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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 2 octobre 2013, n° 11/20383

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BTAV (SAS)

Défendeur :

Resto In (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Blum, Mme Reghi

Avocats :

Des deux palais (SELARL) , SCP Jeanne Baechlin

TGI Paris, du 20 sept. 2011

20 septembre 2011

Par acte du 16 avril 2008, la société Btav a donné à bail commercial à la société Resto In à compter du 15 avril 2008, des locaux à usage exclusif de bureaux situés [...] moyennant un loyer annuel en principal de 77.000 €.

Le 25 novembre 2009, invoquant l'absence de remise, à la signature du bail, d'un état des risques naturels et technologiques en contravention avec les dispositions légales et réglementaires, la société Resto In a assigné la société Btav en résolution du bail par application de l'article L 125-5 du code de l'environnement.

Par la suite, la société Resto In a donné congé pour la fin de la première période triennale et elle a demandé en conséquence la condamnation de la société Btav à lui payer la somme de 23.100 € en réparation de son préjudice né de l'atteinte aux dispositions légales et réglementaires.

Par jugement rendu le 20 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté que la société Btav n'a pas remis lors de la conclusion du contrat de bail à la société Resto In un état des risques naturels et technologiques prévu par l'article L 125-5 du code de l'environnement,

- condamné la société Btav à payer à la société Resto In la somme de 6.930 € au titre de la diminution des loyers,

- débouté la société Btav de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société Btav à payer à la société Resto In la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Btav aux dépens.

La SAS Btav a relevé appel de cette décision le 15 novembre 2011. Par ses dernières conclusions du 1er juin 2012, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- constater qu'elle n'était pas tenue de remettre un état des risques naturels et technologiques à la société Resto In lors de la signature du bail du 16 avril 2008, le local loué ne se trouvant pas dans une zone couverte par un PPRT ou par un PPRN ou dans une zone de sismicité ainsi qu'il résulte de l'état des risques naturels et technologiques versé aux débats du 21 octobre 2009 établi sur la base des informations mises à disposition par arrêté préfectoral du 14 avril 2008,

- dire n'y a pas lieu en tout état de cause à diminution de loyer, en l'absence de mauvaise foi du bailleur et de préjudice de la société Resto In,

- débouter la société Resto In de son appel incident,

- condamner la société Resto In à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction.

La s.a. Resto In, par ses dernières conclusions du 25 mars 2013, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a été jugé que la société Btav ne lui a pas remis lors de la conclusion du contrat de bail un état des risques naturels et technologiques prévu par l'article L 125-5 du code de l'environnement,

- l'infirmer en ce qu'il a condamné la société Btav à lui payer la somme de 6.930 € à la société Resto In,

- condamner la société Btav à lui payer la somme de 23.100 € en réparation de son préjudice né de l'atteinte aux dispositions légales et réglementaires,

- condamner la société Btav à lui payer la somme de 5.000 € pour procédure abusive et celle de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction.

SUR CE,

Considérant que la société Btav fait valoir qu'elle n'était pas tenue à la date de signature du bail du 16 avril 2008 d'annexer un état des risques naturels et technologiques, le local loué ne se trouvant à cette date ni dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques ni par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ni dans une zone de sismicité définie par décret en conseil d'État ainsi qu'il résulte de l'état des risques naturels et technologiques qu'elle a remis le 21 octobre 2009 établi sur la base des informations mises à dispositions par arrêté préfectoral du 14 avril 2008 auquel il convient de se référer ;

Qu'elle soutient à titre subsidiaire que l'état des risques naturels et technologiques qu'elle a remis en novembre 2009 dans le cadre de l'instance en référé est identique quant à ses mentions à celui qui aurait dû être annexé au bail du 16 avril 2006, que cette remise vaut régularisation et renonciation de la locataire à se prévaloir de bonne foi de l'irrégularité, que le bailleur n'a commis aucune faute et le preneur n'a subi aucun préjudice, les lieux loués n'étant soumis à aucun risque, que la sanction du bailleur ne saurait aboutir à un enrichissement sans cause et qu'elle serait purement arbitraire ;

Considérant que la s.a. Resto In réplique que l'obligation du bailleur est une obligation d'information qui s'apprécie à la signature du bail, que cette obligation d'information, d'ordre public, s'applique dans les communes dont la liste est arrêtée par le préfet même si l'immeuble n'est pas dans une zone à risque, que l'obligation de fournir un état des risques naturels et technologiques lors de la signature du bail pour les locaux situés à Paris résulte de l'article 5 de l'arrêté préfectoral 2006-45-1 du 14 février 2006 dont les dispositions n'ont pas été modifiées par l'arrêté du 14 avril 2008, qu'aucun état des risques naturels et technologiques n'a été annexé au bail ni remis avant la signature de celui-ci, qu'elle était donc bien fondée à demander la résolution du bail dans un premier temps puis la réduction du loyer peu important l'existence d'un préjudice, qu'elle sollicite une diminution du prix de 10 % soit 7.700 € par an et 23.100 € au total ce qui est d'autant plus justifié que de plus, la société Btav ne lui a pas remis à la signature, le règlement de copropriété ce qui lui a causé un préjudice important ;

Considérant qu'aux termes de l'article L125-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction de l'époque :

" I. -Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'État, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.

A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet...

II.- En cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

III.- Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte.

...

