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Décisions

Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-16.773

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Chevrolet France (SAS), Chevrolet Deutschland GmbH (Sté)

Défendeur :

Automobiles Palau 17 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Paris, Pôle 5 ch. 4, du 20 mars 2019

20 mars 2019

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Chevrolet France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Automobiles Palau 17.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2019), la société Chevrolet France (la société Chevrolet), aux droits de laquelle est venue la société Chevrolet Deutschland GmbH, filiale de la société General Motors Korea (la société GMK), membre du groupe General Motors, était l'importateur en France des véhicules neufs de la marque Chevrolet. Ceux-ci étaient vendus par un réseau de distributeurs indépendants qui assuraient également la vente de pièces de rechange ainsi que le service après-vente en vertu de contrats de réparateurs agréés.

3. La société Automobiles Palau 17 (la société AP 17), spécialisée dans la vente de véhicules automobiles, est membre de ce réseau, bénéficiaire de contrats de distribution de véhicules neufs conclus le 1er juin 2013 pour la Gironde et le 19 novembre 2013 pour Montauban, et d'un contrat de réparateur agréé.

4. Le 5 décembre 2013, la société Chevrolet a informé les distributeurs de son réseau de la décision de la société GMK de cesser les ventes en Europe de l'ouest de véhicules neufs de la marque Chevrolet à partir du 1er janvier 2016.

5. La société Chevrolet a notifié le 11 décembre 2013 à chacun de ses distributeurs, parmi lesquels la société AP 17, la résiliation de leurs contrats de distributeur au 31 décembre 2015, moyennant un préavis contractuel de vingt-quatre mois, en même temps qu'elle les informait d'un programme d'incitation à une résiliation volontaire anticipée.

6. La société AP 17 a refusé de mettre un terme de manière anticipée aux contrats et pris acte de la cessation des relations commerciales avec la société Chevrolet, laquelle a résilié, le 16 octobre 2014, les contrats de distribution qui les liaient.

7. Reprochant à la société Chevrolet d'avoir commis des fautes au cours de l'exécution du préavis, la société AP 17 l'a assignée en résiliation des contrats de distribution à ses torts exclusifs et réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

9. La société Chevrolet Deutschland fait grief à l'arrêt de juger que la société Chevrolet a commis une faute dans l'exécution du préavis de résiliation des contrats passés avec la société AP 17 et de la condamner à lui payer une indemnité au titre de la perte de marge sur les ventes de véhicules neufs et sur les ventes de véhicules d'occasion induites par les ventes de véhicules neufs, alors :

« 1°) que si la résiliation d'un contrat de distribution avec un préavis suppose le maintien de la relation contractuelle jusqu'à son terme aux conditions antérieures, ce principe doit prendre en compte les circonstances particulières tenant notamment à la situation du marché en cause et à la décision de l'importateur de s'en retirer, si bien qu'en retenant, pour condamner l'importateur à indemniser le distributeur, qu'il était tenu de poursuivre l'exécution des contrats pendant le préavis dans les termes de ceux-ci, sans prendre en compte la décision révélant une conjoncture économique défavorable, prise par la société General Motors Company et dont elle a constaté l'existence, d'arrêter les importations et les ventes de véhicules neufs de la marque Chevrolet sur le territoire d'Europe centrale et occidentale en raison des pertes financières accumulées sur ces secteurs, cette décision constituant une circonstance particulière justifiant une adaptation des modalités d'exécution du préavis pour tenir compte de l'intérêt tant des distributeurs que de l'importateur Chevrolet, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) le contrat de distribution est un contrat d'intérêt commun impliquant une coopération étroite entre les parties en vue de la bonne exécution du contrat jusqu'à son terme et à ce titre, impose au distributeur de faire preuve d'adaptation dans une conjoncture économique difficile, de sorte qu'en imputant exclusivement à l'importateur la responsabilité de l'inexécution du préavis contractuel après avoir pourtant constaté que la société AP avait cessé de passer des commandes auprès de la société Chevrolet, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) qu'en vertu des principes gouvernant la charge de la preuve, il appartenait au distributeur d'établir que la baisse de ses ventes était due à la réduction du stock de véhicules disponibles si bien qu'en indemnisant la société AP au titre du préjudice résultant de la chute des ventes de véhicules à partir d'une présomption de lien de causalité entre l'amenuisement du stock de véhicules Chevrolet et la chute des ventes dénoncée par le distributeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, alinéa 1er du code civil devenu l'article 1353, alinéa 1er. »

Réponse de la Cour

10. D'une part, après avoir énoncé qu'un fournisseur peut légitimement arrêter une activité, sous réserve de respecter le préavis contractuel et de l'exécuter loyalement, l'arrêt retient que la seule obligation qui pesait sur la société Chevrolet était de poursuivre l'exécution des contrats jusqu'au terme du préavis, afin de permettre aux concessionnaires, de leur côté, de continuer leur activité jusqu'à cette date. C'est donc à bon droit que la cour d'appel en a déduit que, si l'annonce de l'arrêt de la distribution de la marque rendait le contexte particulier, la société Chevrolet n'était pas dispensée d'exécuter toutes les clauses du contrat et, notamment, de mettre à la disposition de ses concessionnaires, pendant la durée du préavis, des véhicules en stock suffisants.

11. D'autre part, ayant retenu que, loin d'être la cause de la rupture du stock, l'abstention des concessionnaires en était la conséquence, cependant que les commandes nouvelles des distributeurs étaient clairement découragées par la société Chevrolet dans sa lettre du 17 décembre 2013 annonçant le plan de déstockage, et considéré que cette dernière avait ensuite aggravé la situation de pénurie du réseau par la vente de 900 véhicules attendus en février 2014 et par celle de 700 véhicules neufs au réseau belge le 15 janvier 2014, la cour d'appel a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, imputer exclusivement à l'importateur la responsabilité dans l'inexécution du préavis contractuel.

12. Enfin, l'arrêt ayant retenu qu'au regard de l'ensemble des fautes commises par la société Chevrolet, elle avait causé un préjudice à la société AP 17 du fait de l'absence d'effectivité du préavis à compter du 1er avril 2014, ce dont il résulte que la chute des ventes subies par le concessionnaire en Gironde trouvait sa cause dans l'épuisement du stock, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu que le préjudice de la société AP 17 était constitué de la marge sur coûts variables que les ventes de véhicules auraient dû dégager du 1er avril 2014 au 31 décembre 2015 et qu'il y avait lieu de prendre en compte l'ensemble du chiffre d'affaires de la période considérée.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.