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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 juin 2021, n° 17/21699

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ETI (SARL)

Défendeur :

Ava (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Lyon, du 6 nov. 2017

6 novembre 2017

En 2003, les consorts A., distributeurs de cuisines, ont constitué la société Ava pour la création et l'exploitation d'un réseau de cuisinistes en franchise, sous l'enseigne Aviva.

Au cours de l'année 2003, les époux S. se sont rapprochés des consorts A., afin d'envisager, dans le contexte du développement du réseau Aviva, l'ouverture de magasins à l'enseigne en Algérie.

Le 1er mai 2003, la société Ava a signé un contrat de franchise avec la société ETI appartenant aux époux S. et dont Madame S. était gérante, pour l'ouverture d'un magasin Aviva à Alger en Algérie.

En 2004, les sociétés ETI et Ava ont signé d'autres contrats de franchises pour l'exploitation de points de vente de l'enseigne Aviva dans d'autres villes en Algérie.

En novembre 2006, un accord sur le principe de l'ouverture d'un point de vente Aviva dans la ville de Lausanne en Suisse était également arrêté entre la société Ava et M. S., associés de la société ETI.

Le 26 novembre 2008, les sociétés Ava et ETI ont signé un contrat de master-franchise, couvrant l'ensemble du territoire algérien et plusieurs points de vente ont été successivement ouverts. Ce contrat a mis un terme aux contrats de franchise antérieurement conclus entre les parties.

L'organisation choisie était que la société ETI achetait les cuisines à la société Nobilia, fabricant allemand, et se chargeait de les acheminer en Algérie à la société Cuisinelec, centrale d'achat, qui les distribuait aux franchisés.

Le service fourni par la société Ava résidait en principe dans la licence de sa marque, dans la publicité, dans l'aide à l'implantation, dans la formation, dans la fourniture d'une solution informatique adaptée, dans la sélection de la gamme de cuisines et dans la négociation de conditions de prix d'achat.

Fin 2009, la société ETI, a fait part à plusieurs reprises par mail à la société Ava du mécontentement des franchisés algériens, affirmant que la redevance était payée sans contrepartie.

Le 26 juillet 2010 les parties ont signé un avenant à leur contrat de master-franchise aux termes duquel le franchiseur accordait au master-franchisé pour l'année 2010 une aide financière équivalente au montant de la redevance en contrepartie d'obligations de la part de la société ETI. Ce dispositif a été renouvelé par avenants successifs jusqu'au 30 juin 2012.

Le 26 mai 2014, la société Ava a notifié à la société ETI la résiliation à effet immédiat du contrat de master-franchise aux motifs essentiel que nul contrat n'avait été signé avec les juniors-franchisés, ajoutant d'une part que les moyens de la présence de la marque Aviva n'avaient pas été pris (absence de recrutement d'un animateur/formateur, augmentation du nombre de magasins mais baisse du chiffre d'affaires base de la redevance payée), d'autres part que le master-franchisé s'abstenait de la tenir informée de l'évolution du réseau, des conditions du marché et de la concurrence et ne lui communiquait pas de plan de développement recensant les moyens techniques, financiers et humains alloués.

Par acte du 29 avril 2015, la société Ava a assigné devant le tribunal de grande instance d'Annecy les sociétés ETI, Arche et M. S. considérant que celui-ci avait rompu l'obligation post-contractuelle de non affiliation en devenant membre d'un autre réseau de cuisines, et considérant qu'il avait organisé de violer l'obligation d'approvisionnement du réseau Aviva algérien auprès du franchiseur, en distribuant par les magasins Aviva des cuisines acquises en réalité auprès du fournisseur allemand par la société Arche, qu'il contrôle par ailleurs, dans le but de frauder le franchiseur de ses droits à redevance.

Par ordonnance du 17 juin 2017, le tribunal de grande instance d'Annecy s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement du 25 janvier 2017 le tribunal de commerce d'Annecy a ouvert la liquidation judiciaire de la société Arche.

Le 6 mars 2017 M. Jean B., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, est intervenu volontairement à l'instance.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 6 novembre 2017, le tribunal de commerce de Lyon a :

Donné acte à M. Jean B., administrateur judiciaire, de son intervention à l'instance, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche ;

Déclaré « irrecevable, prescrite et non fondée la demande en nullité du contrat de master-franchise Aviva formulé par la société ETI, Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche, M. Khaled Youcef S. de leur demande de résolution du contrat du 26 novembre 2008 » ;

Débouté la société ETI, M. Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche, M. Khaled Youcef S. de leur demande de résolution du contrat du 26 novembre 2008 ;

Constaté la résiliation du contrat de master-franchise, prenant effet au 26 mai 2004, aux torts exclusifs de la société ETI du fait de fautes graves ;

Dit que la résiliation ne constitue pas une rupture brutale des relations commerciales entre la société Ava et la société ETI ;

Dit que la rupture des relations commerciales est intervenue de bonne foi ;

Rejeté les demandes indemnitaires de la société ETI, M. Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche, M. Khaled Youcef S. ;

Condamné la société ETI à payer à la société Ava la somme de 140 184 euros en réparation du préjudice né de la résiliation du contrat de master-franchise aux torts et griefs du master-franchisé ;

Dit qu'il n'y a pas lieu de condamner in solidum M. Khaled S. et la société Arche ;

Déboute la société Ava de sa demande de remboursement par la société ETI de redevances prétendument détournées ;

Condamné la société ETI à payer la somme de 80 000 euros à la société Ava au titre du préjudice né de la violation de la clause de non-affiliation ;

Donné acte à M. S. que la société ETI ne s'opposera pas au transfert gracieux du nom de domaine www.Aviva-algerie.com ;

Dit que M. S. devra procéder à ce transfert au plus tard dans le mois de la décision à intervenir ;

Débouté la société ETI, M. Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche, M. Khaled Youcef S. de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamné la société ETI, M. Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche, M. Khaled Youcef S., à verser à la société Arche une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé l'exécution provisoire ;

Dit que les dépens doivent être supportés par la société ETI, M. Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche, M. Khaled Youcef S..