V. -En cas de non-respect des dispositions du présent article, l'acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix" ;

Considérant que l'arrêté préfectoral n°2006-45-1 du 14 février 2006 dispose que:

"Article 1er : Les dispositions des alinéas I et II de l'article L.125-5 du code de l'environnement sont applicables à la commune de Paris, pour ce qui concerne les risques majeurs suivants :

1 - le risque d'inondation, qui fait l'objet d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), approuvé par arrêté préfectoral précité du 15 juillet 2003 ;

2 - les risques liés à la présence en sous-sol de Paris d'anciennes carrières et de zones de gypse antéludien, signifiés par les arrêtés inter-préfectoraux précités des 26 janvier 1966, 25 février 1977 et 19 mars 1991.

Article 2 : L'obligation d'information des acquéreurs et des locataires de biens immobiliers situés à Paris concernant les risques prévue au I et II de l'article L.125-5 et aux articles R.125-23 à R125-27 du code de l'environnement, et mentionnés à l'article 1er ci-dessus, s'applique, dans la commune de Paris, dans les conditions définies aux articles 5, 6, 7 et 8 du présent arrêté.

Article 5 : Préalablement à l'établissement d'un contrat de vente ou d'un contrat de location, le vendeur ou le bailleur a l'obligation de fournir à l'acquéreur ou au locataire, conformément aux informations figurant au présent arrêté et ses annexes, un état des risques relatifs à l'immeuble concerné, établi moins de six mois avant la date de conclusion dudit contrat.

Article 6 : Les biens mentionnés à l'article 3 du présent arrêté sont tous les types de biens immobiliers, bâtis ou non bâtis, quelle que soit leur destination.

Article 7 : Les contrats mentionnés à l'article 5 du présent arrêté sont, notamment : - les promesses unilatérales de vente ou d'achat, les contrats de vente et les contrats écrits de location de biens immobiliers, y compris tout type de contrat donnant lieu à un bail locatif « 3, 6, 9 ans ..." ; Que l'arrêté préfectoral du 14 avril 2008 est venu modifier l'arrêté du 14 février 2006 notamment son article 1-1 de la façon suivante : "Art. 1-1 : Le risque d'inondation fait l'objet d'un plan de prévention des risques d'inondation. (PPRI) révisé, approuvé par arrêté préfectoral n° 2007-109-1 du 19 avril 2007" ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'obligation à la charge de la société Btav, bailleur, de fournir un état des risques naturels et technologiques à la signature d'un bail commercial s'appliquait à Paris en vertu de l'arrêté préfectoral du 14 février 2006 dont les dispositions n'ont pas été modifiées sur ce point par l'arrêté du 14 avril 2008 qui n'a fait que compléter l'arrêté du 14 février 2006 par l'insertion de dispositions concernant le risque d'inondation liées à l'approbation du plan de prévention des risques d'inondation révisé par arrêté préfectoral n° 2007-109-1 du 19 avril 2007 ; que ces dispositions ont pour objet d'informer le locataire sur la situation du bien dans la commune en fonction des zones de risques, peu important que l'immeuble lui-même soit situé en dehors de la zone ;

Considérant que si l'état des risques naturels et technologiques a été remis par la société Btav courant novembre 2006 à l'occasion d'une instance en référé, cette remise faite dix huit mois après la signature du bail est tardive et ne peut valoir renonciation de la locataire à se prévaloir de l'irrégularité commise lors de la conclusion du bail ;

Considérant que la société Btav n'a pas respecté la réglementation s'imposant à elle et a ainsi commis une faute ; que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande de diminution de loyer prévue par l'article L 125-5 du code de l'environnement ; que la société Btav n'est pas fondée à invoquer le caractère arbitraire de la sanction prévue par le texte dont il a été fait application, les conditions en étant réunies ni à arguer d'un quelconque enrichissement sans cause ;

Considérant que la diminution de loyer a pour objet d'une part de sanctionner le comportement fautif du bailleur et d'autre part de réparer le préjudice qu'a pu subir le preneur du fait de la non-délivrance du document informatif ; Qu'en l'espèce le préjudice subi par la société Resto In est limité à l'ignorance dans laquelle elle s'est trouvée pendant dix huit mois de ce que l'immeuble était en dehors d'une zone à risque ; qu'en effet, l'état remis en novembre 2009 montre que l'immeuble n'était pas situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques ou plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrits ou approuvés, ni dans une zone de sismicité ; que par ailleurs, la société Resto In fait état du préjudice né pour elle de l'absence de remise, à la signature du bail, d'une copie du règlement de copropriété, cette absence de communication ne lui ayant pas permis de connaître les obligations particulières y figurant et ayant engendré un contentieux avec le syndicat des copropriétaires ;

Considérant que le défaut de remise du règlement de copropriété, non contesté par la société Btav, tout comme le comportement de la société Btav qui s'est abstenue de délivrer l'état des risques naturels et technologiques justifie la somme de 6.930 €, correspondant à 3 % du loyer, allouée à la société Resto In par les premiers juges et est de nature à réparer exactement l'entier préjudice subi par la locataire à ces deux titres ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les parties qui échouent l'une comme l'autre à démonter l'abus de droit d'agir en justice, seront déboutées de leurs demandes en dommages et intérêts réciproques à ce titre ;

Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, que les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées et la société Btav, qui verra sa propre demande rejetée, sera condamnée à verser à la société Resto In la somme complémentaire de 1.500€ pour ses frais irrépétibles d'appel ;

 

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboute la société Btav de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à ce titre à la société Resto In une somme complémentaire de 1.500 € ;

Condamne la société Btav aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.