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Décisions

Cass. com., 23 juin 2021, n° 20-22.253

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Javaux Laithier Transport (SAS), Javaux Laithier Granulats (SAS)

Défendeur :

Pernot Béton (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocats :

SCP Yves et Blaise Capron, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Besançon, 1re ch. civ. et com., du 22 se…

22 septembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 22 septembre 2020), rendu en matière de référés, suspectant la société Javaux Laithier transport (la société JLT) et sa filiale, la société Javaux Laithier granulats (la société JLG), d'avoir commis à son détriment des actes de concurrence déloyale, la société Pernot béton, spécialisée dans la fourniture de gabions préremplis, a saisi le président d'un tribunal de commerce d’une requête aux fins d'être autorisée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à procéder, au siège social de ces sociétés ainsi qu'au domicile d'une de leurs anciennes salariés, Mme Garnier, à diverses mesures de relevé et de copie de documents et de fichiers et éléments informatiques de nature à établir les pratiques déloyales alléguées. Le président du tribunal ayant fait droit à cette demande par une ordonnance du 7 juin 2019, les mesures ordonnées ont été exécutées par un huissier de justice le 10 juillet 2019.

2. Le 12 mars 2020, les sociétés JLT et JLG ont demandé la rétractation de l'ordonnance du 7 juin 2019, la restitution des pièces saisies, assortie de l'interdiction de leur production en justice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

4. Les sociétés JLT et JLG font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Besançon du 7 juin 2019 et à la restitution de tous les éléments saisis par l'huissier de justice mandaté, et de les déclarer irrecevables en leur demande tendant à voir interdire que les pièces n° 23, 24, 29, 31, 32, 34, 37, 39, 41, 42, 45, 46, 47 obtenues par la société Pernot béton en exécution de l'ordonnance du 7 juin 2019 puissent être produites en justice dans le cadre de l'action qu'elle avait engagée au fond, alors :

« 1°) que les seules mesures légalement admissibles qui peuvent être ordonnées sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont celles qui sont nécessaires et proportionnées à la protection des droits du demandeur et qui ne portent pas une atteinte excessive aux droits et intérêts légitimes des autres parties ; qu'il en résulte que les seules mesures légalement admissibles qui peuvent être ordonnées sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont celles qui sont justifiées par le motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et qui sont circonscrites à ce seul motif légitime ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la société Javaux Laithier transport et de la société Javaux Laithier granulats tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête de la juridiction du président du tribunal de commerce de Besançon en date du 7 juin 2019, que dès lors qu'elles entraient dans les prévisions des articles 232 à 284-1 du code de procédure civile, les mesures de constatation sollicitées et ordonnées par la décision attaquée étaient légalement admissibles, que les mesures de constat ordonnées étaient strictement limitées aux faits de concurrence déloyale énoncés dans la requête et aux éléments en rapport avec ces faits, que les recherches étaient elles-mêmes encadrées et clairement délimitées par des mots clés limitativement énumérés et ne pouvaient être qualifiées de générique et sans limite, que la saisie des documents relatifs à l'activité « gabions » de la société Javaux Laithier granulats, en ce compris les dossiers de personnes nommément citées, apparaissait nécessaire à la constitution de la preuve, que l'atteinte nécessaire au secret des affaires dans le cadre de mesures d'investigation précédant une action en concurrence déloyale n'apparaissait pas davantage disproportionnée au but recherché et à la protection des intérêts en présence et qu'il en allait notamment ainsi de la saisie des données relatives aux fournisseurs des sociétés Javaux Laithier transport et Javaux Laithier granulats et des flux financiers existant entre elles et leurs fournisseurs qui apparaissait nécessaire à l'administration de la preuve d'éventuelles pratiques concurrentielles déloyales et du préjudice que la société Pernot béton pouvait en subir, quand elle retenait que le motif légitime justifiant les mesures d'instruction ordonnées consistait en l'existence de prétendus éléments qui auraient laissé supposer la commission d'actes de concurrence déloyale dans le secteur d'activité de la fabrication et de la fourniture de gabions et quand, notamment parce qu'elle autorisait, sans aucune restriction, la recherche et la copie des « tableurs utilisés pour le calcul des offres de prix » et des documents et fichiers relatifs aux « achats de marchandises, matières premières, sous-traitance et prestation de services communication et informatique, soit les comptes d'achat 60, 61 et 62 et au minimum les comptes 601 000 à 605 999, 607 000 à 609 999, 611 000 à 611 999 et 6200 à 623 999 », l'ordonnance sur requête de la juridiction du président du tribunal de commerce de Besançon en date du 7 juin 2019 autorisait la saisie et la copie de documents et fichiers portant sur les activités de vente de granulats et de transport de granulats et de carburants de la société Javaux Laithier transport, et, donc, sur des activités autres que celles concernées par le motif légitime des mesures d'instruction ordonnées qu'elle retenait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;

