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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 9 janvier 2013, n° 10/22583

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Falbalas (SARL)

Défendeur :

Sté Jade

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Blum, Mme Reghi

Avocats :

Recamier avocats associé (SELARL)s, SCP Audard-Mougin, SCP Naboudet - Hatet

TGI Créteil, du 8 nov. 2010

8 novembre 2010

Par  acte du 4 octobre 2007 , la s.c.i. Jade a donné à bail commercial à la société Falbalas, pour neuf années à compter du 1er novembre 2007, des locaux situés [...] moyennant un loyer mensuel indexé de 1.500 € hors taxes et hors charges et le versement de la somme de 113.620 € à titre "d'indemnité compensatrice pour perte de la propriété commerciale" réglée le jour même à hauteur de 90.000 € et à régler, pour le solde de 33.620 €, au plus tard le 30 avril 2008.

À son entrée dans les lieux, la société Falbalas a fait réaliser des travaux dont la réfection du plancher de l'arrière-boutique qui lui a été facturée le 21 janvier 2008 par l'entreprise générale Bati-Mota, avec les travaux d'ouverture d'une baie entre la boutique et l'arrière-boutique, pour la somme de 25.731,94 € TTC au total.

Par acte extrajudiciaire du 7 mai 2008, visant la clause résolutoire du contrat de bail, dénoncé à Mme Caurant, gérante et caution de la société locataire, la s.c.i. Jade a fait commandement à la société Falbalas de lui régler le solde de 33.620 € au titre de l'indemnité "pour perte de la propriété commerciale".

Le 6 juin 2008, la société Falbalas a assigné la s.c.i. Jade, au fond, en opposition à commandement et compensation des créances réciproques alléguées.

Le 25 septembre 2008, la s.c.i. Jade a assigné la société Falbalas et Mme Caurant, en référé, pour obtenir paiement de la différence entre sa créance de 33.620 € et la créance alléguée par sa locataire et voir constater l'acquisition de la clause résolutoire.

Par  ordonnance du 24 novembre 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil a, entre autres dispositions, suspendu les effets de la clause résolutoire, condamné solidairement la société Falbalas et Mme Caurant, caution, au paiement de la somme de 27.825,38 €, autorisé le règlement de cette somme en 12 mensualités, outre le loyer courant, avec clause de déchéance du terme en cas de non-respect de l'échéancier et dans cette hypothèse, constaté l'acquisition de la clause résolutoire ainsi que la résiliation du bail de plein droit ;

Par  jugement rendu le 8 novembre 2010 le tribunal de grande instance de Créteil a :

- rejeté la demande de nullité du commandement de payer du 7 mai 2008,

- dit que la société Falbalas n'a pas respecté les délais accordés dans l'ordonnance de référé et que la s.c.i. Jade est en droit de se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire,

- débouté la société Falbalas de toutes ses demandes,

- condamné la société Falbalas à payer à la s.c.i. Jade la somme de 5.794,62 € pour solde de l'indemnité compensatrice de perte de propriété commerciale,

- rejeté le surplus de la demande en paiement de la s.c.i. Jade,

- condamné la société Falbalas à payer à la s.c.i. Jade la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Falbalas aux dépens.

La s.a.r.l. Falbalas a relevé appel de cette  décision le 23 novembre 2010.

Suivant procès verbal du 6 juin 2012, la s.c.i. Jade a fait procéder à l'expulsion de la société Falbalas.

Par ses dernières conclusions du 31 août 2012, la société Falbalas demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- condamner la s.c.i. Jade à lui payer les travaux effectués par la société Bati-Mota en raison de la vétusté du plancher,

- dire qu'elle a respecté les délais accordés par l'ordonnance de référé du 24 novembre 2004 et que la s.c.i. Jade n'est pas en droit de se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire et de poursuivre les mesures d'expulsion déjà engagées,

- dire que par application de l'article 1134 dernier alinéa du code civil, le commandement de payer du 7 mai 2008 est nul et de nul effet,

- subsidiairement, dire que l'ordonnance de référé du 24 novembre 2008 n'a pas l'autorité de la chose jugée, qu'elle est recevable et bien fondée en sa demande de délais de paiement et suspension des effets de la clause résolutoire et lui consentir les plus larges délais pour le règlement de sa dette,

