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Décisions

Cass. com., 28 novembre 2000, n° 98-11.522

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Nîmes, 2e ch. B, du 11 déc. 1997

11 décembre 1997

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 11 décembre 1997), que M. et Mme Y... ont constitué, le 19 février 1987, la SCI B... pour acheter un ensemble immobilier qui comprenait des locaux professionnels donnés à bail commercial à M. Y... exploitant à titre individuel une menuiserie industrielle ; que les époux Y... et leur fils ont constitué, le 20 janvier 1989, Z... à laquelle a été donné en location-gérance le fonds de menuiserie ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire, le 2 décembre 1992, de Z..., puis du prononcé de sa liquidation judiciaire le 3 novembre 1993, M. X... désigné en qualité de liquidateur a assigné la SCI ainsi que M. et Mme Y... pour que leur soit étendue la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL sur le fondement de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 et subsidiairement pour que soit ouverte à l'encontre de M. Y... une procédure de redressement judiciaire sur le fondement de l'article 182, 1 , 3 , 4 et 6 de cette loi ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire de Z..., à M. et Mme Y... et à la SCI alors, selon le moyen :

1°) que l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 permet l'extension de la procédure, en cas de fictivité d'une des personnes morales en cause ; que tel est le cas, lorsque, pour limiter l'aléa de l'exploitation commerciale, une personne physique a donné son fonds de commerce en location-gérance à une société aujourd'hui en liquidation judiciaire, et a continué à exercer personnellement la gestion ; que la fictivité de la société résulte du fait que ses associés personnes physiques sont restés maîtres de l'affaire ; que, dès lors, en l'espèce, en refusant d'étendre à M. et Mme Y..., associés de Z... et à la SCI constituée entre eux, la liquidation prononcée à l'encontre de la Z... susvisée, sans rechercher comme elle y était invitée, si la Z... n'était pas fictive, et si M. et Mme Y... nétaient pas restés les maîtres de l'affaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2°) que l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 permet l'extension de la procédure en cas de confusion des patrimoines entre deux personnes ; que la confusion des patrimoines existe en cas de flux financiers anormaux ; que, dès lors, en l'espèce, en affirmant que de tels flux nétaient pas établis, sans rechercher si la réduction par la SCI du loyer des murs, de 252 000 francs à 168 000 francs, afin de l'adapter au montant de la redevance globale de location-gérance de 204 000 francs (168 000 francs pour les murs et 36 000 francs pour le fonds) prévue dans le contrat entre les époux Y... et la Z..., n'était pas un flux financier anormal, signe d'une confusion des patrimoines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient par motifs adoptés que, suivant des actes régulièrement établis et publiés, M. Y... propriétaire du fonds de commerce a créé avec son épouse une SCI à laquelle il a loué les locaux dans lesquels il a exploité le fonds et que, deux ans plus tard, il a donné son fonds en location-gérance à la Z... qui a payé les redevances de location-gérance et le loyer des murs ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations excluant la fictivité de la société d'exploitation du fonds de commerce, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le loyer demandé par la SCI à la Z... était inférieur à celui précédemment exigé de M. Y... mais que ce nouveau loyer adapté au montant de la redevance globale de location-gérance était normal eu égard à la superficie et à l'aménagement des locaux loués à la SARL et qu'il a été payé ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations excluant l'existence d'un flux financier anormal entre la SCI et la Z..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. Y... en sa qualité de dirigeant de la Z... alors, selon le moyen :

1°) que l'article 182, 6 de la loi du 25 janvier 1985 prévoit que la procédure ouverte à l'encontre de la personne morale peut être étendue à son dirigeant qui a détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ; que par ailleurs, en vertu de l'article 4 du Code de procédure pénale, ce qui a été jugé au pénal a autorité de chose jugée sur le civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un jugement du 7 février 1997, le tribunal correctionnel avait condamné M. Y... pour banqueroute, ce dernier ayant détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif social, en l'espèce environ 120 000 francs ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas décider que M. Y... n'avait pas commis le comportement réprimé par l'article 182, 6 précité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) que l'article 182,4 de la loi du 25 janvier 1985 permet l'extension de la procédure au dirigeant qui a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire quà la cessation des paiements de la société ; qu'en décidant par motifs adoptés, que tel n était pas le cas en l'espèce, parce que les loyers n étaient pas exorbitants, et que les salaires de M. Y... étaient portés au bilan, la cour d'appel qui n'a pas recherché comme elle y était invitée si les déficits de 1991 et 1992, respectivement de 171 672 francs et 268 184 francs, de même que la perte de la moitié du capital social non débattue conformément à l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966, n'auraient pas dû conduire le gérant à déposer le bilan, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 182, 4 susvisé ;

Mais attendu, d'une part, que le fait constitutif du délit de banqueroute retenu à l'encontre de M. Y... s'est produit après l'ouverture du redressement judiciaire de la personne morale et ne peut pas constituer l'un des faits qui, pour permettre l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard du dirigeant, doit s'être produit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la personne morale ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient, par motifs propres, que M. Y... n'avait pas augmenté le passif et qu'en sa qualité de caution, il avait payé l'un des créanciers de la société ; qu'ayant ainsi effectué la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.