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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 24 juin 2021, n° 19/05687

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Corben (SARL)

Défendeur :

Meilleurtaux (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

Avocats :

Me Teriitehau, Me Simon, Me Lafon

T. com. Nanterre, du 26 juill. 2019

26 juillet 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société Meilleurtaux a une activité de courtage dans le domaine des prêts pour les particuliers, qu'elle exerce à partir de son site web ou par l'intermédiaire d'un réseau d'agences exploitées par des franchisés. Elle relève du statut d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement, tel que défini au code monétaire et financier.

La société Corben - dont M. X, ancien salarié de la société Meilleurtaux depuis 2004, est le gérant majoritaire - a signé un premier contrat de franchise avec la société Meilleurtaux le 20 novembre 2009. Ce contrat, qui porte sur l'exploitation d'une agence sous l'enseigne Meilleurtaux à Sartrouville (78) a fait l'objet d'un renouvellement le 1er juillet 2014 pour une nouvelle durée de 5 ans. Cette agence est tenue par deux mandataires, Messieurs Y et Z, nommés par M. X, qui est lui-même présent sur le site de Sartrouville un à deux jours par semaine.

La société Corben détient des participations dans trois autres sociétés qui exploitent les agences Meilleurstaux de Rueil-Malmaison, Saint-Germain-en-Laye, et La Défense dans le cadre de contrats de franchise.

Le 12 mars 2018, la société Meilleurtaux a informé la société Corben qu'elle entendait réaliser un audit de l'agence de Sartrouville en juillet 2018.

Le 3 juillet 2018, M. X a informé le directeur régional de la société Meilleurtaux de graves problèmes sur cette agence, précisant qu'il avait constaté que ses mandataires signaient eux-mêmes, à la place des clients, les confirmations de mandat.

Le 23 juillet 2018, l'audit réalisé a donné lieu aux constatations suivantes : perte par la société Corben de son disque dur, existence de fausses signatures sur les dossiers examinés, impossibilité pour la société Corben de présenter 8 dossiers sur les 18 dossiers demandés du fait de leur destruction due à un dégât des eaux.

Par courrier recommandé du 26 juillet 2018, la société Meilleurtaux a informé la société Corben de sa décision de suspendre l'accès des mandataires à son intranet, lui a demandé de lui préciser sous 8 jours les mesures d'urgence envisagées pour continuer à suivre et traiter les dossiers des clients au sein de l'agence, et a convoqué M. X à son siège social pour le 31 août 2018, afin de recueillir ses explications sur les faits.

Par courrier recommandé du 19 septembre 2018, faisant suite à l'entretien du 31 août 2018, la société Meilleurtaux a informé la société Corben qu'elle résiliait le contrat de franchise, à effet immédiat, par application de la clause résolutoire contenue à l'article 12 du contrat, pour manquement grave à la réglementation sur la profession d'intermédiaire en opération de banque. Elle invoquait également des défauts de paiement de commissions.

Par acte du 14 novembre 2018, la société Meilleurtaux a assigné la société Corben devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir juger que la résiliation de plein droit du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société Corben, et de voir condamner cette dernière à lui payer diverses sommes.

Par acte d'huissier du 26 novembre 2018, la société Corben et M. X ont assigné la société Meilleurtaux à jour fixe devant ce même tribunal aux fins de voir juger que la résiliation du contrat pour manquement ponctuel commis par deux mandataires est disproportionnée et ne repose pas sur un motif légitime, et que la résiliation à l'initiative de la société Meilleurtaux est abusive et fautive, et ainsi la condamner à lui verser des dommages et intérêts au titre des préjudices subis.

Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Prononcé la jonction des affaires,

- Dit abusive la rupture par la société Meilleurtaux du contrat de franchise signé le 1er juillet 2014 avec la société Corben,

- Dit n'y avoir lieu à se prononcer sur la demande subsidiaire de la société Meilleurtaux visant à considérer que les fautes commises par les mandataires sont d'une gravité telle que la résiliation du contrat de franchise est pleinement justifiée,

- Dit que les manquements relatifs au non-paiement des commissions d'apport d'affaires ne sont pas d'une gravité telle que la résiliation du contrat de franchise est pleinement justifiée,

- Condamné la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 5 000 au titre de l'article 15.1 du contrat de franchise,

- Condamné la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 19 836 au titre de l'article 15.4 du contrat de franchise,

- Débouté la société Meilleurtaux de ses autres demandes au titre des articles 12.3 et 15.2 du contrat de franchise,

- Condamné la société Meilleurtaux à payer à la société Corben la somme de 40 687,55 au titre de la réparation de son préjudice au titre de la perte de valeur du fonds de commerce,

- Débouté la société Corben de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation des contrats la liant à des sociétés tierces,

- Débouté M. X de l'ensemble de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision uniquement en ce qu'elle a condamné la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 19 836,

- Condamné les sociétés Meilleurtaux et Corben aux dépens de l'instance, chacune pour la moitié de leur montant.

Par déclaration du 30 juillet 2019, la société Corben et M. X ont interjeté appel du jugement.

Par déclaration du 1er août 2019, la société Meilleurtaux a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 25 juin 2020, ces procédures ont été jointes.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2021, la société Corben et M. X demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit abusive la rupture du contrat de franchise signé le 1er juillet 2014, et en ce qu'il a dit que les manquements relatifs au non-paiement des commissions d'apport d'affaires ne sont pas d'une gravité telle que la résiliation du contrat de franchise est justifiée,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

. limité la condamnation mise à la charge de la société Meilleurtaux à la somme de 40 687,55 euros au titre de la réparation du préjudice subi par la société Corben au titre de la perte de valeur du fonds de commerce ;

. condamné la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article 15.1 du contrat de franchise ;

. condamné la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 19 836 euros au titre de l'article 15.4 du contrat de franchise ;

. débouté la société Corben de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation des contrats la liant à des sociétés tierces ;

. débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts correspondant à son manque à gagner en termes de rémunération et à son préjudice moral ;

- Constater que la société Corben a, dès le 26 novembre 2018, supprimé les signes distinctifs sur l'agence de Sartrouville et adressé des lettres recommandées pour supprimer tout référencement,

En conséquence,

- Débouter la société Meilleurtaux de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions aussi irrecevables que mal fondées,

- Débouter la société Meilleurtaux de son appel incident,

- Dire et juger que la société Meilleurtaux a mis en œuvre la clause résolutoire de mauvaise foi,

- Dire et juger que la résiliation à l'initiative de la société Meilleurtaux du contrat de franchise est abusive et fautive et intervient aux torts exclusifs de la société Meilleurtaux ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société Meilleurtaux à payer à la société Corben à titre de dommages-intérêts :

. la somme de 896 000 euros correspondant à la perte de valeur de son fonds de commerce,

. la somme de 111 158,33 euros correspondant aux frais de rupture des divers contrats la liant à des sociétés tierces,

- Condamner la société Meilleurtaux à payer à M. X à titre de dommages-intérêts

. la somme de 75 000 euros correspondant à son manque à gagner en termes de rémunération,

. la somme de 50 000 euros destinée à réparer son préjudice moral et à compenser les nombreux tracas consécutifs à la fermeture de son agence de Sartrouville,

- Condamner la société Meilleurtaux à payer à la société Corben la somme de 40 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Meilleurtaux aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la société Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Par dernières conclusions notifiées le 16 février 2021, la société Meilleurtaux demande à la cour de :

- Infirmer le jugement dont appel en l'ensemble de son dispositif,

- Et, statuant à nouveau,

- Déclarer la société Meilleurtaux recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Débouter la société Corben et M. X de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions,

En conséquence :

Pour ce qui concerne le grief résultant de l'existence de faux :

- A titre principal,

- Juger que la société Corben a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles,

- juger que la société Meilleurtaux n'a pas mis en œuvre la clause résolutoire de mauvaise foi,