Par déclaration au greffe du 24 novembre 2017, la société ETI a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 6 novembre 2017.

M. B. ès qualités et M. Khaled S. ont été appelés en intervention forcée par la société AVA.

Par ordonnance du 16 avril 2019, le conseiller de la mise en état de la présente chambre a dit irrecevables comme tardives les conclusions des 17 janvier et 19 mars 2019 de M. B. ès qualités et de M. S., sur le fondement de l'article 910 du code de procédure civile qui impartit à l'intervenant forcé à l'instance d'appel un délai de trois mois pour déposer ses conclusions au greffe, à compter de la date à laquelle la demande d'intervention forcée à son encontre lui a été notifiée.

Vu les dernières conclusions de la société ETI, déposées et notifiées le 11 février 2021, demandant à la cour d'appel de Paris de :

Infirmer le jugement entrepris ;

Débouter la société Ava de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Vu les dispositions de l'article 1128 du Code civil ;

Dire qu'en stipulant la mise en œuvre d'une franchise rémunérée par des redevances en Algérie, en contravention avec la loi algérienne, le contrat du 26 Novembre 2008 a manqué d'un objet possible et encourt l'annulation ;

Vu les dispositions de l'article 1131 du code civil ;

Dire qu'en stipulant le paiement de redevances de franchise, sans transmettre aucun des éléments présentés comme constitutifs du savoir-faire (pas de sélection des produits en fonction du marché, pas de plan de communication soutenu, pas de technique de vente personnalisée, pas d'aide à l'implantation, pas de négociation des conditions d'approvisionnement, pas de fourniture d'une solution informatique performante, complet mépris de la déontologie et des valeurs humaines), ni délivrer les prestations promises (pas de fourniture d'un modèle de distribution juridiquement pérenne, pas de mise à disposition d'une marque notoire en Algérie, pas de formation sur site, pas d'aide à l'ouverture de nouveaux points de vente, pas d'assistance), le contrat du 26 Novembre 2008 a manqué de cause et encourt l'annulation ;

Dire que la société Ava a admis l'absence de contrepartie en accordant une remise exceptionnelle de 3 %, équivalente au montant de la redevance de 3 % ;

Dire que la suppression de ce dispositif en 2012 a remis la société ETI en situation contester la validité du contrat et ouvert un nouveau délai de prescription ;

En conséquence, prononcer l'annulation du contrat de master-franchise du 26 Novembre 2008 ;

Condamner la société Ava à payer à la société ETI les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

177 476,37 euros au titre des redevances encaissées par la société Ava ;

678 779 euros au titre du détournement de l'organisation mise en place en Algérie ;

Ordonner à la société Ava de justifier précisément des rémunérations reçues de la société Nobilia en rapport avec le volume d'affaires réalisé par la société ETI pendant la durée du contrat ;

Subsidiairement et vu les dispositions de l'article 1184 du code civil ;

Dire qu'en s'abstenant de transmettre aucun des éléments présentés comme constitutifs du savoir-faire (pas de sélection des produits en fonction du marché, pas de plan de communication soutenu, pas de technique de vente personnalisée, pas d'aide à l'implantation, pas de négociation des conditions d'approvisionnement, pas de fourniture d'une solution informatique performante, complet mépris de la déontologie et des valeurs humaines), ni délivrer les prestations promises (pas de fourniture d'un modèle de distribution juridiquement pérenne, pas de mise à disposition d'une marque notoire en Algérie, pas de formation sur site, pas d'aide à l'ouverture de nouveaux points de vente, pas d'assistance), la société Ava n'a pas exécuté le contrat du 26 Novembre 2008 ;

En conséquence, prononcer la résolution du contrat de master-franchise du 26 Novembre 2008 ;

Condamner la société Ava à payer à la société ETI les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

177 476,37 euros au titre des redevances encaissées par la société Ava ;

678 779 euros au titre du détournement de l'organisation mise en place en Algérie ;

Ordonner à la société Ava de justifier précisément des rémunérations reçues de la société Nobilia en rapport avec le volume d'affaires réalisé par la société ETI pendant la durée du contrat ;

Subsidiairement et vu les dispositions des articles 1134 et 1135 du code civil ;

Dire que le défaut de signature de contrats de franchise en Algérie n'est ni fautif, ni surprenant, que le défaut de délivrance d'une information précontractuelle aux distributeurs algériens n'est pas fautif, que la société ETI n'a pas manqué à l'obligation de coopération, qu'elle n'a pas manqué à l'obligation de désigner un animateur/formateur, qu'elle n'a pas manqué à l'obligation de paiement de la redevance, que les griefs tenus à la société Arche et à M. S. ne sont pas fondés, que la résiliation a été mise en œuvre de mauvaise foi, la société Ava débauchant le correspondant local de la société ETI et détournant son réseau de distribution local, que les effets de la résiliation ont été amplifiés de façon malveillante;

En conséquence, dire et juger que la résiliation notifiée le 26 Mai 2014 a été mise en œuvre de manière abusive ;

Condamner la société Ava à payer à la société ETI les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

177 476,37 euros au titre des redevances encaissées par la société Ava ;

678 779 euros au titre du détournement de l'organisation mise en place en Algérie ;

328 166 euros au titre du gain manqué ;

Ordonner à la société Ava de justifier précisément des rémunérations reçues de la société Nobilia en rapport avec le volume d'affaires réalisé par la société ETI pendant la durée du contrat.

