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Décisions

Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-22.916

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Gruau Laval (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Yves et Blaise Capron

Aix-en-Provence, 2e ch., du 18 juill. 20…

18 juillet 2013

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 2 février 2016, pourvoi n° 13-24.582), la société [...] est devenue, le 13 novembre 1995, le concessionnaire exclusif de la société Gruau Laval dans plusieurs départements du Sud-Est de la France.

2. Ce contrat, qui s'est renouvelé par tacite reconduction jusqu'en 2002, contenait une clause de résiliation selon laquelle la concession prendrait fin par résiliation anticipée, sans action judiciaire ni formalité autre que celles prévues, par déclaration de résiliation en cas de non-paiement à son échéance d'une somme due par le concessionnaire ou d'infractions de sa part à l'une des clauses des conditions générales ou particulières arrêtées entre les parties et que, dans un tel cas, la société Gruau Laval pourrait adresser au concessionnaire une mise en demeure par lettre recommandée constatant le défaut de paiement ou l'infraction et prononçant la résiliation, celle-ci opérant de plein droit huit jours après la mise en demeure.

3. Invoquant de nombreux impayés, la société Gruau Laval a assigné la société [...] en paiement et a demandé que soit constatée la résiliation du contrat du fait de sa défaillance. Reconventionnellement, la société [...] a demandé que soit prononcée la résiliation du contrat aux torts de la société Gruau Laval et que celle-ci soit condamnée à lui payer diverses sommes à titre de commissions et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société [...] fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 à la date du 20 janvier 2004 à ses torts et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors :

« 1°) que, de première part, les juges saisis d'une demande de résolution ou de résiliation judiciaire d'un contrat doivent, lorsque des manquements contractuels sont invoqués par chacune des parties, apprécier leur existence et leur gravité respective ; qu'en retenant, pour prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 à la date du 20 janvier 2004 aux torts de la société [...] et pour débouter, en conséquence, la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts, que la rupture des relations contractuelles était imputable à la seule société [...] du fait du non-paiement des factures, sans apprécier, lorsqu'elle a examiné les demandes des parties tendant au prononcé de la résolution ou de la résiliation judiciaire du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995, l'existence et la gravité du manquement contractuel, invoqué par la société [...], tenant à l'inexécution par la société Gruau Laval de son obligation contractuelle de communiquer, chaque mois, à la société [...] un état de son chiffre d'affaires pour lui permettre de facturer les commissions qui lui étaient dues, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause ;

2°) que, de seconde part, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en énonçant, dès lors, que tant les opérations d'expertise que les pièces produites n'avaient pas établi, à l'encontre de la société Gruau Laval, que le non-paiement des commissions, quand elle relevait de l'article XII du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 stipulait que la société Gruau Laval avait l'obligation contractuelle de communiquer, chaque mois, à la société [...] un état de son chiffre d'affaires pour lui permettre de facturer les commissions qui lui étaient dues, quand il incombait en conséquence à la société Gruau Laval d'apporter la preuve qu'elle avait exécuté cette obligation contractuelle et quand, en se déterminant comme elle l'a fait, elle a considéré que c'était à la société [...] qu'il appartenait d'apporter la preuve que la société Gruau Laval avait inexécuté cette même obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt retient que la société [...] n'a pas respecté ses obligations contractuelles de paiement de ses factures dans les délais dès l'année 2000, de même que les reports d'échéance qui avaient été acceptés par la société Gruau Laval. Relevant que cette dernière était débitrice de commissions, il constate que la société [...] a réclamé le paiement de ses commissions par une première lettre du 18 décembre 2001, sans avoir auparavant reproché à la société Gruau Laval un défaut de communication des chiffres d'affaires permettant leur facturation. L'arrêt ajoute que la société [...] n'a jamais demandé le paiement de commissions ni fait état de leur non-règlement, tout en faisant part à son cocontractant de ses difficultés financières et demandant des délais de paiement. Il relève enfin que le chiffrage des sommes qui seraient dues à la société [...] ne relève que de ses propres affirmations et n'est nullement confirmé par l'expertise judiciaire ayant donné lieu à des opérations contradictoires.

6. En cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a retenu que les manquements invoqués par la société [...], relatifs aux commissions dues par la société Gruau Laval, n'étaient pas suffisamment graves pour prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 aux torts de cette dernière, et en a déduit qu'il convenait de prononcer cette résolution aux torts de la société [...] et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société [...] fait grief à l'arrêt de fixer à 47 739,03 euros TTC la somme due à la société Gruau Laval au titre des factures impayées, à 37 838,45 euros TTC la somme qui lui est due par cette société au titre des commissions, d'ordonner la compensation de ces deux dettes à concurrence de leurs montants respectifs, de la condamner en conséquence à payer à la société Gruau Laval la somme de 9 900 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2002, date de la mise en demeure, et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors :

« 1°) que, de première part, en se fondant, pour fixer à 37 838,45 euros TTC la somme due par la société Gruau Laval à la société [...] au titre des commissions dues et pour, en conséquence, condamner la société [...] à la société Gruau Laval la somme de 9 900 euros et débouter la société [...] de ses demandes de dommages-intérêts, sur les seules opérations d'expertise judiciaire, qui portaient sur les sommes respectivement dues par les parties à la date du 23 janvier 2002, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la société [...] si des commissions n'étaient pas dues par la société Gruau Laval à la société [...] au titre de la période postérieure au 23 janvier 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause.

2°) que, de seconde part, en énonçant, pour débouter la société [...] de ses demandes de dommages-intérêts, que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées qui lui étaient dues par la société Gruau Laval et qu'en conséquence, la société [...] ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle imputait à son adversaire et le préjudice financier qu'elle faisait valoir, quand la circonstance que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées qui lui étaient dues par la société Gruau Laval n'était de nature à justifier le rejet des demandes de dommages-intérêts de la société [...] qu'en ce que ces demandes tendaient à l'indemnisation des difficultés financières de la société [...], et non en ce qu'elles tendaient à l'indemnisation des pertes de marge, du manque à gagner et des pertes de trésorerie subis par la société [...], la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, en l'état des conclusions de la société [...] qui, en leur dispositif, demandaient, au titre des commissions dues au 23 janvier 2002, la condamnation provisionnelle de la société Gruau Laval à lui payer la somme de 240 568,97 euros et, subsidiairement, la somme de 60 227,13 euros, et, au titre du manque à gagner sur commissions pour la période écoulée entre 2001 et 2004, le paiement de dommages-intérêts de 39 383 euros, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir analysé ces prétentions à la lumière des éléments de fait mis au débat par les parties et des conclusions de l'expert judiciaire, a retenu que le montant des sommes dues par la société Gruau Laval à la société [...] devait être fixé à la somme de 37 838,45 euros TTC.

10. D'autre part, l'arrêt retient que, tant les opérations d'expertise que les pièces produites n'ont établi à l'encontre de la société Gruau Laval que le non-paiement de commissions, ce qui ne pouvait lui être reproché dans la mesure où, se trouvant en présence d'un débiteur en difficulté, elle devait prendre les mesures nécessaires pour assurer le paiement des commandes qu'elle lui avait livrées. Il retient ensuite que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que le non-paiement de ces commissions, d'ailleurs non réclamées, et notamment à une réduction du champ d'activité de la société. En cet état, la cour d'appel a pu retenir que la société [...] ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle impute à son adversaire et le préjudice financier qu'elle fait valoir, qui n'est que la conséquence de la résolution du contrat à ses torts.

11 Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.