- Constater/prononcer la résiliation du contrat de franchise signé le 1er juillet 2014 aux torts de la société Corben, par application des dispositions l'article 12.1 dudit contrat,

- Subsidiairement,

- juger que les fautes commises sont d'une gravité telle que la résiliation du contrat de franchise signé le 1er juillet 2014 est pleinement justifiée,

- En conséquence, juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société Corben,

Pour ce qui concerne le grief résultant de l'existence de commissions éludées :

- Juger que la société Corben a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles,

- Juger que les fautes commises sont d'une gravité telle que la résiliation du contrat de franchise est pleinement justifiée,

- En conséquence, juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société Corben,

Sur le montant des condamnations à l'encontre de la société Corben :

- Faire application des clauses du contrat de franchise et, en conséquence :

- Condamner la société Corben à payer à la société Meilleurtaux les sommes de :

. 66 614,4 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 12.3 du contrat de franchise,

. 48 000 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 15.1 du contrat de franchise,

. 30 000 euros au titre des manquements à l'article 15.2 du contrat de franchise,

. 19 836 euros au titre des manquements à l'article 15.4 du contrat de franchise,

- Condamner la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Corben aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 février 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Meilleurtaux sollicite, à titre principal, le constat de la résiliation du contrat de franchise par application de la clause résolutoire, et à titre subsidiaire la résiliation judiciaire de ce contrat aux torts de la société Corben, en raison des fautes graves commises par cette dernière.

La société Corben et M. X sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat par la société Meilleurtaux était abusive, et demandent à la cour de « dire que la résiliation intervient aux torts exclusifs de la société Meilleurtaux ».

1 - Sur la demande principale relative à la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat de franchise

Le premier juge a dit, dans les motifs de sa décision, que la société Meilleurtaux avait fait preuve de mauvaise foi dans l'application de la clause résolutoire du contrat de franchise, ajoutant : « la clause résolutoire s'est trouvée ainsi suspendue » (sic). Le premier juge conclut que la rupture du contrat est abusive et « partant intervenue aux torts exclusifs du franchiseur ». Le dispositif du jugement porte uniquement sur le caractère abusif de la rupture.

M. X et la société Corben soutiennent que la société Meilleurtaux a fait preuve de mauvaise foi dans la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat, dès lors que M. X n'est pas l'auteur des falsifications de signature, qu'il les a lui-même révélées au franchiseur, qu'il s'agit d'un fait isolé survenu après 14 années de collaboration (dont 9 années en tant que franchisé). Ils contestent en outre le second motif d'application de la clause résolutoire relatif au défaut de paiement des commissions.

La société Meilleurtaux fait valoir que les conditions d'application de la clause résolutoire du contrat sont remplies, et que celle-ci doit opérer de plein droit sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la gravité des faits.

Elle conteste toute imputation de mauvaise foi à son encontre dans la mise en œuvre de la clause.

Il résulte de l'article 12.1 du contrat de franchise, intitulé « résiliation sans mise en demeure préalable » que : « la résiliation interviendra de plein droit, dans les cas cités ci-après, à compter du jour de la notification du franchiseur : (...) En cas de non-respect des dispositions légales impératives applicables au statut d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement (...). »

Il résulte en outre de l'article L. 519-4, I du code monétaire et financier que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement doivent se comporter d'une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts des clients.

En l'espèce, il est constant - et admis par la société Corben - que deux de ses mandataires, en la personne de Messieurs Y et Z, ont chacun imité la signature de 5 clients dans des documents intitulés « confirmation de mandat », cette imitation ayant pour but l'encaissement des commissions. Il est admis, par la société Corben (conclusions page 20), que la falsification des signatures de 10 clients est contraire à la réglementation en vigueur, telle qu'établie par le code monétaire et financier, de sorte que les conditions d'application de la clause résolutoire sont réunies, la seule question qui se pose étant de savoir si la société Meilleurtaux a mis en œuvre cette clause de bonne ou de mauvaise foi.