- condamner la s.c.i. Jade à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis (matériel et image de marque), du fait des travaux très importants effectués dans l'immeuble dans lequel se trouve sa boutique,

- dire que la s.c.i. Jade devra justifier des charges réglées par Falbalas et procéder à la régularisation des charges depuis son entrée dans les lieux,

- condamner la s.c.i. Jade à procéder aux révisions annuelles requises dans le cadre du bail commercial du 4 octobre 2007,

- dire que la s.c.i. Jade devra lui adresser chaque mois un appel de loyer ainsi que la quittance de loyer,

- dire qu'à défaut d'avoir annexé l'Ernt (État des risques naturels et technologiques), le preneur est en droit de demander une diminution de loyer,

- en tout état de cause, ordonner sa réintégration dans les lieux loués, condamner la s.c.i. Jade au paiement de la somme de 170.000 € à titre de dommages et intérêts pour la privation de jouissance des lieux loués, si elle n'excède pas 6 mois et condamner la s.c.i. Jade au paiement de la somme de 445.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant au coût de la liquidation de la société inéluctable si la privation de jouissance est supérieure à 6 mois, sans préjudice alors d'une action future en fixation d'une indemnité d'éviction,

- condamner la s.c.i. Jade à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La s.c.i. Jade, par ses dernières conclusions du 10 août 2012, demande à la cour de :

- débouter la société Falbalas de son appel et de ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la s.a.r.l. Falbalas à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel dont distraction.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par  ordonnance du 19 septembre 2012.

SUR CE,

Considérant que la société Falbalas fait valoir en premier lieu que les travaux qu'elle a réalisés lors de son entrée dans les lieux sont dus à la vétusté, qu'en dépit des clauses du bail mettant à sa charge les réparations de l'article 606 du code civil, ces travaux, réalisés après une réunion tenue le 5 décembre 2007 en présence du bailleur par un expert amiable, au vu du rapport de celui-ci et sous le contrôle d'un architecte, sont à la charge du bailleur, que la s.c.i. Jade ne peut sérieusement arguer ni de l'absence d'un architecte missionné par le locataire ni de l'absence d'autorisation de sa part alors que la s.c.i. Jade a laissé les travaux se faire et n'a émis aucune critique sur le rapport de l'expert amiable dont elle a été destinataire ; que la s.c.i. Jade doit donc être condamnée à lui rembourser les travaux effectués ;

Mais considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que les premiers juges, après avoir notamment rappelé les dispositions de l'article 10-4 du contrat de bail selon lesquelles "le preneur ne devra faire aucun travaux de gros oeuvre dans les lieux loués sans l'autorisation expresse du bailleur" ont rejeté la demande de remboursement du coût des travaux que la société Falbalas a fait réaliser ;

Qu'il sera ajouté que la société Falbalas invoque à tort la mauvaise foi de son bailleur dans la mise en avant qu'il fait de l'article 10-4 sus-visé ; que le contrat de bail fait la loi des parties ; que la société Falbalas ne prétend pas avoir sollicité l'autorisation ni même l'avis de la s.c.i. Jade sur les travaux à réaliser alors que plusieurs options étaient envisagées par l'expert amiable ; qu'il importe peu en l'espèce que ces travaux aient eu pour but de palier l'éventuel manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'une chose conforme à sa destination dès lors que la société Falbalas s'est elle-même affranchie des dispositions contractuelles ; que la société Falbalas n'est par ailleurs pas fondée à se prévaloir de l'absence de demande du bailleur tendant à la remise du plancher en l'état antérieur ; qu'en effet, l'article 10-4 du contrat de bail dispose également in fine que "tous embellissements, améliorations resteront au départ du preneur la propriété du bailleur sans indemnité pour le preneur" ;

Considérant que la société Falbalas soutient ensuite d'une part que la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi par le commandement du 7 mai 2008, que ce commandement, dont les causes sont en outre partiellement injustifiées, est donc nul, d'autre part qu'elle a parfaitement exécuté les termes de l'ordonnance de référé du 24 novembre 2008 et du contrat de bail, et que la clause résolutoire n'est pas acquise ;