Vu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1382 du code civil ;

Dire que la société Ava a brutalement rompu la relation commerciale entretenue avec la société ETI depuis le 1er Mai 2004, sans justifier de l'inexécution par la société ETI de ses obligations ;

Condamner la société Ava au paiement d'une somme de 328 166 euros, au titre du préavis dont elle a été abusivement privée ;

Dire qu'en tirant avantage de la brutalité de la rupture pour détourner l'organisation que la société ETI Avait mise en place en Algérie, la société Ava a commis une faute ;

En conséquence, condamner la société Ava au paiement d'une somme de 328 166 euros à titre de dommages et intérêts ;

Vu les dispositions de l'article 1993 du Code civil et de l'article L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution.

Dans tous les cas, ordonner Avant dire droit à la société Ava de communiquer le détail de toutes les rémunérations qu'elle a reçues de fournisseurs de la société ETI du 26 Novembre 2008 au 26 Mai 2014 ;

Assortir sa décision d'une astreinte de 5 000 euros par jour, courant à l'expiration d'un délai de quarante-huit heures après la signification de l'arrêt ;

Vu les dispositions des articles 1147 et 1383 du Code civil.

Dans tous les cas et à titre de complément de dommages et intérêts, ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais Avancés de la société Ava et dans la mesure de 10 000 euros, dans les quotidiens LES ECHOS et LE PROGRES en France, et EL WATAN en Algérie ;

Dire que la société Ava ne démontre pas que la société ETI se soit effectivement réaffiliée dans l'année qui a suivi la résiliation ;

En tout état de cause, dire qu'en étendant l'interdiction à l'ensemble du territoire algérien, sans justifier qu'une telle interdiction soit proportionnelle à la nécessité de protéger un savoir-faire substantiel, secret et transmis, la clause de l'article 23 encourt la nullité ;

Dire que la société ETI n'a pas fautivement utilisé son site Internet après la rupture et que le nom de domaine www.Aviva-algerie.com est disponible ;

En application des dispositions des articles 1153.1 et 1154 du Code civil, assortir ces différentes condamnations de la production d'intérêts et de leur capitalisation, à compter du 29 avril 2015, date de l'assignation ;

Condamner la société Ava au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Ava déposées et notifiées le 28 novembre 2020, il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 6 novembre 2017 entrepris en ce qu'il a :

Déclaré irrecevable, prescrite et non fondée la demande en nullité du contrat de master-franchise Aviva formulée par la société ETI, Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche et M. S. ;

Débouté la société ETI, Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche et M. S. de leur demande de résolution du contrat du 26 novembre 2008, et de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Constaté la résiliation du contrat de master-franchise avec effet au 26 mai 2014 (et non 2004 comme le précise par erreur le dispositif du jugement) aux torts exclusifs de la société ETI du fait de fautes graves ;

Jugé que cette résiliation ne constitue pas une rupture brutale de relations commerciales entre la société Ava et la société ETI ;

Dit que la rupture des relations commerciales est intervenue de bonne foi ;

Rejeté les demandes indemnitaires de la société ETI, de Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ARCHE et de M. S.

Condamné la société ETI à payer la somme de 80 000 euros à la société Ava au titre du préjudice né de la violation de la clause de non-affiliation ;

Jugé que M. S. devra procéder au transfert du nom de domaine www.Aviva-algérie.com au plus tard dans le mois du jugement ;

Condamné la société ETI au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Prononcé l'exécution provisoire ;

- L'infirmer pour le surplus ;

Recevoir l'appel incident de la société Ava à l'encontre de la société ETI,

Recevoir l'appel provoqué de la société Ava à l'encontre de M. S. et de M. Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche ;

Les déclarer fondés, et statuant à nouveau ;

Condamner in solidum la société ETI, M. Khaled S. et Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche à payer à la société Ava la somme de 68 473 euros, au titre de la régularisation du montant des redevances de master-franchise suite au détournement des commandes de marchandises, cette somme étant pour la société Arche fixée à son passif ;

Condamner in solidum la société ETI, M. Khaled S. et Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche à payer à la société Ava la somme de 359 748 euros en réparation du préjudice né de la résiliation du contrat de master-franchise aux torts et griefs exclusifs du master-franchisé et de ses complices, cette somme étant pour la société Arche fixée à son passif ;

Condamner in solidum la société ETI, M. Khaled S. et Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche à payer à la société Ava la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice moral, cette somme étant pour la société Arche fixée à son passif ;

- En toute hypothèse :

Débouter la société ETI, M. Khaled S. et Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner la société ETI, M. Khaled S. et Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche à payer chacun à la société Ava la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, cette somme étant pour la société ARCHE fixée à son passif ;

Condamner la société ETI, M. Khaled S. et Maître Jean B. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arche en tous les dépens de la première instance et d'appel.

SUR CE

LA COUR

- Sur la nullité du contrat du 26 novembre 2008

Dans le jugement entrepris, le tribunal a retenu la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la société ETI contre le contrat du 26 novembre 2008.

La société ETI considère au contraire qu'elle est recevable à demander l'annulation du contrat du 26 novembre 2008. Elle soutient que c'est de manière erronée que le tribunal de commerce a considéré la date de signature comme point de départ de la prescription, prenant à tort le parti d'ignorer les incidents qui ont émaillé l'exécution de ce contrat. En effet, l'appelante argue que conformément à l'article 2240 du Code civil, l'interruption est définitive, à la différence de la suspension, la prescription n'étant acquise désormais qu'au terme d'un nouveau délai de cinq années. En l'espèce, la société ETI fait valoir qu'elle a dénoncé l'absence de contrepartie les 7 et 9 Octobre 2009, dix mois seulement après la conclusion du contrat. La difficulté est réapparue lorsque le 27 Juin 2012, la société AVA a décidé de supprimer le bénéfice de l'aide de 3 % et de rétablir par conséquent la rémunération nette des services qu'elle ne rendait pas et n'avait jamais prévu de rendre. Ce fut le point de départ d'un nouveau délai de la prescription quinquennale, qui n'était pas expiré lorsqu'au mois d'Octobre 2015 et par voie d'exception, la société ETI a dénoncé la nullité du contrat.

