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Décisions

Cass. com., 23 juin 2021, n° 18-24.039

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

ATL location (SARL)

Défendeur :

Samuel William Auto Lease (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Alain Bénabent

T. com. Paris, du 28 nov. 2016

28 novembre 2016

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 2018), les sociétés ATL location (la société ATL) et SWAL Samuel William Auto Lease (la société SWAL), revendiquant le statut d'agent commercial, ont assigné la société Avis location de voitures (la société Avis), au nom et pour le compte de laquelle elles exploitaient plusieurs secteurs géographiques déterminés, en résiliation des contrats conclus avec elle et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de diverses sommes et indemnités.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Les sociétés ATL et SWAL font grief à l'arrêt de rejeter leur demande fondée sur le statut d'agent commercial, alors « qu'outre la condition liée au pouvoir du mandataire d'engager le mandant, le statut d'agent commercial est applicable dès lors que le mandataire dispose effectivement d'une marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique ; qu'en exigeant que le mandataire dispose d'un pouvoir discrétionnaire de négociation, quand la loi n'impose rien de tel, les juges du fond ont violé l'article L. 134-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 134-1, alinéa 1, du code de commerce :

4. Selon ce texte, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de3 564 conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

5. Pour dire que les sociétés ATL et SWAL n'avaient pas la qualité d'agent commercial et rejeter leurs demandes présentées sur ce fondement, l'arrêt, après avoir énoncé que cette qualité suppose la capacité discrétionnaire accordée à celui qui s'en prévaut de négocier les contrats passés au nom du mandant et de disposer, à cet effet, de réelles marges de manœuvre quant aux tarifs pratiqués, retient qu'aucun pouvoir discrétionnaire de négociation n'est en l'espèce caractérisé, les mandataires n'ayant ni la possibilité d'appliquer aux clients une réduction de 25 % sur les tarifs, dès lors que la réduction consentie ne pouvait l'être qu'en exécution de la politique tarifaire de la société Avis selon une grille et des codes de réductions définis par elle, ni la possibilité de proposer, selon la pratique des « upsell », aux clients un véhicule d'une gamme supérieure à celle réservée, dès lors que le surclassement donnait lieu à la facturation d'un supplément de prix fixé par référence à la grille tarifaire d'Avis.

6. En statuant ainsi, alors que les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, que l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération commerciale pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix des marchandises vendues ou des services rendus, ce dont il résulte qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. Les sociétés ATL et SWAL font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes présentées sur des fondements contractuels et délictuels alors « que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés ATL et SWAL soutenaient que les manquements invoqués s'étaient répétés dans le temps et notamment au cours des années ayant précédé le 22 décembre 2014 ; et qu'en s'abstenant de rechercher si eu égard aux faits invoqués et à leur date, la prescription ne devait pas être écartée, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil et 26 de la loi n 2008-561 du 17 juin 2008 (2222 nouveau du code civil), ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, 26 de la loi n 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 110-4 du code de commerce :

8. Aux termes du dernier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. Il résulte du premier que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, et du deuxième que les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

9. Pour déclarer prescrite l'action des sociétés ATL et SWAL, l'arrêt retient qu'elles soutiennent s'être vu interdire l'accès à de multiples catégories de véhicules dès l'entrée en vigueur des conventions et que leur action en paiement de commissions qui seraient dues sur des contrats effectivement conclus par leur intermédiaire vise, en réalité, à obtenir la condamnation de la société Avis au paiement de dommages-intérêts en réparation des pertes d'exploitation générées par les restrictions dans l'accès aux véhicules de location dont elles prétendent avoir été privées. L'arrêt énonce ensuite que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance puis relève que les contrats en cause ont pris effet le 7 novembre 2005 pour l'agence d'ATL sise à Epinay-sur-Seine, le 6 juillet 2006 pour l'agence ATL de Bagnolet et le 29 septembre 2005 pour le contrat signé avec SWAL. Il en déduit que c'est à ces dates que le caractère dommageable des faits fautifs invoqués s'est révélé aux sociétés ATL et SWAL et que les actions en responsabilité au titre des manquements reprochés à la société Avis étaient prescrites respectivement pour la société ATL depuis les 7 novembre 2010 et 6 juillet 2011 et pour la société SWAL depuis le 29 septembre 2010.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les divers manquements qui étaient invoqués par les sociétés ATL et SWAL ne s'étaient pas répétés au cours des années ayant précédé la délivrance de l'assignation, le 22 décembre 2014, de sorte que la prescription devait être écartée en ce qui les concerne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.  

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,  

la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les sociétés ATL location et SWAL - Samuel William Auto Lease de leurs demandes fondées sur le statut d'agent commercial, en ce qu'il dit irrecevables les demandes des sociétés ATL location et SWAL - Samuel William Auto Lease présentées sur des fondements contractuel et délictuel et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.