La bonne foi de la société Meilleurtaux étant présumée, il appartient à la société Corben d'apporter la preuve de la mauvaise foi qu'elle lui impute, ce qui suppose de justifier d'une attitude volontaire et déloyale de sa part.

La société Corben et M. X soutiennent en premier lieu que la mauvaise foi de la société Meilleurtaux résulte du fait que celle-ci a mis en œuvre la clause résolutoire alors qu'elle savait parfaitement que M. X n'avait personnellement commis aucune violation de la réglementation, ajoutant qu'il n'a été informé des irrégularités qu'en juillet 2018 et qu'il a immédiatement pris des mesures radicales à l'encontre de Messieurs Y et Z.

La cour observe en premier lieu que la clause résolutoire n'a pas été mise en œuvre contre M. X, mais contre la société Corben, qui a seule la qualité de franchisée. La société Corben est responsable, vis à vis du franchiseur, des agissements de ses salariés et mandataires. Le fait que la société Meilleurtaux ait connaissance que M. X n'avait pas personnellement commis de violation de la réglementation et qu'il avait pris les mesures adéquates, ne rendait pas pour autant déloyale sa démarche de mise en œuvre de la clause résolutoire, dès lors que la société Corben avait manifestement failli à son obligation de surveillance de ses employés.

La société Corben et M. X soutiennent en second lieu que c'est ce dernier qui a lui-même révélé les falsifications au franchiseur, ajoutant qu'il n'a pas été découvert d'autres faits lors de l'audit réalisé en juillet 2018, indiquant enfin que le comportement répréhensible de ses mandataires n'a eu aucun impact sur le traitement des dossiers, ou les relations avec les clients et les banques. Ils soutiennent ainsi qu'au regard de l'attitude transparente de M. X, « la société Meilleurtaux ne pouvait, de bonne foi, mettre en œuvre la clause résolutoire. »

Tous les éléments qui visent à minimiser les faits reprochés à la société Corben sont indifférents quant à l'appréciation de la mauvaise foi éventuelle de la société Meilleurtaux, dès lors que la clause résolutoire s'applique de plein droit, sans qu'il y ait lieu à apprécier la gravité des faits.

S'il est exact que c'est M. X lui-même qui a révélé, le 3 juillet 2018, les graves anomalies dans la gestion de l'agence de Sartrouville, il apparaît toutefois qu'il était alors informé - depuis 3 mois - qu'un audit devait se dérouler quelques jours plus tard (à compter du 12 juillet 2018) dans son agence, et qu'il avait dès lors tout intérêt à révéler lui-même ce que la société Meilleurtaux risquait de découvrir. En tout état de cause, le seul fait que M. X ait révélé, quelques jours avant l'audit réalisé par la société Meilleurtaux, les graves anomalies constatées dans son agence est insuffisant à caractériser une quelconque déloyauté de la société Meilleurtaux dans la mise en œuvre de la clause résolutoire.

La société Corben et M. X soutiennent en troisième lieu que les faits reprochés sont des faits isolés et exceptionnels, rappelant la gestion irréprochable des trois autres agences Meilleurtaux, filiales de la société Corben.

Par cette argumentation, la société Corben tend encore à minimiser les faits plutôt qu'à établir la déloyauté de la société Meilleurtaux, ce qui est inopérant compte tenu du caractère automatique de l'application de la clause résolutoire, indépendant de toute gravité des faits ou de leur caractère éventuellement isolé ou exceptionnel.

La société Corben et M. X soutiennent en quatrième lieu que la mauvaise foi de la société Meilleurtaux résulte de l'inégalité de traitement entre les différents franchisés, indiquant notamment que la société Meilleurtaux n'a pas résilié les contrats de franchise des agences de Boulogne et de Cannes alors même qu'elles ont connu des faits identiques.