De plus, contrairement à ce que l'intimée soutient, la société ETI considère que l'exécution non dépourvue d'équivoque n'emporte aucune confirmation. En l'espèce, la société Ava ne justifierait pas de l'exécution paisible et dépourvue d'équivoque du contrat conclu le 26 Novembre 2008, alors qu'elle a, au contraire suscité la contestation formelle de la société ETI à l'automne 2009.

Enfin, la société ETI soutient que l'exécution d'un contrat dont l'objet est illicite n'est pas susceptible de confirmation. Dès lors, la mise en œuvre d'un réseau de franchise en Algérie, matérialisé par la rédaction d'un contrat de franchise et sa signature par des franchisés, n'a strictement jamais reçu d'exécution et n'a donc pas pu se prescrire.

Selon la société Ava, la demande en nullité de la société ETI est irrecevable et prescrite. En effet, la société Ava rappelle que c'est la connaissance initiale du prétendu vice qui détermine le point de départ de la prescription. En effet, il ne faut pas considérer que le point de départ se situe au 27 juin 2012, car les avenants ne constituent pas des reconnaissances de dette du franchiseur à l'égard du master interrompant le délai de prescription. Cela exclut radicalement l'application de l'article 2240 du code civil. Il ne s'agissait pas pour le franchiseur d'une quelconque reconnaissance d'un vice du contrat, ni a fortiori de sa nullité. Dès lors, la société Ava soutient que, le point de départ du délai de prescription se situe donc bien en octobre 2009. La société Ava ajoute que l'exécution volontaire d'un contrat par un débiteur emporte sa confirmation au sens des dispositions de l'article 1338 du Code civil (ancien). Donc, cela interdit à la société ETI de se prévaloir de quelconques griefs puisque celle-ci a exécuté volontairement le contrat de master-franchise litigieux. En effet, la société ETI a exécuté le contrat de master-franchise pendant près de 7 ans à compter de sa signature et plus de 6 ans à compter de la découverte de sa prétendue absence de cause. L'exception de nullité soulevée par l'appelante est donc irrecevable.

Sur ce, la Cour retiendra ce qui suit.

Le contrat argué de nullité a été conclu le 26 novembre 2008.

Il est constant que la prescription de l'action en nullité est quinquennale.

A supposer que la société ETI, ainsi qu'elle le soutient, ne se soit rendue compte de l'existence des motifs de nullité qu'elle allègue qu'au mois d'octobre 2009, alors qu'il est constant qu'elle a excipé pour la première fois de la nullité du contrat dans des conclusions en réponse du mois 5 octobre 2015, soit plus de 5 ans après cette date, la Cour ne peut néanmoins retenir que le délai de prescription a été interrompu jusqu'au 27 juin 2012.

En effet, contrairement à ce que soutient la société ETI, le courriel du 10 décembre 2009 qui, comme suite aux plaintes du master-franchisé qui avait demandé le remboursement des redevances déjà payées et la suppression des redevances, a accordé un certain nombre d'avantages, dont une remise exceptionnelle de 3 % pour l'année 2010, mentionne expressément le refus d'accéder à la restitution de la redevance versée et à la suppression de cette redevance pour l'avenir. Dans ce courriel, le franchiseur rappelle d'ailleurs le caractère contractuel et l'exigibilité de la redevance en vertu de ce contrat et de la loi française, tout en refusant également de donner satisfaction au master-franchisé quant au montant de facturation des dongles et quant au déblocage des amortissements Nobilia, dernier point à propos duquel le franchiseur a indiqué avoir pris la décision de cesser de pratiquer un avantage qu'il avait consenti à ce titre et de revenir au principe appliqué aux autres franchisés, à savoir, notamment, le règlement des factures Ava à réception, alors que jusqu'à présent le franchiseur indique qu'il avait tenu compte des retards récurrents de paiement du master-franchisé.

La société ETI soutient vainement, au regard de ce dernier courriel et de celui du franchiseur au master-franchisé du 27 juin 2012, qu'en consentant cet avenant, qui a été renouvelé en 2011 de manière temporaire et maintenu jusqu'au 30 juin 2012 date à laquelle il a pris fin, que la société Ava aurait reconnu le droit du master-franchisé à la nullité du contrat, à cause de cette remise exceptionnelle de 3 % venant effacer la redevance. Au contraire, en présence des précisions apportées par ce courriel, le master-franchisé, qui a continué à exploiter l'enseigne entre 2010 et juin 2012, est loin de rapporter la preuve que le franchiseur n’aurait jamais définitivement renoncé au droit à rémunération stipulé par les parties. La renonciation à un droit doit être dépourvue d'équivoque, ce qui n'est pas même le cas en l'espèce puisqu'il n'y a eu aucune raison de penser que le franchiseur avait pu vouloir y renoncer définitivement.

Ainsi, non seulement le délai de prescription de l'action en nullité n'a-t-il pas été interrompu par quelque reconnaissance que ce soit du droit du master-franchisé - si bien que la prescription de l'action du master-franchisé en nullité du contrat est acquise au franchiseur - mais encore le contrat litigieux a-t-il été exécuté dès avant le mois d'octobre 2015, date à laquelle l'exception de nullité a été soulevée en justice par le master-franchisé, si bien qu'est impossible en l'espèce toute survie jusqu'à cette date de l'exception de nullité au bénéfice du master-franchisé.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la société ETI était irrecevable en sa demande en nullité du contrat de master-franchise.

