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Décisions

Cass. 3e civ., 28 novembre 2007, n° 06-17.758

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

Mme Maunand

Avocat général :

M. Bruntz

Avocats :

Me Hémery, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Rocheteau et Uzan Sarano

Douai, du 18 mai 2006

18 mai 2006

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Glinp II fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable du préjudice subi par la société Nord France diffusion, de la condamner in solidum avec le notaire au paiement d'une provision et de prononcer la résolution du bail, alors, selon le moyen :

1° / qu'après avoir énoncé en son article 1er que le " magasin " Literie diffusion ", sis à Harnes, route nationale 17, repéré sur le plan ci-annexé, sera fermé au public à compter de la réception du présent arrêté par l'exploitant, l'arrêté pris par le maire de la commune de Harnes le 26 mars 2002 prévoyait en son article 2 que " la réouverture des locaux au public ne pourra intervenir qu'après délivrance d'un permis de construire et la réalisation de l'ensemble des travaux ayant fait l'objet de la demande de permis de construire, et le cas échéant des prescriptions figurant dans cette autorisation " ; qu'en affirmant que cet arrêté interdisait définitivement tout usage commercial des locaux loués pour en déduire que la société Glinp II avait manqué à son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé ledit arrêté, ensemble les articles 1719 et 1720 du code civil ;

2° / qu'au titre de l'obligation de délivrance lui incombant, le bailleur n'est tenu de fournir au preneur que les autorisations nécessaires à son activité ; qu'en imputant à faute à la société Glinp II de n'avoir pas sollicité d'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial, tout en constatant qu'en sa qualité de juge-judiciaire, il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la nécessité d'une telle autorisation, ce dont il résultait qu'elle reprochait à la bailleresse de n'avoir pas délivré à son preneur des autorisations superfétatoires, la cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil ;

3° / que l'événement irrésistible dans son exécution et imprévisible lors de la conclusion du contrat est constitutif d'un cas de force
majeure de nature à exonérer le débiteur de ses obligations ; qu'en considérant que l'arrêté du maire de Harnes du 26 mars 2002 interdisant l'ouverture au public du magasin " Literie diffusion " ne constituait pas un cas de force majeure de nature à constituer un obstacle à l'exécution de délivrance de l'immeuble loué sans rechercher si lors de la conclusion du contrat la société Glinp II pouvait raisonnablement prévoir qu'en raison de la modification " à court terme " des périmètres de protection Z1 et Z2 du plan local d'urbanisme, le maire de la commune de Harnes renforcerait les prescriptions applicables aux immeubles ouverts au public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du code civil ;

4° / qu'en écartant la responsabilité de la société Nord France distribution dans la perte d'exploitation subie par son établissement situé à Harnes par un motif tiré de l'impossibilité de se soustraire à l'exécution de l'arrêté municipal sans rechercher si l'exploitant des locaux loués ne disposait pas de la faculté d'exercer un recours provoquée par la fermeture de son établissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que la baillleresse s'engageait expressément dans le bail à garantir la commercialité des lieux, qu'un mois après la prise d'effet du bail, les locaux ne pouvaient être affectés à un usage commercial puisqu'ils ne pouvaient pas être ouverts au public et que l'arrêté du maire motivé par des raisons de sécurité publique ne pouvait pas constituer un cas de force majeure dès lors que la bailleresse pouvait vérifier auprès des services de la mairie s'il n'existait aucun obstacle à l'opération projetée, et d'autre part, relevé que la locataire n'avait commis aucune faute en s'abstenant d'exercer un recours contre l'arrêté municipal, la société locataire étant tenue de reprendre son activité dans les plus brefs délais et ne pouvant surseoir à toute exploitation dans l'attente de la décision administrative, la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que la société Glinp II avait manqué à son obligation de délivrance ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la SCP X... Y... fait grief à l'arrêt de juger qu'elle a engagé sa responsabilité civile à l'égard de la société Nord France diffusion et de la condamner à réparer le préjudice, alors, selon le moyen :

1° / que la société Nord France distribution s'était contentée de reprocher au notaire qui avait instrumenté le bail de ne pas avoir recherché si une autorisation de la commission départementale des équipements commerciaux était nécessaire pour exploiter les locaux, suivant l'usage convenu ; qu'en imputant à faute au notaire de ne pas avoir prévu l'adoption d'un arrêté ordonnant la fermeture des locaux en cause au public, bien qu'une telle décision ait été motivée par la méconnaissance d'autres règles que la société locataire n'avait pas reproché au notaire de ne pas avoir avisées, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2° / qu'en imputant à faute au notaire de ne pas avoir vérifié les exigences administratives nécessaires, sans recueillir les observations des parties sur le moyen tiré de ce que l'officier ministériel aurait dû s'assurer du respect de règles autres que celles relatives à l'autorisation de la commission départementale des équipements, seules invoquées par la société locataire, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

3° / que les vérifications auxquelles doit procéder le notaire pour assurer l'efficacité de l'acte instrumenté doivent être déterminées au regard du droit positif existant au jour de son intervention et de son évolution prévisible à cette époque ; qu'en imputant à faute au notaire de ne pas avoir vérifié la situation de l'immeuble au regard des règles administratives visées par l'arrêté du maire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si, comme l'affirmait d'ailleurs elle-même la société locataire, l'autorisation de la commission départementale des équipements commerciaux ne semblait pas légalement inutile, compte tenu de la surface des locaux en cause, et s'il était possible de prévoir l'augmentation de la zone de vigilance qui devait justifier l'adoption de l'arrêté de fermeture, et enfin s'il était possible de prévoir que l'opération serait soumise à l'exigence d'un permis de construire bien que la société locataire ait elle-même souligné qu'elle n'entendait réaliser aucuns travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4° / qu'il appartient au juge civil de déterminer, au regard des règles de droit administratif, si une autorisation était légalement nécessaire et s'il était, partant, possible de prévoir une décision administrative imposant une telle autorisation ; qu'en imputant à faute au notaire de ne pas avoir vérifié la situation de l'immeuble au regard des règles administratives tout en refusant de rechercher si les autorisations visées par le maire pour ordonner la fermeture des locaux en cause étaient légalement exigées, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et a violé l'article 12 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le notaire qui n'était pas dispensé de son obligation d'information par la présence d'un autre notaire aux côtés de la société Nord France distribution, était tenu de s'assurer en sa qualité de rédacteur de l'acte de l'efficacité de celui-ci, à ce titre de vérifier la situation de l'immeuble au regard des exigences administratives et en cas de difficulté d'en informer les parties et constaté que M.X... ne justifiait d'aucune investigation personnelle ni pour vérifier la commercialité de l'immeuble ni pour informer les parties de la difficulté relative à l'existence d'un périmètre de protection autour du site Noroxo, la cour d'appel qui n'a ni modifié l'objet du litige ni méconnu le principe de la contradiction a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.