Ainsi que le fait observer la société Meilleurtaux, l'éventuelle mauvaise foi dans l'application de la clause résolutoire doit s'apprécier au regard des relations entre les parties au contrat, sans qu'il y ait lieu de se référer à d'autres relations contractuelles, le franchiseur n'étant en outre pas soumis à une obligation d'adopter strictement le même comportement à l'égard de ses franchisés. Force est en outre de constater que les circonstances des faits survenus dans d'autres agences sont soit imprécises (les pièces 31 et 32 de la société Corben sont en outre illisibles), soit très distinctes (agence de Cannes), et qu'il est donc impossible de rapprocher les divers comportements de la société Meilleurtaux. La preuve d'une quelconque déloyauté de la société Meilleurtaux à ce titre n'est donc pas rapportée.

La société Corben et M. X soutiennent en cinquième lieu que la société Meilleurtaux a adopté à son égard un comportement anormalement sévère au regard de la jurisprudence de l'autorité de contrôle (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution).

Ainsi que le fait observer la société Meilleurtaux, il n'est pas possible de comparer une jurisprudence d'une autorité de contrôle prenant en compte la gravité des fautes commises pour décider d'une sanction, avec l'application d'une clause résolutoire de plein droit contractuellement acceptée par les parties qui est totalement indépendante de la gravité des faits commis, de sorte que cet argument est inopérant.

La société Corben et M. X soutiennent enfin que la mise en œuvre de la clause résolutoire résulterait de la seule volonté de sanctionner M. X pour le rôle joué dans l'association des franchisés, afin de « tenter de faire taire le mouvement de contestation ». Ils se fondent en cela sur la lettre qu'ils ont adressée à la société Meilleurtaux le 28 septembre 2018, et sur des courriers tendant à établir que la société Meilleurtaux aurait refusé tout dialogue avec les franchisés.

Les seules affirmations de M. X contenues dans son courrier du 28 septembre 2018 sont insuffisantes à démontrer que le motif réel de mise en œuvre de la clause résolutoire serait de sanctionner M. X pour son rôle d'animation dans l'association des franchisés. L'éventuel refus de dialogue de la société Meilleurtaux avec ses franchisés est en outre sans lien avec la mise en œuvre de la clause résolutoire.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est nullement établi que la société Meilleurtaux ait fait preuve de mauvaise foi dans la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat de franchise, de sorte qu'il convient de faire application de cette clause dont il n'est au demeurant pas contesté que les conditions sont remplies, ainsi qu'il a déjà été démontré.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat par la société Meilleurtaux était abusive, la cour constatant l'acquisition de la clause résolutoire, et la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Corben à la date du 19 septembre 2018.

Le contrat de franchise étant résilié de plein droit du fait de l'acquisition de la clause résolutoire en raison du non-respect par la société Corben des dispositions impératives applicables au statut d'intermédiaire en opérations de banque, il n'y a pas lieu de statuer sur le second grief allégué par la société Meilleurtaux à l'encontre de la société Corben du fait du non-versement de certaines commissions.

Aucune attitude déloyale de la société Meilleurtaux n'étant établie, ni aucune autre faute alléguée à son encontre, les demandes indemnitaires formées par la société Corben du fait de la rupture prétendument abusive du contrat de franchise seront rejetées.

2 - sur les conséquences de la résiliation de plein droit du contrat de franchise

2-1 - sur la demande en paiement au titre de la clause pénale

Il résulte de l'article 12.3 du contrat de franchise intitulé « clause pénale » que : « dans l'hypothèse où le contrat de franchise serait rompu unilatéralement par le franchisé, (Souligné par la cour) pour quelle que (sic) cause que ce soit, y compris dans l'hypothèse de la perte du droit au bail avant l'échéance liée à une négligence ou faute du franchisé, à l'exception toutefois d'un manquement grave du franchiseur, le franchisé s'engage à payer au franchiseur une somme destinée à compenser son manque à gagner. Cette somme sera égale à 8,5 % du chiffre d'affaires mensuel HT réalisé dans l'agence sur la moyenne des 24 derniers mois complets, multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'au dernier jour de l'arrivée du terme. »

La société Meilleurtaux sollicite à ce titre une somme de 66 614,40 euros.