- Sur la résolution du contrat aux torts du franchiseur

A l'appui de la demande en résolution du contrat de master-franchise, la société ETI fait valoir les mêmes moyens que ceux qu'elle a développés à l'appui de la nullité pour absence de cause, à savoir :

En premier lieu la société ETI soutient qu'il n'y avait pas de modèle de distribution pérenne en ce que :

- le type de contrat qui échange un savoir-faire contre une redevance contrevient à l'interdiction du paiement de telles redevances à un franchiseur étranger ;

- le franchiseur n'a pas transmis le savoir-faire qui faisant la contrepartie de l'obligation de payer la redevance, faute de preuve d'une expérience réussie en Algérie, faute de sélection des produits en fonction du marché, faute de plan de communication annuel ;

- faute de transmission d'une technique de vente personnalisée ;

- faute de maîtrise de l'implantation de l'aménagement et de l'ouverture du point de vente du franchisé ;

- faute de négociation de la transmission d'un savoir-faire en matière de condition d'achat auprès du fournisseur Nobilia ;

- faute de fourniture d'une solution informatique performante ;

- faute de respect de la déontologie et des valeurs humaines ;

- faute de mise à disposition ni d'une marque jouissant d'une notoriété, ni d'une formation du master-franchisés ou des franchisés locaux ;

- faute d'aide à la l'ouverture de nouveaux points de vente ;

- faute d'assistance dans la lutte dans la concurrence déloyale de la société Nobilia au travers de son enseigne Ixina ;

- faute d'information précontractuelle ;

- en ce que la prétendue absence d'obligation à la charge du franchiseur confirme le défaut de cause alors qu'il incombe au master-franchisé de prouver s'être acquitté de ses obligations.

Sur ce la Cour retiendra ce qui suit.

Alors qu'il est établi par un article de presse spécialisé que de nombreux réseaux de franchise étaient déjà développés en Algérie depuis plusieurs années au moment de la conclusion du contrat litigieux (Guy D., Geneviève L., Celio et Etamet) le contrat litigieux précise qu'il est régi par le droit français, alors qu'il n'est nullement démontré qu'un tel contrat serait contraire au droit algérien au moyen que la réglementation des changes empêche de rémunérer une prestation intellectuelle par le transfert des capitaux hors du pays.

D'ailleurs, le fait que la franchise ne soit pas réglementée par le droit algérien ne suffit pas à établir que ce contrat y est illicite et inexécutable. En effet, la société ETI expose elle-même dans ses conclusions que, pour surmonter les difficultés nées de la réglementation des changes, l'organisation juridique du master-franchisé a trouvé, dès avant le contrat litigieux de 2008, une « solution » à ce problème par des contrats relatifs à l'exploitation de points de vente exploités par des tiers (cf. conclusion société ETI p. 3), solution qui a été aménagée à l'occasion du contrat litigieux, par le recours à la société Cuisinelec s'interposant entre la société ETI et les points de vente.

Le moyen est donc sans conséquence au plan de la responsabilité contractuelle.

Par ailleurs, il est établi que dès avant le contrat litigieux de 2008, l'enseigne Aviva était connue en Algérie grâce aux magasins déjà ouverts par M. S..

L'article 4 du contrat litigieux définit le savoir-faire du franchiseur par :

- des produits « cœur de marché » pour démocratiser la cuisine de qualité avec une gamme étudiée à la plus grande part du marché ;

- un plan de communication annuel très soutenu s'appuyant sur un mix-media, une signalétique, une PLV et des animations en magasin ;

- une personnalisation efficace et pédagogique des techniques de vente pour le recrutement de vendeurs non expérimentés dans le domaine des cuisines ;

- l'aptitude à faciliter : l'implantation, l'aménagement et l'ouverture du point de vente du franchisé, la préparation et le choix des collections annuelles et des expositions en magasin ;

- la négociation auprès des fournisseurs des conditions d'achat ;

- un système informatique adapté aux techniques de vente, dans le cadre d'un contrat de licence de logiciel déjà signé par le franchisé incluant une actualisation permanente des catalogues de la collection Aviva et des techniques de vente, le rôle du franchiseur se limitant à la formation initiale d'un informaticien recruté par le franchisé et à la communication au master-franchisé de fichiers informatiques tels que réalisés pour les franchisés en France ;

- une déontologie stricte fondée sur le respect à l'égard de tous ;

- une mise en avant des valeurs humaines au sein du réseau et à l'égard du consommateur.

La Cour retient que le développement du réseau dans le cadre du contrat litigieux, qui a permis de passer de 4 villes d'implantation à 14 villes, avec 5 magasins à Alger, démontre à soi-seul l'effectivité du savoir-faire du franchiseur, étant observé que :

- bien que nulle étude de marché ne soit produite, le défaut de sélection allégué des produits n'est pas démontré, le choix d'adopter globalement les positionnements de la gamme pour la France au niveau de vie algérien ne pouvant être tenu pour une inexécution contractuelle ;

- alors que la communication visée au plan ne peut se réduire au mix-media, puisqu'elle vise expressément la PLV (publicité sur lieu de vente) et la signalétique, il doit être retenu que le master-franchisé a bien reçu ces derniers éléments, notamment eu égard aux courriels du 16 mai 2011, pour en faire profiter les différents points de vente, de sorte que nulle inexécution du contrat suffisamment grave pour entraîner sa résolution n'est caractérisée en l'espèce, d'autant que rien n'indique, en présence du service de communication du franchiseur - dont il est démontré qu'il a tenté plusieurs fois de joindre M. S. sans succès - que le master-franchisé ait été en désaccord sur ce point avec le franchiseur avant la présente instance ; le courriel de M. S. du 4 décembre 2009 qui liste les sujets des différends entre les parties mentionne seulement la demande de la visite régulière d'un formateur Aviva en animations en magasin pour former un animateur locaux qui le remplacera à terme ; or, sur ce point, les courriels échangés entre les parties font état de l'accueil d'un candidat animateur - dont le recrutement incombe expressément au master-franchisé selon le contrat - dans un magasin en France et le défaut allégué de formation spécifique apportée à ce candidat est combattu valablement par le franchiseur qui répond - sans enfreindre son obligation de moyen - qu'il est nécessaire de former préalablement l'animateur aux techniques de vente avant de réaliser la formation spécifique à l'animation ;

