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Décisions

Cass. com., 14 mai 1996, n° 94-17.297

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Me Thomas-Raquin, Me Blondel

Lyon, 3e ch., du 20 mai 1994

20 mai 1994

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société anonyme Bâtir 2000 et des sociétés à responsabilité limitée MDE et Hameau du Marclet, dont M. A... était respectivement le président du conseil d'administration et le gérant, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire des SCI Batisolaire, Virginie-Bérengère, Darcin, les Hameaux de Navarre, GVB, les Jardins d'Elodie, John X..., le Colombier et Palavival, ainsi que, en application de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, le redressement puis la liquidation judiciaires de M. A... ; que les SCI et M. A... ont relevé appel de ce jugement;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que, pour étendre la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000 à la SCI les Hameaux de Navarre, l'arrêt retient qu'il a existé entre les sociétés une identité de sièges sociaux, de gérants et d'associés, que cette SCI a payé avec un délai d'environ 22 mois le solde de travaux que la société Bâtir 2000 avait effectués, ce qui démontre une confusion de patrimoines;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que pour étendre à la SCI Darcin la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient que la première a la seconde pour associé à 80 %, qu'elles ont le même gérant, que dans le compte débiteurs divers "Lotissements Darcin" de Bâtir 2000 figure un chèque comptabilisé en décembre 1986 non régularisé au 31 août 1991, que ce compte n'a pas de correspondance à la SCI Darcin, que "certes la SCI Darcin soutient que le compte concerne un retrait effectué par Mme A... intitulé à l'époque Darcin, que quoiqu'il en soit il ressort qu'il existe une interpénétration entre la société Bâtir 2000 et la SCI Darcin";

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de case légale à sa décision;

Sur le troisième moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que pour étendre à la SCI Batisolaire la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient que M. A..., gérant de cette dernière société qui a émis deux factures de prestations et une facture de vente, détient 95 % des parts de la SCI dont il est également le gérant, qu'il existe une interpénétration économique;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion de patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le quatrième moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que pour étendre à la SCI GVB la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient que ces sociétés ont le même gérant, que la première a acquis de la seconde divers biens immobiliers, qu'un loyer a été versé à tort par Bâtir 2000 à GVB qui a été constituée "pour permettre la mobilisation en 1986 des trois pavillons, propriété de Bâtir 2000, qu'avec le produit de la revente en juillet 1990, GVB a pu faire une avance de 475 187 francs à Bâtir 2000 qui a été régularisée en septembre 1990 par la vente d'un lot de terrain pour 500 000 francs", qu'il apparaît qu'il existe une confusion de patrimoines;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le cinquième moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que pour étendre à la SCI les Jardins d'Elodie la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient que M. A..., gérant de la SCI dont le siège social est fixé à son domicile, en détient 95 % des parts, que des lots d'un terrain acquis par la SCI ont été vendus à des tiers et à des proches du groupe, que le solde du prix de deux lots vendus à Bâtir 2000 a été encaissé avec un décalage de 21 mois, qu'en tant que client une avance de 90 000 francs a été consentie par Bâtir 2000 en décembre 1988 et n'a été régularisée qu'en septembre 1990, qu'il apparaît qu'il s'agit d'une société satellite;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le sixième moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que pour étendre à la SCI John X... la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient que M. A... est associé à hauteur de 85 % et que son beau-père est gérant;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le septième moyen :

Attendu que pour étendre à la SCI Virginie-Bérengère la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient qu'il y a eu une première SCI qui s'appelait Virginie dont les associés étaient les époux A..., qu'une deuxième SCI dénommée Virginie-Bérengère a été constituée, que la société Bâtir 2000 a vendu à celle-ci un terrain à des conditions préférentielles qui ne pouvaient être accordées à une SCI dépendant directement de M. A..., qu'il a sans doute fallu créer une nouvelle SCI ad'hoc dont les associés n'étaient pas dirigeants de la société Bâtir 2000;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le huitième moyen :

Attendu que pour étendre à la SCI Le Colombier la liquidation judiciaire de la société Bâtir 2000, l'arrêt retient que la première a pour associé à hauteur de 85 % M. A..., que son objet était d'acquérir un terrain pour y construire un immeuble, que les études du projet ont été réalisées par la société Bâtir 2000 qui les a facturées à la SCI John X...;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le neuvième moyen :

Vu les articles 1842, alinéa 1er, du Code civil et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;

Attendu que pour étendre à la SCI Palavival la liquidation judiciaire de la société MDE, l'arrêt retient qu'elle a été constituée pour réaliser deux lotissements, que son gérant est M. A... et que la société MDE lui a facturé 100 000 francs d'honoraires qui n'ont pas été entièrement réglés, que l'enquête démontre l'existence d'un groupe économique solidaire entre les sociétés;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité ou la confusion des patrimoines de ces deux personnes morales, qui pouvait seule permettre d'étendre à l'une la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le dixième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Attendu que pour rejeter la demande de sursis à statuer formée devant la cour d'appel par M. A... qui, appelant du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire en application de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, à raison de sa qualité de dirigeant de droit des sociétés Bâtir 2000, MDE et Hameau du Marclet et de gérant de droit ou de fait des SCI, faisait valoir qu'il avait été mis en examen le 27 mai 1993 du chef de banqueroute, l'arrêt énonce que "la cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants indépendamment de l'enquête pénale en cours pour statuer";

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que l'action tendant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en application de l'article 182 précité n'était pas sous l'influence de la décision du juge pénal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu se statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.