La cour ne peut que constater que les conditions d'application de la clause pénale ne sont pas remplies dès lors que le contrat de franchise a été rompu unilatéralement par le franchiseur, et non pas par le franchisé. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

2-2 - sur la violation du contrat relative à l'utilisation de l'enseigne

Il résulte de l'article 15.1 du contrat de franchise, intitulé « obligations des parties à la cessation du contrat » que : en cas de cessation des présentes, pour quelle que (sic) cause que ce soit, il est expressément convenu ce qui suit (...) : le franchisé devra cesser immédiatement d'exploiter l'agence sous l'enseigne et de faire référence à l'enseigne, à peine de tous dommages et intérêts, y compris sur tout annuaire, moteur de recherchYLe franchisé perd le droit d'utiliser l'enseigne pour ses lignes téléphoniques, éventuellement la rubrique enseigne du RCS, télex, fax, et site internet au jour de la cessation des présentes et modifiera en conséquence son inscription dans les annuaires, minitel, ainsi que sur internet (...). En cas de violation du présent article, le franchisé devra payer au franchiseur la somme de 40 000 euros HT à titre de clause pénale, sans préjudice de tous droits et recours de ce dernier.

Le premier juge a partiellement fait droit à la demande de la société Meilleurtaux en lui allouant une somme de 5 000 euros à ce titre, estimant qu'il s'agissait d'une clause pénale manifestement excessive.

La société Meilleurtaux reprend en appel sa demande en paiement de la somme de 40 000 euros HT, soit 48 000 euros TTC, au motif que la société Corben a continué de faire référence à l'enseigne Meilleurtaux sur plusieurs sites internet à la date du 8 novembre 2018, puis encore sur 4 sites internet au 24 janvier 2019.

La société Corben soutient avoir supprimé les signes distinctifs, et avoir adressé de nombreuses lettres afin que l'agence ne soit plus référencée sous enseigne Meilleurtaux.

Il résulte de l'article 1152 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Les documents produits aux débats par la société Meilleurtaux permettent d'établir que la société Corben était encore répertoriée sous l'enseigne Meilleurtaux sur une douzaine de sites internet le 8 novembre 2018, puis sur 4 sites internet au 24 janvier 2019.

Ces documents ne sont pas en contradiction avec les pièces produites par la société Corben qui justifie bien avoir demandé des suppressions d'annuaires, mais uniquement par courriers datés du 26 novembre 2018, certains annonceurs ayant indiqué que des traces de parution pouvaient subsister durant un certain temps dans les résultats de moteurs de recherche.

Compte tenu de la résiliation du contrat de franchise le 19 septembre 2018, il est ainsi établi que la société Corben a continué, durant plus de 2 mois au moins, à faire usage de l'enseigne notamment sur des sites internet. Il est ainsi justifié de la violation de l'article précité.

Il apparaît toutefois que la demande en paiement d'une somme de 40 000 euros au titre de la clause pénale est manifestement excessive dès lors, d'une part que l'arrêt des annonces nécessite un certain délai, d'autre part qu'il n'est justifié d'aucune plainte de clients qui auraient tenté vainement de joindre la société Meilleurtaux, ni d'aucun autre préjudice.

La cour estime dès lors devoir limiter la clause pénale à la somme de 2 000 euros, sans qu'il y ait lieu à application de la TVA, dès lors qu'il s'agit d'une indemnisation. La société Corben sera condamnée au paiement de cette somme au titre de l'article 15.1 du contrat, le jugement étant ainsi infirmé sur le quantum de cette demande.

2-3 - sur la violation de l'obligation de retrait de l'enseigne

Il résulte de l'article 15-2 du contrat de franchise que : « le franchisé devra cesser immédiatement procéder au retrait et à la mise à disposition du franchiseur du ou des panonceaux-enseignes, du balisage intérieur et extérieur, ainsi que de tous autres éléments dont il est locataire ou dépositaire. »

Le premier juge a rejeté cette demande au motif que l'article précité ne prévoyait aucune pénalité, et que la société Meilleurtaux ne justifiait d'aucun préjudice.

