alain Fondrede, fait valoir, dans le délai qui lui a été imparti, que le Conseil de la concurrence n’a pas compétence pour apprécier la légalité d’un arrêté préfectoral. II précise que ce texte ayant été pris sur le fondement des dispositions du code du travail relatives au repos hebdomadaire ne peut, de ce fait, résulter d’une action concertée prohibée par l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Le ministre de l’économie considère, dans ses observations, que l’intervention du syndicat départemental de la Drôme des boulangers est irrecevable au regard de l’article 7, premier alinéa, du décret du 19 octobre 1987 et s’en remet à l’appréciation de la cour sur sa recevabilité au regard du deuxième alinéa de cet article. Au fond, il demande à la cour de confirmer la décision du Conseil, les pratiques dénoncées, exemptées par l’article 10-1 de l’ordonnance du 1 décembre 1986, n’entrant pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 7 du texte précité :

Le Conseil de la concurrence a fait connaître qu’il n’entendait pas user de la faculté de présenter des observations écrites.

Dans son mémoire en réplique, M. Alain Fondrede soutient que l’accord dénoncé, anticoncurrentiel par nature, est dépourvu de fondement législatif ou réglementaire, expose les boulangeries à la concurrence des grandes surfaces et pénalise les entreprises qui font l’effort d’investir et d’embaucher du personnel. Il ajoute qu’il est en règle avec les textes sur le repos hebdomadaire, ses salariés bénéficiant d’un jour de détente par roulement ;

Le ministère public conclut oralement à la recevabilité de l’intervention du syndicat départemental de la Drôme des boulangers et au rejet du recours formé par M. Alain Fondrede.

Sur la recevabilité de l’intervention du syndicat départemental de la Drôme des boulangers :

Considérant que les droits du syndicat départemental de la Drôme des boulangers sont susceptibles d’être affectés par le recours formé par M. Alain Fondrede qui tend à mettre en œuvre à son encontre une procédure de sanction ;

Considérant qu’afin d’assurer le respect des garanties de la défense et le respect du principe du contradictoire dans l’intérêt des personnes visées par un acte de saisine dont la recevabilité est discutée, il y a lieu d’admettre ce syndicat, qui se borne, en appuyant les observations du ministre de l’économie sans soutenir de prétention propre, à faire connaître sa position sur les pratiques qui lui sont reprochées ;

Considérant en conséquence que l’intervention du syndicat départemental de la Drôme des boulangers est recevable ;

Au fond :

Considérant que c’est par des motifs pertinents que la cour fait siens que la saisine présentée par M. Main Fondrede a été déclarée irrecevable, le Conseil de la concurrence n’ayant pas compétence pour apprécier la légalité d’un arrêté préfectoral ;

Considérant que la cour observe au surplus, sans qu’il y ait lieu de répondre aux autres moyens soulevés, que selon l’article L. 221-7 du code du travail, l’arrêté préfectoral fixant la fermeture hebdomadaire des boulangeries au public ne peut intervenir qu’après accord des syndicats d’employeurs et de salariés d’une profession et d’une région déterminées qu’en conséquence, les pratiques d’entente dénoncées par le requérant découlent directement de l’application d’un texte législatif et ne constituent pas des actions concertées prohibées en application des dispositions des articles 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 et 10-1 de l’ordonnance du 1er décembre 1986,

Par ces motifs :

La cour,

Reçoit M. Main Fondrede en son recours et le syndicat départemental de la Drôme des boulangers et des boulangers-pâtissiers en son intervention ;

Rejetant la demande de réformation,

Confirme la décision du Conseil de la concurrence n° 94-D-18 du 8 mars 1994 ;

Met les dépens à la charge du requérant.