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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. 1er sect., 15 octobre 2013, n° 12/01334

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le comptoir des energies renouvelables frigorifiques (SARL)

Défendeur :

M. Daime

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Billy

Conseillers :

M. Leclercq, Mme Caullireau-Forel

Avocats :

SELARL Pelloux Claude et Dorothée, Me Buffet

T. com. Annecy, du 22 Mai 2012

22 mai 2012

Selon deux baux commerciaux à effet du 1er février et du 1er juillet 2008, la SARL Le comptoir des énergies renouvelables frigorifiques, dit Le Cerf, est devenu locataire des biens suivants sis sur la commune de Saint-Félix, appartenant à M. Michel Daime

- un atelier et un bureau, en contrepartie d'un loyer mensuel initial de 880 € HT, un dépôt de garantie de 1.760 € ayant été servi,

- un second atelier et un second bureau, en contrepartie d'un loyer mensuel initial de 1.250 € HT, un dépôt de garantie de 2.500 € ayant été servi. Les contrats n'ont pas été exécutés jusqu'à leur terme respectif, la société Le Cerf les libérant à effet du 31 décembre 2009.

Ils ont été reloués :

- à compter du 1er octobre 2010, s'agissant des locaux objet du premier bail,

- à compter du 1er mars 2010, s'agissant des locaux objet du second bail.

Le 21 octobre 2010, se prévalant des dispositions de l'article L125-5 du code de l'environnement, la société Le Cerf a saisi le tribunal de commerce d'Annecy afin d'obtenir essentiellement le prononcé de la résolution des baux. Par jugement rendu le 22 mai 2012, assorti de l'exécution provisoire :

- elle a été déboutée de ses demandes au motif que ce texte n'est devenu applicable aux baux commerciaux qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 qui en a modifié la rédaction,

- elle a été condamnée à payer à M. Daime la somme de 13.377,16 € de dommages-intérêts pour compenser la perte de loyers subis,

- M. Daime a été débouté de ses demandes relatives au paiement de réparations locatives et de frais de notaire,

- la société Le Cerf a été condamnée :

. aux dépens

. et à payer à M. Daime une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Le Cerf a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 21 juin 2012. Aux termes de ses conclusions notifiées le 19 septembre 2012, elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Daime de ses demandes en paiement de réparations locatives et de frais de notaire

- de l'infirmer pour le surplus

- à titre principal, de prononcer la résiliation judiciaire des baux ayant lié les parties et en conséquence

. de condamner M. Daime à lui restituer la somme de 42.246,56 € correspondant au montant des loyers dont elle s'est acquittée

. de fixer les indemnités d'occupation dues jusqu'au 31 décembre 2009 à M. Daime aux sommes mensuelles de 500 € et 800 € respectivement pour les locaux objets de chacun des deux baux

. d'ordonner la compensation entre ces dettes et créances

- à titre subsidiaire, d'ordonner une diminution du prix de chaque bail et en conséquence, de condamner M. Daime à lui restituer la somme de 16.346,56 €

- en tout état de cause, de débouter M. Daime de sa demande indemnitaire pour perte de loyers et de le condamner à lui restituer les dépôts de garantie soit la somme globale de 4.260 €

- de condamner M. Daime

. aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl C & D Pelloux, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

. à lui payer une indemnité globale de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées le 14 novembre 2012, M. Daime demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'appelante de toutes ses demandes et l'a condamnée à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de 13.377,16 € au titre de la perte de loyers, outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012 :

- de le réformer pour le surplus,

- de condamner la SARL Le Cerf à lui payer :

. 4.843,80 € de réparations locatives

. 1.100 € au titre des frais de notaire relatifs aux baux qu'il a consentis courant 2010 à des tiers

- de la condamner :

. aux entiers dépens, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Buffet,

. à lui payer une indemnité globale de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

