Cass. 3e civ., 23 mai 2013, n° 11-29.011
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
Mme Proust
Avocat général :
M. Bailly
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delvolvé, SCP Fabiani et Luc-Thaler
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 octobre 2011), que, par acte du 5 avril 1995, la société DK Tanche, preneur à bail à construction d'un terrain, a donné à bail commercial divers locaux à la société Karland, aux droits de laquelle est venue la société Services rapides automobiles (la société SRA), dont le capital social est détenu par la société Norauto groupe, qui a acquis ses parts de la société Autodistribution par actes des 30 octobre 2003 et 30 décembre 2003 ; que la société SRA et la société Norauto groupe ont assigné la société DK Tanche en remboursement des travaux de reprise des fondations qu'elles avaient effectués à leurs frais, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ; que la société Autodistribution est intervenue volontairement à l'instance ; qu'en cours d'instance, la société Norauto groupe est devenue la société Mobivia groupe, et la société SRA a été absorbée par la société Norauto France ;
Attendu que les sociétés Autodistribution, Mobivia groupe et Norauto France font grief à l'arrêt de rejeter la demande en remboursement des travaux de reprise, alors, selon le moyen :
1°/ que le bailleur ne peut s'affranchir de son obligation essentielle de délivrance qui lui impose de délivrer au locataire et de maintenir en bon état d'entretien et de réparation un bien conforme à la destination prévue au bail ; que par suite il incombe au bailleur, qui ne peut s'exonérer de cette obligation par une clause de non-recours, de remédier aux défauts structurels de l'immeuble donné à bail ; qu'en l'espèce, comme la cour d'appel l'a relevé, les désordres litigieux avaient pour origine une insuffisance des fondations du bâtiment litigieux ; que ces désordres étaient donc liés à un défaut structurel qu'il appartenait au seul bailleur de réparer ; qu'en considérant néanmoins qu'ils procédaient d'un vice caché, des conséquences duquel le bailleur s'était exonéré, la cour d'appel a violé l'article 1719, ensemble l'article 1720 du code civil ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Autodistribution avait exposé dans ses conclusions du 4 février 2011 que le bailleur ne pouvait s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble, et ce en raison de son obligation de délivrance ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen particulièrement pertinent, dont il se déduisait que la SCI DK Tanche devait être tenue de rembourser les travaux litigieux rendus nécessaires par un vice structurel du bâtiment nonobstant la clause d'exonération de garantie des vices cachés insérée au bail, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à défaut de stipulation contraire des parties, les grosses réparations d'un local donné à bail commercial incombent au bailleur ; que constituent des grosses réparations les travaux de gros oeuvre tels que ceux qui affectent les fondations de l'immeuble ; qu'en l'espèce, comme la cour d'appel l'a elle-même relevé, les désordres litigieux avaient pour origine une rupture des fondations de l'immeuble loué et nécessitaient la reprise du sous-oeuvre ; que de tels travaux constituaient à l'évidence des grosses réparations ; qu'en écartant toutefois cette qualification pour exclure que ces travaux de reprise incombassent au bailleur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 606 du code civil ;
4°/ que l'obligation d'entretien et de réparation qui incombe au bailleur lui impose de rembourser au locataire les réparations indispensables à la jouissance normale des lieux que celui-ci a effectuées de sa propre initiative, dans l'urgence et dans des conditions régulières ; qu'en l'espèce, comme la cour d'appel l'a elle-même relevé, les travaux litigieux étaient urgents et indispensables à préserver l'immeuble de sa ruine et avaient été effectués par le locataire dans des conditions régulières ; qu'en refusant néanmoins d'en mettre le coût à la charge du bailleur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1720 de ce même code ;
Mais attendu que, sauf urgence, le bailleur ne doit rembourser au preneur les travaux dont il est tenu que s'il a été préalablement mis en demeure de les réaliser et, qu'à défaut d'accord, le preneur a obtenu une autorisation judiciaire de se substituer à lui ; qu'ayant relevé que le premier courrier adressé à la société DK Tanche était daté du 19 janvier 2005, alors que la société Norauto groupe avait fait procéder à des sondages par la société Fondasol dès août 2004 et fait exécuter des travaux de consolidation dès octobre 2004, que si les travaux avaient continué après le 19 janvier 2005, il ressortait du courrier du Bureau Veritas du 14 janvier 2005 que la reprise des fondations était organisée dès cette date, sans que le bailleur ait été associé au constat des désordres, à l'identification de leurs causes et au choix ainsi qu'à la mise en oeuvre des travaux nécessaires et que l'instabilité de l'immeuble était mentionnée dans le protocole de cession de parts du 30 décembre 2003, la cour d'appel, qui a pu en déduire que l'urgence n'était pas établie, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.