Mais considérant que les causes du commandement du 7 mai 2008 étaient dues à cette date par la société Falbalas ; que la prétendue mauvaise foi du bailleur dans sa délivrance ne peut résulter de la seule nécessité de travaux que la société Falbalas n'a pas mis celui-ci en demeure de faire et qu'elle a fait réaliser sans son autorisation expresse en violation des dispositions contractuelles ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que le commandement était valable ;

Considérant, par ailleurs, que par son  ordonnance du 24 novembre 2008, le juge des référés a suspendu les effets de la clause résolutoire contre paiement par la société Falbalas et sa gérante outre du loyer courant, de la somme de 27.825,38 € en douze mensualités égales et consécutives, le premier versement devant intervenir le 5 du mois suivant la signification de la décision et les autres, le 5 des mois suivants ; que cette ordonnance a été signifiée le 14 janvier 2009 ;

Considérant que la société Falbalas n'est pas fondée à soutenir qu'elle a respecté ces dispositions compte tenu du fait qu'elle a réglé, avec retard, non seulement la dernière mensualité prévue pour l'apurement de la somme de 27.825,38 € mais encore, et de façon systématique, le loyer courant payable, en vertu de l'article 5 du contrat de bail, directement au bailleur et d'avance ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la s.c.i. Jade est en droit de se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire et de poursuivre les mesures d'expulsion déjà engagées ; que la société Falbalas ne peut ni se voir accorder de nouveaux délais alors qu'elle les a déjà obtenus en référé et ne les a pas scrupuleusement respectés ni, de ce fait, voir à nouveau suspendre les effets d'une clause résolutoire qui est définitivement acquise, la décision rendue en référé s'imposant, en l'espèce, sur ce point au juge du fond ;

Considérant que la société Falbalas fait encore valoir qu'elle a eu à connaître les désagréments de travaux effectués en 2009 par la s.c.i. Jade dans l'immeuble où elle a sa boutique, que la s.c.i. Jade n'a pris aucune disposition pour permettre que les travaux qu'elle a effectués au 1er étage se déroulent dans des conditions normales ; qu'elle décrit les désordres qu'elle invoque : "particules de poussières et gravats", un des boîtiers d'éclairage déboîté, un dégât des eaux, chute d'une gaine de soufflage d'air de la climatisation, fissures , poussières dans "l'unité intérieure gainable" et invoque l'atteinte à son image ; qu'elle demande en réparation de ces préjudices la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Mais considérant que la s.c.i. Jade soulève à juste titre l'irrecevabilité de cette demande nouvelle devant la cour qui ne tend pas à faire écarter les demandes adverses ni n'est justifiée par la révélation d'un fait, la compensation n'étant par ailleurs pas opposée ; que cette demande sera rejetée ;

Considérant que pour le surplus, que la clause résolutoire étant réputée acquise un mois après le commandement du 7 mai 2008, le bail est résilié de plein droit à compter du 8 juin 2008 ; que la société Falbalas est mal fondée en ses demandes tendant à sa réintégration dans les lieux dont elle a été expulsée, à l'allocation de dommages et intérêts pour privation de jouissance ou ses conséquences ainsi qu'à celles tendant, en substance (appels de loyer, quittance, indexation), à l'exécution par son bailleur du bail résilié ; que la société Falbalas ne tire au surplus aucune conséquence juridique ou concrète du fait que la s.c.i. Jade n'aurait pas respecté "certaines de ses obligations quant à la délivrance et l'information sur les diagnostics techniques : DTA obligatoire et surtout l'ERNT (État des Risques Naturels et Technologiques) depuis 2005" ;

Qu'en revanche, il est exact que la s.c.i. Jade n'a adressé à la société Falbalas aucune régularisation de charges alors que celle-ci lui a versé à ce titre une provision mensuelle de 100 € ; que la s.c.i. Jade devra justifier à la société Falbalas du montant des charges réglées et procéder à leur régularisation depuis l'entrée dans les lieux de la société Falbalas, toutes autres demandes de la société Falbalas étant rejetées ;

Considérant que la société Falbalas qui succombe sur l'essentiel de son recours sera condamnée aux dépens d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile les demandes à ce titre seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Dit que la s.c.i. Jade devra justifier auprès de la société Falbalas des charges réglées par celle-ci à titre de provision et procéder à la régularisation des charges depuis son entrée dans les lieux ;

Rejette toutes autres demandes de la société Falbalas ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Falbalas aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.