La société Meilleurtaux sollicite paiement de la somme de 30 000 euros, faisant valoir que la société Corben n'avait pas retiré son enseigne et le balisage au 7 novembre 2018.

Il résulte d'un constat d'huissier du 7 novembre 2018 que l'enseigne « meilleurtaux.com » est toujours présente au-dessus de la façade du local commercial de la société Corben à Sartrouville. La vitrine comporte un téléviseur diffusant une vidéo avec le logo « meilleurtaux.com », et cette inscription est également visible à l'intérieur du magasin.

Il ressort du constat d'huissier produit par la société Corben que cette enseigne et les inscriptions Meilleurtaux n'étaient plus présents à la date du 14 novembre 2018.

Il n'en reste pas moins que la société Corben a continué à faire usage de l'enseigne durant 2 mois après la cessation du contrat en infraction avec les dispositions précitées.

Si l'on peut admettre que la présence de l'enseigne sur une boutique dépourvue d'activité porte atteinte à l'image de marque de la société Meilleurtaux, celle-ci ne justifie toutefois pas du quantum réel de son préjudice que la cour estime pouvoir apprécier à hauteur de la somme de 3 000 euros, étant observé qu'il n'est justifié d'un manquement que sur une courte période entre la date de résiliation le 19 septembre et le 14 novembre 2018. La société Corben sera condamnée au paiement de cette somme, le jugement étant infirmé de ce chef.

2-4 - sur la demande en paiement de sommes dues au titre d'un apport d'affaires (article 15.4 du contrat de franchise)

La société Meilleurtaux sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Corben au paiement de la somme de 19 836 euros en règlement de « commissions dues au titre de l'apport des fiches web ».

Elle expose que cette demande résulte du courrier de résiliation du 19 septembre 2018, auquel est joint le tableau des commissions dues en raison de « doublons », étant précisé que ces doublons consistent en un double enregistrement d'une fiche client, au niveau national, puis local, ce qui permet au franchisé d'échapper au paiement d'une commission au profit du franchiseur.

La société Corben fait valoir que les doublons ne représentent qu'une part infime de son activité, à savoir : « 19 836 euros sur un chiffre d'affaires global sur cette même période de 2 275 687 euros », de sorte qu'il n'y a aucune fraude de sa part, contrairement à ce qui est soutenu. Elle soutient que l'outil utilisé par le franchiseur pour conclure à des doublons n'est pas fiable.

Le constat d'huissier produit aux débats par la société Corben (constat du 16 novembre 2018) ne permet pas de démontrer un défaut de fiabilité de l'outil du franchiseur, ce constat ayant pour seul objet de rechercher un homonyme sans utiliser aucun filtre. Force est ici de constater que la liste des 22 doublons établie par la société Meilleurtaux n'est pas discutée par la société Corben, ses contestations portant sur des doublons établis postérieurement (sa pièce numéro 62). Il convient dès lors de faire droit à la demande en paiement formée par la société Meilleurtaux au titre des 22 doublons relevés en septembre 2018, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Corben au paiement de la somme de 19 836 euros en règlement des commissions dues au titre de l'apport des fiches web.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Chacune des parties succombant partiellement, elle conservera à sa charge ses propres dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 juillet 2019 en ce qu'il a :

- condamné la société Corben à payer à la société Meilleurtaux la somme de 19 836 euros au titre de l'article 15.4 du contrat de franchise,

- débouté M. X de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Meilleurtaux et la société Corben aux dépens, chacune pour moitié,

- dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de franchise, à la date du 19 septembre 2018, aux torts de la société Corben,

Condamne la société Corben à payer à la société Meilleurtaux :

- la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 15.1 du contrat,

- la somme de 3 000 euros au titre de l'article 15.2 du contrat,

Rejette toutes autres demandes,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.