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Décisions

Cass. com., 23 juin 2021, n° 19-21.911

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sud Ouest Déchets Industriels (SAS)

Défendeur :

Eiffage-Energie Systèmes - Clemessy Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocats :

SCP Boulloche, SCP Thouin-Palat et Boucard

Aix-en-Provence, 3e ch. sect.1, du 20 ju…

20 juin 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 juin 2019), la société Eiffel industries, devenue Eiffage-Energie systèmes - Clemessy services (la société EES), est spécialisée dans la maintenance industrielle et a développé une activité dans le domaine des catalyseurs. Cette activité a été dirigée entre 2010 et 2014 par M. Barbanti, qui a démissionné à effet du 31 décembre 2014 et a été embauché par la société Sud Ouest déchets industriels (la société Sodi), concurrente de la société EES. Une douzaine d'autres salariés de la société EES ont démissionné en décembre 2014 et janvier 2015, dont M. Gros, adjoint de M. Barbanti, et ont été immédiatement recrutés par la société Sodi.

2. Après avoir fait diligenter un constat d'huissier de justice, autorisé par ordonnance sur requête, dans les ordinateurs de la société Sodi et de M. Gros, la société EES a assigné la société Sodi en réparation du préjudice causé par des actes de concurrence déloyale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième, huitième et neuvième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième et septième branches Enoncé du moyen

4. La société Sodi fait grief à l'arrêt de juger qu'elle a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société EES, et de la condamner à payer à cette dernière une provision de 500 000 euros, alors :

« 1°) que le recrutement de salariés libres de tout engagement ne peut constituer un acte de concurrence déloyale que s'il a entraîné une véritable désorganisation de la société et non une simple perturbation, désorganisation que les juges doivent justifier concrètement ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Sodi avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Eiffel industrie, la cour d'appel a considéré que le débauchage massif de la moitié de la masse salariale du service catalyseur de Eiffel industrie avait entraîné une désorganisation du service, ce d'autant qu'il concernait la partie la plus qualifiée du personnel ; qu'en statuant ainsi par une pétition de principe sans vérifier de façon concrète si ces départs avaient entraîné une véritable « désorganisation » du service, et non une simple perturbation inhérente à tout départ de salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) que la société Sodi a fait valoir que dès le mois de janvier 2015, la société Eiffel industrie avait embauché de nouveaux salariés dont M. Gazon, en qualité de responsable du service catalyseur, qu'elle avait reconstitué ses effectifs dès fin 2015, que le préavis de M. Gros avait été réduit d'un commun accord et que M. Douhairet avait été démis de ses fonctions en février 2015 par la société Eiffel industrie elle-même ; que la cour d'appel a considéré que le débauchage de la moitié de la masse salariale du service catalyseur de la société Eiffel industrie avait eu pour conséquence manifeste de désorganiser le service ; qu'en statuant ainsi, sans répondre à ce moyen pertinent invoquant une simple perturbation dès lors que la société Eiffel industrie avait très rapidement retrouvé ses capacités antérieures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) que le recrutement de salariés libres de tout engagement ne peut constituer un acte de concurrence déloyale en l'absence de toute manœuvre déloyale ; que la société Sodi a soutenu qu'un réel processus de recrutement avait eu lieu en ce qui concerne les candidatures des salariés de la société Eiffel industrie puisque toutes n'avaient pas été retenues, seulement treize sur une vingtaine présentées, et que le fait de déposer une candidature par le site internet Indeed résultait d'un formalisme interne à son service des ressources humaines ; que la cour d'appel a retenu que la société Sodi ne contestait pas avoir incité les salariés de la société Eiffel industrie à postuler sur le site Indeed alors qu'elle avait déjà programmé les entretiens d'embauche et que les démissions de la moitié du service catalyseur avaient été planifiées et facilitées par la société Sodi avec l'assistance de M. Gros ; qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur les éléments invoqués par la société Sodi et examiner s'il n'y avait pas eu un véritable processus de recrutement eu égard au nombre de candidatures du personnel de la société Eiffel industrie qu'elle a rejetées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir constaté qu'entre la fin de l'année 2014 et le début de l'année 2015, le chef d'équipe du service « catalyseur », son adjoint et onze autres salariés employés par la société EES au sein de ce service, comprenant une vingtaine de personnes, ont démissionné pour être embauchés aux mêmes fonctions par la société Sodi, l'arrêt retient que ces départs, qui ont concerné la partie la plus qualifiée du personnel, et qui ne pouvaient s'expliquer par des motifs tenant à de mauvaises conditions de travail chez la société EES, ont entraîné la désorganisation du service, objectivée par le rapport d'expertise judiciaire, qui conclut à leurs répercussions tant sur l'organisation des chantiers que sur les procédures d'appel d'offres et établit une corrélation avec la perte d'activité et de chiffre d'affaires subie par la société EES à partir de l'année 2015. L'arrêt relève en outre que la société Sodi ne conteste pas avoir incité les salariés concernés à quitter l'entreprise, par l'intermédiaire de M. Gros, qui a sélectionné ses collègues les plus compétents pour proposer leurs noms à la société Sodi, laquelle a planifié des entretiens d'embauche dès avant l'envoi des candidatures par le biais d'un site internet dédié, et leur a transmis des documents types afin de faciliter les formalités de démission.

6. En l'état de ces constatations, caractérisant le rôle actif de la société Sodi dans le débauchage d'une grande partie de l'équipe « catalyseur » de la société EES, dont elle a déduit la volonté de s'approprier l'essentiel du savoir-faire et de la clientèle de sa concurrente au titre de cette activité, procédé dont il ne peut être admis qu'il constitue un mode de recrutement normal, et la désorganisation ainsi causée au service concerné, dont il importe peu que les effectifs numériques aient été reconstitués à la fin de l'année 2015, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la société Sodi au préjudice de la société EES, a légalement justifié sa décision.

Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.