CA Versailles, 12e ch. sect. 24, 20 janvier 2000, n° 1988/97
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
M. Haddad, Mme Haddad
Défendeur :
Appelante Incidemment
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Assie
Conseillers :
Mme Laporte, M. Fedou
Avocats :
SCP Jullien-Lecharny-Rol, SCP Fievet-Rochette-Lafon
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte sous seing prive en date du 2 janvier 1991, a effet retroactif au 1er janvier 1991, la SCI SEGA a donne a bail a Monsieur Alain UZAN des locaux a usage mixte de commerce et d’habitation, situes 41 rue Pierre Semart a GARGES LES GONESSE, pour une duree de neuf annees moyennant un loyer initial de 4.000 francs par mois.
*
Monsieur UZAN, qui exploitait un commerce de pharmacie dans les locaux loues, a depose son bilan le 29 octobre 1993, et, par jugement en date du 08 novembre 1993, II a ete place en redressement judiciaire.
Par un nouveau jugement en date du 10 decembre 1993, le redressement judiciaire a ete convert! en liquidation judiciaire et Mattre Christine DE BOIS a 6t§ designee en quaiite de liquidateur.
A la requete de la BANQUE NATIONALE DE PARIS, I’immeuble appartenant a la SCI SEGA a ete vendu aux encheres publiques et acquis par les epoux Chaloum HADDAD, suivant jugement d’adjudication en date du 06 octobre 1994.
Suivant acte en date du 02 aout 1995, les epoux HADDAD ont fait delivrer a Mattre DE BOIS, es-qualites, un commandement d’avoir a leur regler les loyers ayant couru du 06 octobre 1994 au 31 aout 1995, soit la somme de 43.200 francs.
Mattre DE BOIS a fait opposition & ce commandement et a reclame reconventionnellement 100.000 francs a titre de dommages et interets, motif pris essentiellement que I’immeuble etait indument occupe par Monsieur et Madame Dov HADDAD, fils et belle fiile des adjudicataires, dans le seul but de faire echec a la cession du bail a Monsieur SOUSSAN, pharmacien, autorisee parordonnance du juge commissaire en date du 03 octobre 1994.
Par jugement en date du 08 janvier 1997 auquel il est renvoye pour plus 'ample expose des elements de la cause, le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE a :
* declare “nul et de nul effet” le commandement de payer delivre a Mattre DE BOIS le 02 aout 1995,
* condamne Maitre DE BOIS, es-qualites, a payer aux epoux HADDAD une somme de 3.066 francs avec interets au taux legal a compter du 04 decembre 1995, cette somme correspondant au loyer du depuis I’expulsion des 6poux Dov HADDAD, soit le 23 octobre 1995, jusqu’a la prise de possession des lieux par Monsieur SOUSSAN, intervenu le 14 novembre 1995,
* condamne les epoux Chaloum HADDAD solidairement a payer a MaTtre DE BOIS la somme de 50.000 francs a titre de dommages et interets,
* ordonne la compensation entre ces deux sommes,
* condamne, en outre, les epoux HADDAD a payer a Maitre DE BOIS une indemnite de 5.000 francs en application de I'article 700 du Nouveau Code de Procedure Civile, ainsi qu'a supporter les entiers depens.
Appelants de cette decision, les epoux HADDAD font grief aux premiers juges d'avoir mal apprecie les elements de la cause et les regies de droit qui leur sont applicables. A I’appui de leur recours, ils font valoir que, contrairement a ce qu'a estime le tribunal, ils n’ont en rien particip6 au bail conclu entre la SCI SEGA et Monsieur et Madame Dov HADDAD le 26 aout 1993 en vertu duquel ces derniers ont occupe \le premier etage reserve a I’habitation de I’immeuble loue a des fins commerciales a Monsieur UZAN et que, contrairement a ce qu’a encore estime le tribunal, les lieux etaient parfaitement divisibles. Ils ajoutent que, de surcroit, cette situation n’a ete en rien prejudiciable a Maitre DE BOIS dans la mesure ou elle a pu agir librement et faire expulser les epoux Dov HADDAD. Ils en deduisent qu’ils sont fondes reclamer les loyers a ' Maitre DE BOIS, qui a pour la continuation du bail en vue de pouvoir le ceder et ils lui reclament a ce titre, pour la periode situee entre le 06 octobre 1994, date de leur acquisition, jusqu’au 30 novembre 1995, date de prise de possession par Monsieur SOUSSAN, la somme de 55.200 francs. A titre subsidiaire, ils estiment que MaTtre DE BOIS est pour le moins redevable d’un loyer de 33.600 francs, correspondant a la periode situ6e entre la decision d’expulsion de Monsieur UZAN et de tous occupants de son chef et la prise de possession de Monsieur SOUSSAN. Plus subsidiairement encore, ils reclament les loyers dus depuis le 1 er juillet 1995, date selon eux de la mise en oeuvre de la mesure d’expulsion, jusqu'au 30 novembre 1995. Ils sollicitent egalement les interets de retard sur ces loyers depuis la date du commandement ainsi que leur capitalisation, conformement a I’article 1154 du Nouveau Code de Procedure Civile. Ils estiment egalement depourvu de tout fondement la condamnation a dommages et interets prononcee a leur encontre et reclame a MaTtre DE BOIS une indemnite de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procedure Civile. Maitre DE BOIS conclut, pour sa part, a la confirmation du jugement defere en toutes ses dispositions, sauf a se voir porter a 100.000 francs les dommages et interets qui lui ont 6t§ alloues en raison du comportement frauduleux des appelants. Elle leur reclame egalement une indemnite de 50.000 francs en couverture des frais qu'elle a ete contrainte d’exposer devant la Cour.