A titre liminaire, la cour observe que la société Le Cerf a, de fait, résilié de manière unilatérale les baux qui la liaient à M. Daime, à effet du 31 décembre 2009 ; sa demande ultérieure tendant à obtenir le prononcé de leur résiliation judiciaire, en principe à effet de la date de la décision à intervenir, est donc curieuse et tend manifestement à légitimer a posteriori son attitude. L'article L125-5 du code de l'environnement instaure au profit des acquéreurs et locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention, soit des risques technologiques soit des risques naturels prévisibles, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, le droit d'être informés de ces risques. En l'espèce la commune de Saint-Félix entre dans une telle zone. En son paragraphe II, l'article L125-5 prévoit les modalités selon lesquelles cette information est donnée aux locataires. Initialement et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, soit au moment de la conclusion des baux litigieux et pendant toute la durée de leur exécution, il ne comportait qu'un seul alinéa ainsi rédigé : en cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.

La loi du 12 juillet 2010, entrée en vigueur postérieurement à la résiliation anticipée des baux litigieux, a complété ce paragraphe II qui comporte désormais un second alinéa ainsi rédigé : l'état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L145-1 et L145-2 du code de commerce. Il ressort clairement de ce qui précède que le champ d'application de l'article L125-5 du code de l'environnement a été étendu par la loi du 12 juillet 2010 et qu'avant son entrée en vigueur, les locataires des baux commerciaux ne pouvaient pas s'en prévaloir, les dispositions des lois du 23 décembre 1986 et du 6 juillet 1989 ne leur étant pas applicables. C'est en conséquence par une juste analyse du texte invoqué par l'appelante que les premiers juges l'ont déboutée de toutes ses demandes. C'est également à juste titre qu'ils l'ont condamnée à réparer les préjudices subis par M. Daime du fait de la résiliation anticipée des baux, qu'elle lui a imposée. Parmi ces préjudices, figure indéniablement la perte locative subie pendant 9 mois pour les locaux objet du premier bail et pendant 2 mois pour les locaux objet du second bail, perte qui s'élève à 13.377,16 €.

En revanche, les frais notariés dont M. Daime réclame le paiement sont manifestement sans lien avec la résiliation anticipée des baux litigieux, puisque ceux-ci avaient été conclus sous la forme d'actes sous seings privés ne générant aucun débours. Ces frais sont exclusivement causés par la volonté de M. Daime de contracter avec ses nouveaux locataires sous la forme authentique et ils ont une contrepartie en ce sens qu'ils permettent à M. Daime de disposer de titres exécutoires. M. Daime fonde sa demande en paiement de réparations locatives :

- sur des photographies qui ne sont nullement datées et dont la cour ignore si elles concernent les locaux objet du bail de février 2008 ou ceux objet du bail de juillet 2008,

- et sur un devis établi le 29 mars 2010 soit trois mois après la sortie de la société Le Cerf mais un mois après l'entrée du nouveau locataire dans les lieux objet du second bail, aucun état des lieux n'ayant été dressé ni à l'entrée, nonobstant les clauses des baux, ni à la sortie de la société Le Cerf.

A l'instar des premiers juges, la cour estime que ces éléments sont insuffisants à établir que les dégradations du bardage métallique sont imputables à la société Le Cerf, étant observé que le courrier de son conseil en date du 27 avril 2010 ne vaut pas reconnaissance de sa responsabilité contractuelle dans la mesure où il ne fait que suggérer à des fins transactionnelles une solution de compromis entre les parties, la société Le Cerf souhaitant obtenir la restitution des dépôts de garantie que M. Daime retenait intégralement. Eu égard à la dette indemnitaire de la société Le Cerf à son égard, M. Daime est fondé à conserver les dépôts de garantie d'un montant global de 4.260 €, somme à déduire de la condamnation prononcée à l'encontre de l'appelante.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré :

- en ce qu'il a débouté la société Le Cerf de toutes ses demandes,

- en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les demandes de M. Daime,

Condamne la SARL Le Cerf à lui payer pour solde de tout compte la somme principale de 9.117,16 € outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012,

Ajoutant,

Condamne la SARL Le Cerf :

- aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Buffet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- à payer à M. Daime une indemnité complémentaire de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 15 octobre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude BILLY, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.