2°) que les seules mesures légalement admissibles qui peuvent être ordonnées sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont celles qui sont nécessaires et proportionnées à la protection des droits du demandeur et qui ne portent pas une atteinte excessive aux droits et intérêts légitimes des autres parties ; qu'il en résulte que les seules mesures légalement admissibles qui peuvent être ordonnées sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont celles qui sont justifiées par le motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et qui sont circonscrites à ce seul motif légitime ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la société Javaux Laithier transport et de la société Javaux Laithier granulats tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête de la juridiction du président du tribunal de commerce de Besançon en date du 7 juin 2019, que dès lors qu'elles entraient dans les prévisions des articles 232 à 284-1 du code de procédure civile, les mesures de constatation sollicitées et ordonnées par la décision attaquée étaient légalement admissibles, que les mesures de constat ordonnées étaient strictement limitées aux faits de concurrence déloyale énoncés dans la requête et aux éléments en rapport avec ces faits, que les recherches étaient elles-mêmes encadrées et clairement délimitées par des mots clés limitativement énumérés et ne pouvaient être qualifiées de générique et sans limite, que la saisie des documents relatifs à l'activité « gabions » de la société Javaux Laithier granulats, en ce compris les dossiers de personnes nommément citées, apparaissait nécessaire à la constitution de la preuve, que l'atteinte nécessaire au secret des affaires dans le cadre de mesures d'investigation précédant une action en concurrence déloyale n'apparaissait pas davantage disproportionnée au but recherché et à la protection des intérêts en présence et qu'il en allait notamment ainsi de la saisie des données relatives aux fournisseurs des sociétés Javaux Laithier transport et Javaux Laithier granulats et des flux financiers existant entre elles et leurs fournisseurs qui apparaissait nécessaire à l'administration de la preuve d'éventuelles pratiques concurrentielles déloyales et du préjudice que la société Pernot béton pouvait en subir, quand elle retenait que le motif légitime justifiant les mesures d'instruction ordonnées consistait en l'existence de prétendus éléments qui auraient laissé supposer la commission d'actes de concurrence déloyale dans le secteur d'activité de la fabrication et de la fourniture de gabions et quand, parce qu'elle autorisait, sans aucune restriction, la recherche et la copie de tous les fichiers contenant le mot « gabion », l'ordonnance sur requête de la juridiction du président du tribunal de commerce de Besançon en date du 7 juin 2019 autorisait la saisie et la copie de documents et fichiers portant sur les activités de transport de gabions de la société Javaux Laithier transport, et, donc, sur des activités autres que celles concernées par le motif légitime des mesures d'instruction ordonnées qu'elle retenait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°) que les seules mesures légalement admissibles qui peuvent être ordonnées sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont celles qui sont nécessaires et proportionnées à la protection des droits du demandeur et qui ne portent pas une atteinte excessive aux droits et intérêts légitimes des autres parties ; qu'il en résulte que les seules mesures légalement admissibles qui peuvent être ordonnées sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont celles qui sont justifiées par le motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et qui sont circonscrites à ce seul motif légitime ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la société Javaux Laithier transport et de la société Javaux Laithier granulats tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête de la juridiction du président du tribunal de commerce de Besançon en date du 7 juin 2019, que dès lors qu'elles entraient dans les prévisions des articles 232 à 284-1 du code de procédure civile, les mesures de constatation sollicitées et ordonnées par la décision attaquée étaient légalement admissibles, que les mesures de constat ordonnées étaient strictement limitées aux faits de concurrence déloyale énoncés dans la requête et aux éléments en rapport avec ces faits, que les recherches étaient elles-mêmes encadrées et clairement délimitées par des mots clés limitativement énumérés et ne pouvaient être qualifiées de générique et sans limite, que la saisie des documents relatifs à l'activité « gabions » de la société Javaux Laithier granulats, en ce compris les dossiers de personnes nommément citées, apparaissait nécessaire à la