- rien ne prouve que l'absence alléguée de personnalisation des techniques de vente soit caractérisée par le fait de l'absence d'une « technique de vente secrètement élaborée par le franchiseur », dont rien ne démontre que cela était un moyen nécessaire pour remplir l'obligation contractuelle du franchiseur ;

- par courriel du 21 mai 2009, le franchiseur a proposé un plan de formation formalisé et sérieux de 7 semaines pour un animateur/formateur et il n'est pas démontré que le master-franchisé ait été intéressé pour l'accepter alors que dans le cadre de la présente instance il affirme que M. Tarik S. seul s'est vu proposé de venir travailler une semaine dans un magasin de l'enseigne en banlieue lyonnaise en 2010, omettant que M. S. avait mentionné (dans un courriel du 27 novembre 2009) une autre expérience pour un animateur/formateur en 2008 ;

- les manquements contractuels relatifs à la communication ne sont donc pas démontrés ;

- si le master-franchisé, qui ne saurait opposer valablement qu'il n'avait pas vocation à exploiter directement un point de vente, affirme n'avoir jamais bénéficié d'aucun savoir-faire du franchiseur pour l'aide à l'implantation des points de vente, ni les courriels du 29 juin 2009 échangés entre les parties au sujet de l'ouverture du magasin de Bordj, ni la circonstance que le master-franchisé ait choisi de gérer les chantiers à distance pour s'assurer de la conformité à l'image de la marque ne permettent de retenir qu'un manquement contractuel découlerait du défaut de déplacement en Algérie pour l'aide à l'implantation des magasins ; s'agissant du prétendu échec du magasin de Bordj, il est procédé par affirmation sans démonstration ;

- nonobstant le fait que le master-franchisé ait assuré directement avec le fournisseur Nobilia une part des négociations sur les conditions d'approvisionnement en Algérie, le master-franchisé et le réseau algérien ont malgré tout bénéficié des conditions générales de vente négociées par le franchiseur ;

- contrairement à ce qui est soutenu, la lettre du 9 juillet 2014 adressée par Nobilia à M. S. prouve bien que jusqu'à cette date la société ETI bénéficiait avant la résiliation des conditions d'achat négociées par le franchiseur avec le fournisseur ;

- contrairement à ce qui est soutenu, le jugement entrepris ne retient pas que la négociation de l'approvisionnement auprès du fournisseur franchisé incomberait au franchisé, les premiers juges relevant en réalité que le contrat n'oblige pas le franchiseur à prendre en charge l'approvisionnement des marchandises vendues par la société ETI aux magasins Aviva en Algérie ;

- compte tenu de la limitation contractuelle expresse déjà indiquée, s'appliquant à l'obligation du franchiseur au titre de la transmission du savoir-faire en matière de solution informatique, les griefs formés à ce titre par la société ETI ne sont pas justifiés ;

- le différend entre les parties concernant le caractère justifié ou non de la résiliation par le franchiseur n'est pas de nature à démontrer l'absence alléguée de respect par celui-ci de la déontologie et des valeurs humaines ;

- il résulte de ce qui précède, ainsi que des motifs du jugement entrepris non contradictoires avec le présent arrêt, que parmi les griefs formés contre le franchiseur, ni le défaut de mise à disposition de marque jouissant de notoriété, ni le défaut de formation à l'issue de la formation initiale dont le master-franchisé a été dispensé contractuellement, ni le défaut d'assistance à l'ouverture des points de vente, ni le défaut d'assistance ne sont démontrés ;

- s'agissant du prétendu défaut d'assistance, nul manquement ne résulte en l'espèce du la réaction du franchiseur face au prétendu comportement prédateur de Nobilia et de l'enseigne Ixina, étant observé qu'au mois de septembre le master-franchisé avait décrit des suspicions (« Il semble que Tarik négocie avec Nobilia... »), qu'au mois de novembre 2011 M. S. mentionnait sans le communiquer un courriel de M. B. étayant les accusations de « coup bas » porté à l'enseigne Aviva sur le sol algérien et déclarant qu'il se tenait à disposition pour réagir sur le plan juridique en Algérie, qu'au mois de juillet 2012 M. S. écrivait que le changement d'enseigne avait été proposé par une personne dénommée au magasin de Riadh et qu'il demandait une intervention du franchiseur « avant que cela ne dégénère », ce à quoi celui-ci avait répondu par retour que la situation était « intolérable » en effet, tout en sollicitant des éléments de preuve sous forme d'attestations, insistant également pour obtenir les contrats signés, tous éléments demandés légitimement et que la société ETI ne justifie pas avoir transmis, de sorte que l'obligation de moyen à charge du franchiseur n'a pas été violée.

En conséquence, c'est vainement que la société ETI fait valoir à l'appui de la responsabilité contractuelle du franchiseur les moyens qu'elle a développés à l'appui de la nullité du contrat.

En outre, si le contrat de master-franchise énonce (article 4.2) que le master franchisé connaît déjà parfaitement le savoir-faire Aviva qu'il a exploité après transmission puisqu'il est déjà franchisé Aviva, cela ne fragilise en rien le lien contractuel, en ce que la société ETI, au contraire, a ainsi reconnu son lien privilégié avec les époux S., en considération duquel les premières franchises sur le sol algérien avaient été consenties par la société Ava.