MOTIFS DE LA DECISION
* Sur I’opposition a commandement formee oar MaTtre DE BOIS
Considerant que le bailieurest, en vertu de I'article 1719-3 du Code Civil, tenu de faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la duree du bail; que le mandataire liquidateur, qui a opte pour la poursuite du bail en vue de le ceder ulterieurement, est fonde a se prevaloir de cette obligation generate de garantie et a s’opposer au reglement des loyers, qui constituent la contrepartie de la jouissance, lorsque, du fait d’un tiers dont le bailleur doit repondre, II n’a pu prendre possession des locaux dont le bail est poursuivi; considerant qu’il apparaTt a I'examen des pieces des debats que, lorsqu’elle a voulu prendre possession des lieux donnes a ball dans leur totalite a son administre, Maitre DE BOIS s’est heurtes a la presence dans les locaux du premier etage de Monsieur Dov HADDAD et de son epouse, respectivement fils et belle fill© des epoux HADDAD adjudicataires de I'immeuble, qui se pretendaient titulaires d’un bail d’habitation a eux consent! le 26 aout 1993 par la SCI SEGA, et que MaTtre DE BOIS a ete contrainte de diligenter plusieurs procedures pour obtenir /’expulsion des interesses, n’ayant pu prendre possession effective des lieux que le 23 octobre 1995, comme en fait foi un constat d’huissier, de sorte que la cession du bail autorisee par le juge commissaire n'a pu intervenir que le 15 novembre 1995 ; qu’il en result© que, des lors que les bailleurs n’ont pas ete en mesure d’assurer la jouissance de la chose louee a MaTtre DE BOIS, meme s’ils n’ont pas personnellement consent! le bail d’habitation, ces derniers ne peuvent pr6tendre au paiement des loyers que pour la periode posterieure a (’expulsion intervenue le 23 octobre 1995 et jusqu'au 15 novembre 1995, date de prise de possession des lieux par le nouveau locataire ; que le jugement defere sera, en consequence, confirms, mais par substitution de motifs, en ce qu’il a condamne MaTtre DE BOIS a payer aux epoux HADDAD la somme de 3.066 francs pour la seule periode susvisee ou elle a retrouve la jouissance des locaux, le commandement du 02 aout 1995 etant declare sans fondement;
* Sur les dommaaes et interet
Considerant que, meme si comma ils le soutiennent les epoux HADDAD n’ont pas consenti eux-meme un bail a leurs enfants les 6poux Dov HADDAD, il n’en reste pas moins que cette operation s’inscrit dans un contexte frauduleux auquel les appelants ont participe avec pour objectif essentiel d'empecher la cession du bail envisages par Mattre DE BOIS et de conserver un imrheuble libre de toute occupation, comme le souligne le mandataire liquidateur; considerant en effet que le bail d’habitation dont se prevalaient les 6poux Dov HADDAD, et qui a ete juge inopposable a MaTtre DE BOIS, leur a ete consenti le 26 aout 1993 par la SCI SEGA, composee de Monsieur Alain UZAN, qui a depose son bilan quelques mois plus tard et de son epouse Madame Golda HADDAD, fille des epoux HADDAD appelants, et soeur de Monsieur Dov HADDAD, et ce quasiment concomitamment avec I’acquisition de I’immeuble par les appelants ; que MaTtre DE BOIS a ete contrainte, eu egard a cette situation, d’initier ou de defend re a plusieurs procedures, auxquelles se sont bien gardes de se joindre les epoux HADDAD, lesdites procedures etant dirigees tant a I’encontre de Monsieur UZAN, que des consorts Dov HADDAD, de sorte que les epoux HADDAD ,qui devaient mettre tout en oeuvre pour assurer une jouissance paisible a MaTtre DE BOIS et qui se sont abstenus de le faire, doivent repondre du prejudice ainsi cause aux operations de liquidation et plus particulierement du retard qui en est resulte pour la cession du bail en cours, prejudice qui sera chiffr6 a 50.000 francs, Mattre DE BOIS ne justifiant pas d’un prejudice cbmplementaire; que le jugement sera encore confirme de ce chef mais bgalement par substitution de motifs;
* Sur ies autres demandes
Considerant qu’il serait inequitable de laisser a Mattre DE BOIS la charge tfes frais qu’elle a 6te contrainte d’engager devant la Cour ; que les epoux HADDAD seront condamnes a lui payer une indemnite complementaire de 10.000 francs en application de I'article 700 du Nouveau Code de Procedure Civile, ladite indemnite s’ajoutant a celle deja allouee au meme titre par les premiers juges; considerant enfin que les epoux HADDAD, qui succombent, siipporteront les entiers depens exposes £ ce jour;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
RECOIT les epoux Chaloum HADDAD en leur appel principal et Maitre Christine DE BOIS, es-qualites de mandataire liquidateur de Monsieur UZAN, en son appel incident,
DIT ces appels mal fondes et les rejette,
CONFIRME en toutes ses dispositions, mais par substitution de motifs, le jugement defers,
Y ajoutant,
CONDAMNE les epoux HADDAD a payer a Maitre Christine DE BOIS une indemnite complementaire de 10.000 francs en application de I'article 700 du Nouveau Code de Procedure Civile, ladite indemnite s’ajoutant a celle deja accordee au meme titre par les premiers juges,
CONDAMNE egalement les epoux HADDAD aux ejtfiers depens et autorise la SCP d’avous FIEVET-ROCHETTE-LAFON a poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit a I'article 699 du 'Nouveau Code de Procedure Civile.