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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 28 mars 1995, n° ECOC9510076X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association de défense et de promotion des dépositaires et maisons de la presse (Association)

Défendeur :

Nouvelles Messageries de la presse parisienne (Sté), Babusiaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Conseillers :

Mme Trochain, Mme Beauquis

Avocats :

Me Charron, Me Pichon, Me Choisel de Monti, Me Voillemot

CA Paris n° ECOC9510076X

28 mars 1995

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui de la requête ;

Le 25 novembre 1994, l’Association de défense et de promotion des dépositaires et maisons de la presse (l’Association) a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques de la société Nouvelles Messageries de la presse parisienne (les NMPP) qu’elle estime constitutives d’un abus de position dominante et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires.

Tout en constatant qu’il ne pouvait être exclu au stade actuel de la procédure que les pratiques dénoncées pouvaient entrer dans le champ d’ application des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1 décembre 1986, le Conseil a estimé que l’Association n’apportait pas d’éléments permettant d’établir que les pratiques dénoncées constitueraient une menace grave et immédiate pour les intérêts de ses adhérents, ceux du secteur ou des consommateurs et qu’elles justifieraient l’intervention de mesures destinées à faire face à l’urgence. Le Conseil a en conséquence rejeté la demande par décision n° 95-MC-Ol prononcée le 8 février 1995.

Conformément aux dispositions de l’article 12, alinéa 4, de l’ordonnance précitée, l’Association a formé un recours contre cette décision au soutien duquel elle expose que la situation de dépendance dans laquelle se trouvent placés, à l’égard des NMPP, les dépositaires et les distributeurs ayant théoriquement la qualité de commerçants indépendants se trouve profondément aggravée depuis 1987 par une restructuration du réseau fondée sur une procédure dite de « rattachement ».

L’Association souligne que l’atteinte grave et immédiate à l’intérêt des dépositaires apparaît dans la réduction du nombre des dépositaires, passé de 3 000 en 1987 à 1 000 actuellement, étant précisé qu’il ne devrait en rester que 400 au terme du processus de rattachement.

Elle fait valoir que l’urgence résulte du fait que :

- les dépositaires ayant refusé le rattachement autoritaire ont été rattachés de fait et sont livrés aux conditions faites aux diffuseurs sans avoir reçu d’indemnité et sont contraints d’assigner individuellement devant les juridictions de l’ordre judiciaire avec les frais supplémentaires que cela comporte pour eux ;

- après le rattachement d’un dépositaire, les NMPP n’arrêtent pas immédiatement les prélèvements mensuels, le compte courant les liant à celui-ci n’étant clôturé qu’ultérieurement ;

- en dépit de l’accord du 15 décembre signé avec le SNDP, la procédure de rattachement autoritaire est étendue à des dépositaires desservant plus de dix diffuseurs ;

- le SNDP diffuse auprès de ses adhérents par voie de Minitel un message faisant état du jugement d’un tribunal de commerce qui lui aurait donné gain de cause alors que ce jugement est frappé d’appel, et ce, afin d’accélérer le processus de rattachement.

Les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, pour leur part, soulèvent tout d’abord la nullité de l’assignation délivrée en application de l’article 10 du décret du 19 octobre 1987, sans que soit jointe copie de la décision attaquée. Elles concluent en tout état de cause à l’irrecevabilité du recours, l’assignation leur ayant été délivrée le 28 février 1995, soit plus de dix jours après notification de la décision attaquée reçue par les parties le 17 février.

Les NMPP soulèvent ensuite l’irrecevabilité du recours, d’une part, faute par l’Association de justifier d’un intérêt à agir et, d’autre part, en raison de l’incompétence du conseil pour connaître de certains griefs soulevés par la requérante. Elles ajoutent que l’irrecevabilité résulte en outre de l’absence de démonstration des conditions d’application des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, ces articles étant par ailleurs inapplicables en matière de distribution de la presse.

Plus subsidiairement, les NMPP sollicitent le rejet du recours sur le fond, dès lors qu’il n’existe aucune présomption évidente du caractère illicite des pratiques dénoncées, qu’il n’est pas démontré que celles-ci portent une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à l’intérêt des consommateurs ou à l’organisme plaignant et qu’enfin la mesure demandée, tendant à faire cesser purement et simplement la procédure de restructuration, serait manifestement disproportionnée et injustifiée.

Estimant que l’Association justifie d’un intérêt à agir, le ministre chargé de l’économie conclut, pour ce qui le concerne, à l’irrecevabilité du recours au regard des dispositions des articles 12 de l’ordonnance précitée et 10 du décret du 19 octobre et, subsidiairement sur le fond, au rejet du recours.

Par un mémoire en réplique, l’Association requérante fait observer que, l’autorisation d’assigner ayant été accordée le 27 février par le délégué du premier président, son assignation n’a pu être délivrée que le lendemain, soit hors du délai de dix jours, et que ce dépassement ne peut lui être opposé.

Le ministère public conclut à l’audience à l’irrecevabilité du recours et subsidiairement, sur le fond, à l’intérêt à agir de l’Association ainsi qu’à la compétence du conseil pour connaître des pratiques. Il relève que, si par impossible le recours était déclaré recevable, les considérations strictement formelles, énoncées par le Conseil dans sa décision, ne permettraient pas de porter une appréciation fondée sur la pertinence du refus d’accorder le bénéfice des mesures conservatoires sollicitées.

Sur quoi, la cour :

Considérant qu’aux termes de l’article 10 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 relatif aux recours exercés devant la cour d’appel de Paris contre les décisions du Conseil de la concurrence une copie de la décision attaquée est jointe à l’assignation à peine de nullité de cet acte ;

Considérant que l’Association ne contestant pas que les assignations délivrées par elle aux NMPP et au ministre chargé de l’économie n’étaient pas accompagnées d’une copie de la décision attaquée, il convient, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soumis à la cour, de constater la nullité desdites assignations ;

Que le recours est en conséquence irrecevable ;

Par ces motifs :

Constate la nullité des assignations délivrées par l’Association de défense et de promotion des dépositaires et maisons de presse à la société Nouvelles Messageries de la presse parisienne ainsi qu’au ministre chargé de l’économie ;

Déclare en conséquence irrecevable le recours formé par l’Association contre la décision n° 95-MC-01 du Conseil de la concurrence en date du 8 février 1995 ;

Laisse les dépens à la charge de la requérante.