Cass. 3e civ., 2 juillet 2013, n° 11-18.228
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Blanc et Rousseau, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2011), que les époux X..., propriétaires de locaux donnés à bail à la société Confiserie biscuiterie de l'Essonne les ont cédés par acte du 8 mars 2001 à M. Y... ; que celui- ci les a donnés à bail à la société One Shoe's, par acte sous seing privé du 1er avril 2001, à effet du même jour ; que par jugement du 4 avril 2001, la société Confiserie biscuiterie de l'Essonne a été mise en liquidation judiciaire ; que son fonds de commerce a été cédé par jugement du 27 novembre 2001 à M. Z... pour le compte de la société Original Candy en formation ; que celle-ci n'ayant pu obtenir la délivrance des locaux a assigné M. Y... en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de constater l'inexécution de son obligation de délivrance et de le condamner à payer une certaine somme à titre de réparation, alors, selon le moyen :
1°/ que l'adjudicataire d'un fonds de commerce qui l'accepte en l'état et déclare faire son affaire personnelle de l'expulsion de l'occupant des lieux loués ne peut ensuite invoquer à l'encontre du bailleur un manquement à son obligation de délivrance ; qu'en décidant que la connaissance et l'acceptation par la société Original Candy de la présence d'un tiers dans les locaux et sa déclaration de faire son affaire personnelle de la procédure d'expulsion de la société One Shoe's n'avaient d'effet qu'à l'égard du vendeur du fonds de commerce et ne libéraient pas le bailleur de son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé les articles 1165 et 1719 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, en ne répondant pas aux conclusions de M. Y... soutenant que son impossibilité de faire face à son obligation de délivrance avait été constatée par un arrêt passé en force de chose jugée du 5 octobre 2006, ayant constaté, dans un litige portant sur une liquidation d'astreinte opposant la société Original Candy et M. Y..., qu'il « est dans l'impossibilité d'exécuter l'obligation d'avoir à mettre les locaux dont il s'agit à la disposition de la Sarl Original Candy du fait d'un obstacle qu'il a certes élevé mais qu'il ne peut écarter », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que en tout état de cause, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si l'impossibilité de M. Y... d'exécuter son obligation de délivrance, constatée par un arrêt passé en force de chose jugée du 5 octobre 2006, ayant relevé qu'il était « dans l'impossibilité d'exécuter l'obligation d'avoir à mettre les locaux dont il s'agit à la disposition de la Sarl Original Candy du fait d'un obstacle qu'il a certes élevé mais qu'il ne peut écarter », ne s'opposait pas l'action en dommages-intérêts engagée contre lui par la société Original Candy, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
4°/ que en ne répondant pas aux conclusions de M. Y... faisant valoir qu'il appartenait à la société Original Candy d'exécuter les engagements pris devant le tribunal de commerce et de mettre en oeuvre la procédure d'expulsion One Shoe's dont le bail lui était inopposable, et qu'en s'étant abstenue de le faire, elle avait créé son propre préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que nul en France ne plaide par procureur ; que dès lors, seul l'adjudicataire d'un fonds de commerce qui déclare faire son affaire personnelle de l'expulsion de l'occupant des lieux loués, a qualité pour agir en expulsion, à l'exclusion du bailleur ; qu'en l'espèce, le jugement du 27 novembre 2001 ayant ordonné la cession à M. Z..., représentant la Sarl en formation Original Candy, du fonds de commerce de la Sarl Confiserie biscuiterie de l'Essonne, a décidé que le bail donné à la société One Shoe's par M. Y... était inopposable à la Sarl Confiserie biscuiterie de l'Essonne et a donné acte à M. Z... qu'il ferait son affaire personnelle de l'expulsion ; que dans l'acte du 4 mars 2002 lui ayant cédé le fonds de commerce exploité dans le local appartenant à M. Y..., la Sarl Original Candy a déclaré avoir « connaissance de l'occupation des lieux par un tiers » et « en faire son affaire personnelle » ; que par ailleurs, M. Y... ayant demandé en référé puis au fond l'expulsion de la Sarl One Shoe's, une ordonnance du 25 juillet 2003 puis un jugement du 12 avril 2005 du tribunal de grande instance de Paris ont décidé que la règle « nul ne plaide par procureur » s'opposaient à cette demande ; qu'en décidant que M. Y..., bailleur, n'établissait pas que la société Original Candy disposait des moyens juridiques et d'un droit propre lui permettant d'obtenir l'expulsion de l'occupant, cependant que les actes et décisions précités établissaient non seulement ce droit mais également l'impossibilité juridique dans laquelle se trouvait M. Y... d'agir pour obtenir lui-même cette expulsion, la cour d'appel a violé ensemble le principe selon lequel en France nul ne plaide par procureur et l'article 1150 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'en donnant à bail à la société One Shoe's des locaux déjà loués, M. Y... avait commis une faute, que la société One Shoe's disposait d'un titre locatif, consenti par le légitime propriétaire, faisant obstacle à son éviction par la société Original Candy avec laquelle elle était sans lien de droit, la cour d'appel, qui a exactement retenu que la connaissance par la société Original Candy de la présence d'un locataire dans les lieux et son engagement de faire son affaire de son expulsion n'avait d'effet qu'à l'égard du vendeur du fonds de commerce, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et répondant aux conclusions, que la société Original Candy n'était pas à l'origine de son propre préjudice et que c'est par un fait volontaire et non par cas de force majeure que M. Y... avait manqué à son obligation de délivrance ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.