constitution de la preuve, que l'atteinte nécessaire au secret des affaires dans le cadre de mesures d'investigation précédant une action en concurrence déloyale n'apparaissait pas davantage disproportionnée au but recherché et à la protection des intérêts en présence et qu'il en allait notamment ainsi de la saisie des données relatives aux fournisseurs des sociétés Javaux Laithier transport et Javaux Laithier granulats et des flux financiers existant entre elles et leurs fournisseurs qui apparaissait nécessaire à l'administration de la preuve d'éventuelles pratiques concurrentielles déloyales et du préjudice que la société Pernot béton pouvait en subir, quand elle retenait que le motif légitime justifiant les mesures d'instruction ordonnées consistait en l'existence de prétendus éléments qui auraient laissé supposer la commission d'actes de concurrence déloyale dans le secteur d'activité de la fabrication et de la fourniture de gabions et quand, parce qu'elle autorisait, sans aucune restriction, la recherche et la copie de la « liste des prix pratiqués par la société Javaux granulats en abrégé : JLG, comprenant notamment l'activité gabion », des « tableurs utilisés pour le calcul des offres de prix, sections types utilisées pour les ouvrages en gabions », des « tableurs utilisés pour le calcul des offres de prix », des « sections types utilisées pour les ouvrages en gabions », de tous les fichiers contenant le mot « gabion », du « grand livre client et grand livre fournisseur de la société Javaux Laithier granulats en abrégé : JLG », des « factures de ventes détaillées de la société Javaux Laithier granulats en abrégé : JLG, pour les mois de février 2019 à mai 2019 », des documents et fichiers relatifs aux « achats de marchandises, matières premières, sous-traitance et prestation de services communication et informatique, soit les comptes d'achat 60, 61 et 62 et au minimum les comptes 601 000 à 605 999, 607 000 à 609 999, 611 000 à 611 999 et 6200 à 623 999 » et de la « photothèque disponible et des CD, clefs USB contenant des photos », l'ordonnance sur requête de la juridiction du président du tribunal de commerce de Besançon en date du 7 juin 2019 autorisait la saisie et la copie de documents et fichiers portant sur l'intégralité de l'activité de la société Javaux Laithier granulats, et non pas la saisie et la copie des seuls documents et fichiers susceptibles de conserver ou d'établir la preuve des prétendus faits de concurrence déloyale qu'elle retenait comme constituant le motif légitime des mesures d'instruction ordonnées, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé qu'étaient caractérisés des indices laissant présumer l'existence d'actes de concurrence déloyale réalisés au préjudice de la société Pernot béton, tels que la démission quasi simultanée de sa « commerciale » et de son chef de chantier dans des termes identiques pour rejoindre la société JLG, nouvellement créée et ayant une activité similaire à celle de la société Pernod béton, l'introduction dans l'ordinateur professionnel de la « commerciale » d'une clé USB nommée JLG, pouvant laisser penser que des données confidentielles avaient été copiées pour le compte de cette société avant son départ, le démarchage immédiat des clients de la société Pernot béton et l'utilisation de documents commerciaux comportant de fortes similitudes avec ceux de cette société, avec usage d'une marque commerciale qui lui était réservée, l'arrêt retient que les mesures de constat ordonnées étaient strictement limitées à la recherche de la preuve des faits de concurrence déloyale invoqués dans la requête, les recherches étant elles-mêmes encadrées par des mots clés limitativement énumérés. Il ajoute que l'atteinte nécessaire au secret des affaires dans le cadre de mesures d'investigation précédant une action en concurrence déloyale n'apparaît pas davantage disproportionnée au but recherché et à la protection des intérêts en présence, et qu'il en est notamment ainsi de la saisie des données relatives aux fournisseurs des sociétés JLT et JLG et des flux financiers existant entre elles et leurs fournisseurs, qui apparaît nécessaire à l'administration de la preuve d'éventuelles pratiques concurrentielles déloyales et du préjudice que la société Pernot béton peut en subir.

6. En l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que les mesures d'instruction ordonnées, quelle qu'ait pu être leur étendue, étaient circonscrites aux faits litigieux décrits dans la requête, dont pouvait dépendre la solution du litige, et que, ne s'analysant pas en une mesure générale d'investigation, elles étaient légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a pu rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 7 juin 2019.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.