S'agissant de l'obligation de formation, il résulte clairement du contrat (article 9.1) que nonobstant la dispense de formation initiale, le franchiseur avait souscrit l'obligation d'assurer une formation en Algérie sur les méthodes commerciales et le management pendant 10 jours, étant précisé par le renvoi exprès à l'article 15.2 du même contrat que cette formation était payante et que, selon ses propres écritures, la master-franchisé dénie à tort son obligation de paiement. Or, le franchiseur justifie avoir été d'accord pour organiser cette formation selon compte rendu de rendez-vous du 7 janvier 2010 qui définit le travail préparatoire des préposés du master-franchisé et qui en fixe les délais d'accomplissement, au plus tard le 7 février 2010. Cependant, le master-franchisé ne justifie pas de sa collaboration nécessaire pour remplir ces objectifs de recueil d'information ; il est par conséquent mal fondé à se plaindre d'une inexécution contractuelle à cet égard.

S'agissant de la prétendue violation de l'obligation précontractuelle d'information de l'article L. 330-3 du code de commerce, étant rappelé que la violation de cette obligation ne suffit pas à entraîner la résolution du contrat, la Cour précise qu'en présence du contrat de master-franchise, qui constitue le dernier état de la volonté des parties et qui énonce que le master-franchisé a reçu une information précontractuelle exhaustive incluant celle requise en application de l'article du code de commerce ci-avant cité, le master- franchisé, qui ne justifie en l'espèce d'aucun vice du consentement, d'aucun dol ni d'aucun dommage né en l'espèce du prétendu défaut de délivrance de l'information conforme, se trouve non seulement hors les conditions d'une action en nullité mais encore mal fondé en sa demande en résolution du contrat à cause de cette prétendue violation.

En définitive le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société ETI de sa demande en responsabilité contractuelle pour inexécution des obligations du franchiseur.

- Sur la résiliation du contrat aux torts du franchisé

C'est par de justes motifs que la Cour adopte et contre lesquels aucun moyen n'est valablement soutenu que les premiers juges ont retenu que la résiliation du contrat de master-franchisé à laquelle la société Ava a procédé par lettre prenant effet au 26 mai 2014 (et non au 26 mai 2004 comme indiqué par le tribunal à cause d'une erreur matérielle) était justifiée par les graves manquements contractuels du franchisé pour, notamment, la violation de l'article 7 du contrat pour défaut d'information préalable du franchiseur et défaut de signature par celui-ci du contrat pour chaque ouverture d'un nouveau magasin. A cet égard, il est constant que nul DIP n'a été régularisé avec les juniors-franchisés et qu'aucun contrat conclu avec le junior-franchisé n'a été davantage transmis au franchiseur, ce en dépit des prévisions précises du contrat, telles l'article 18.2 qui réglemente le contenu du contrat à l'égard des « franchisés finals ».

Le master-franchisé échoue à rapporter la preuve d'une renonciation du franchiseur au contrat écrit avec les juniors-franchisés tel que prévu par le contrat de master-franchise.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société ETI, qui a pris la responsabilité contractuelle de développer un réseau de franchise en Algérie dont il devait être responsable à l'égard du franchiseur comme à l'égard des franchisés finals, il n'est nullement prouvé qu'il était impossible de conclure des contrats de franchise entre le master-franchisé et les juniors-franchisés, selon droit français et la 'loi Doubin' stipulée expressément applicable. Alors que le franchiseur n'a pas contracté d'obligation pour établir le contrat de franchise à intervenir entre le master-franchisé et les juniors-franchisés, la société ETI admet n'avoir fait signer aucun contrat, si bien que les obligations prévues par le contrat de master-franchise, dont l'engagement de confidentialité des juniors-franchisés, n'ont pas été matérialisées, au mépris de toute sécurité juridique concernant la protection du réseau, l'image de la marque Aviva et la société ETI ne se réfugie vainement derrière le fait qu'elle aurait envoyé un projet de contrat en février 2013 au master-franchisé qui ne l'aurait pas approuvé.

Le prétendu manquement du franchiseur à fournir le DIP au master-franchisé s'agissant de la signature du contrat de master-franchise est sans emport sur l'obligation de ce dernier de fournir un tel document à ses juniors-franchisés. Les interrogations de M. S. sur la nature la plus appropriée du contrat à mettre en œuvre n'a pas aboli les obligations souscrites jusqu'à éventuel aménagement du dispositif et la mauvaise foi du franchiseur dans l'exigence d'obtenir les contrats n'est pas démontrée.

Les violations graves et répétées de ces obligations contractuelles malgré les demandes répétées de transmettre les contrats conclus avec le juniors-franchisés et au prétexte soutenu de mauvaise foi a posteriori qu'il était impossible de mettre en œuvre un contrat de franchise en Algérie, constituent des graves manquements contractuels ayant des effets irréversibles justifiant la résiliation du contrat aux torts exclusifs du master-franchisé, ce à effet immédiat en vertu de la clause résolutoire de l'article 21 du contrat de master-franchise.

Cependant, il n'est nullement démontré que le franchiseur aurait mis en œuvre la clause de résiliation anticipée de mauvaise foi.

Par conséquent la société ETI sera déboutée de toutes ses demandes au titre de la responsabilité contractuelle, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

- Sur la violation de l'obligation d'approvisionnement

Les moyens soutenus par la société Ava au soutien de son appel incident relatif à la violation par la société ETI de son obligation d'approvisionnement ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

En particulier, les premiers juges doivent être approuvés d'avoir estimé qu'il n'était pas démontré en fait que la société ETI avait artificiellement diminué le montant de ses redevances en approvisionnant les magasins Aviva par des commandes passées par la société Arche auprès du fournisseur Nobilia.

Ni la présence dans les locaux de la société Cuisinelec, centrale d'achat, de marchandises commandées par la société Arche, laquelle pouvait pour elle-même s'approvisionner pour des activités indépendantes de celle des magasins Aviva algériens, ni l'indication de la provenance d'une photographie de cuisine utilisée pour la promotion du site immobilier « Bordj El Afak », ni les affirmations de la société Ava sur l'évolution du nombre de magasins dépendant de la société ETI ou sur l'évolution du chiffre d'affaires de la société Arche, ne suffisent à prouver une fraude aux droits à redevance du franchiseur qui serait imputable à la société ETI, à la société Arche ou à M. S.;.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Ava de sa demande sur ce point.

- Sur les autres demandes de la société ETI

Il découle de ce qui précède qu'en raison des violations graves des obligations contractuelles déjà mentionnées, la demande de la société ETI en dommages-intérêts pour le délit de rupture brutale des relations commerciales établies doit être rejetée également.

En l'absence d'anéantissement du contrat, la demande de la société ETI en communication des rémunérations reçues par les fournisseurs est mal fondée et doit être rejetée.

En l'absence de préjudice indemnisable de la société ETI, la demande de publication du présent arrêt, sera rejetée.

La Cour ne s'estime saisie d'aucune demande d'infirmation quant à l'utilisation du site internet www.aviva-algerie.com.

Le jugement entrepris sera en tant que de besoin confirmé sur ces points.

- Sur la violation de la clause de non-réaffiliation

Si la société ETI soutient qu'elle n'a pas violé la clause de non réaffiliation figurant à l'article 23 du contrat au motif que les changements d'enseigne reprochés par le franchiseur ne sont pas intervenus avant le 26 mai 2015, date d'échéance de la fin de l'obligation, le tribunal de commerce doit être approuvé d'avoir retenu sa responsabilité à ce titre.

En effet, la clause n'est pas nulle au regard de l'article L. 341-2 du code de commerce, puisque cette disposition législative ne s'appliquait pas au contrat litigieux conclu avant son entrée en vigueur, retardée à une année après la promulgation de la loi du 6 août 2015, étant observé que la clause est limitée en l'espèce quant au champ d'activité interdite, limitée dans le temps et l'espace et qu'elle est proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur.

Il n'est pas valablement soutenu en particulier que la clause ne serait pas nécessaire faute de savoir-faire substantiel, puisqu'il a été jugé au contraire que ce savoir-faire est réel et mérite protection.

Or, la clause de non-réaffilation apparaît proportionnée au but poursuivi, dès lors qu'il est établi que la société ETI aurait pu continuer l'activité sous sa propre enseigne pendant une année, sans pour autant faire bénéficier un réseau d'enseigne concurrent, auquel elle a adhéré, du savoir-faire qu'elle avait acquis grâce à Aviva.

Or, il est établi par une copie d'écran et une lettre recommandée du conseil de la société HBG Finance propriétaire des marques Aviva que, dès avant le mois de mars 2015, la société ETI avait publié l'annonce du changement d'enseigne des magasins Aviva sur le site www.aviva-algerie.com, peu important que cette annonce n'ait pas été accompagnée de la précision quant à la nouvelle enseigne (« Le réseau Aviva Algérie change de nom pour mieux vous servir. Retrouvez-nous très prochainement »). En effet, cette annonce aux consommateurs se double en l'espèce de l'aveu par M. S. de la conclusion d'un accord avec un autre concurrent, l'enseigne Reddy, ce qui résulte d'un courriel du 14 janvier 2015 qui mentionne : « nous avons conclu pour le changement d'adresse avec Reddy ». Bien que l'enseigne ait été en définitive MHK et non Reddy, la violation de l'interdiction de réaffiliation est patente, d'autant qu'il est établi que la marque MHK est distribuée par l'enseigne Reddy Keukens. Il résulte de ce qui précède que nulle photographie ayant date certaine n'est nécessaire en l'espèce pour établir le principe de la violation de la clause de non-réaffiliation par la société ETI.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

- Sur les demandes indemnitaires de la société Ava

S'agissant de l'indemnité de 80 000 euros pour la violation de l'obligation de non réaffiliation, le jugement entrepris sera confirmé en cette évaluation correspondant à 4 magasins qui, sous la responsabilité de la société ETI, ont changé d'enseigne au profit d'une enseigne concurrente, sans laisser le temps à la société Ava de réorganiser le réseau de sa marque Aviva au lieu des magasins concernés, occasionnant ainsi un préjudice justement évalué, constitué par la perte de la possibilité de valoriser localement son savoir-faire, à cause du transfert prématuré de celui-ci à un réseau concurrent.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

S'agissant de la demande en dommages-intérêts de la société Ava pour compensation de la perte des redevances restant à courir, le jugement doit être approuvé d'en avoir retenu le principe et de l'avoir évaluée à la somme de 140 184 euros sur la base du chiffre d'affaire perdu et du montant moyen des redevances de 3 % sur l'année 2013.

En l'absence de contrat entre la société Ava et la société Arche ou M. S. et en l'absence de faute de celui-ci séparable d'une société dont il était le gérant ou de faute la société Arche ayant concouru au dommage, le tribunal doit être approuvé de ne pas les avoir condamnés in solidum avec le master-franchisé.

- Sur le préjudice moral de la société Ava

Il résulte de ce qui précède et au vu de l'absence de preuve qu'il n'est pas établi que le préjudice matériel déjà réparé de la société Ava se soit accompagné d'un préjudice moral de cette même société.

Le jugement, qui sur ce point n'apparaît pas avoir statué, sera complété en ce que la demande au titre du préjudice moral sera rejetée.

- Sur les autres demandes

Pour le surplus, le jugement entrepris sera confirmé, en particulier sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société ETI, en équité, versera à la société Ava une somme complémentaire de 5 000 euros à ce titre.

Elle supportera seule la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à rectifier une erreur matérielle en ce que la résiliation du contrat de master-franchise par la société Ava a pris effet le 26 mai 2014 et non le 26 mai 2004,

Déboute la société Ava de ses demandes au titre du préjudice moral,

Condamne la société Ava à payer à la société ETI une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Condamne la société ETI aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes.