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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 25 juin 2021, n° 17/05262

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Alliances (SAS)

Défendeur :

Xerox (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

M. Ardisson, Mme Sentucq

Avocats :

Me Andrez, Me Sabatier

T. com. Paris, du 31 janv. 2017

31 janvier 2017

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société XEROX est spécialisée dans la fabrication et le commerce d'équipements de bureau. Elle distribue ses produits et services sur l'ensemble du territoire, notamment par l'intermédiaire d'un réseau de distribution composé de 99 concessionnaires XEROX mono-marque.

La société ALLIANCES avait pour activité l'achat, la vente et la location de matériel informatique XEROX. Elle était concessionnaire mono-marque XEROX depuis l'année 1987 sans interruption, par des contrats de concession successifs à durée déterminée.

Le dernier contrat a été conclu pour une durée déterminée de trois ans à compter du 1er février 2012 expirant au 31 janvier 2015. Il stipule en substance :

Article 1 Concession :

Prise d'effet au 1/02/2012 pour une durée de 36 mois sauf résiliation anticipée conformément à l'article 9 (article 1-2), venant à expiration le 30 janvier 2015, au terme de laquelle il prend fin de plein droit, un nouveau contrat pouvant être signé.

1-1 XEROX s'engage :

- à reconnaître au CONCESSIONNAIRE, établi sur le territoire de référence défini à l'annexe E, la qualité d'acheteur-revendeur pour la distribution non exclusive des produits désignés à l'annexe B (les PRODUITS CONTRACTUELS) pouvant inclure les logiciels

- à n'effectuer aucune prospection directe pour les PRODUITS CONTRACTUELS sur le territoire de référence auprès de |'ensemble de la clientèle, à l'exception des comptes listés à l'annexe G.

- à ne pas signer sur le territoire de référence une convention identique à la présente.

- XEROX garde la possibilité de vendre les PRODUITS CONTRACTUELS en quelque lieu et par quelque intermédiaire que ce soit sous réserve de l'article 1.1. b).

1-4 ALLIANCES s'engage :

- à se procurer les produits contractuels et leurs consommables auprès de XEROX uniquement ou d'une personne autorisée par XEROX

- à ne pas s'intéresser à la fabrication de produits concurrents aux produits contractuels leurs accessoires ou consommables

- à ne pas vendre les produits contractuels à un client non agréé pour la distribution des produits concernés

- à se charger du lancement de tous produit mis en marché par XEROX

- quand les produits contractuels sont achetés par le Concessionnaire auprès d'un autre distributeur agréé, aucune convention signée entre ce distributeur et le Concessionnaire ne peut engager XEROX et si l'accord porte sur des produits XEROX, le Concessionnaire autorise XEROX à connaître les conditions financières et commerciales d'un tel accord

Article 2 Obligations du Concessionnaire

Il doit :

2-1 en toutes circonstances conduire son entreprise dans le souci de l'intérêt du client et de la notoriété de XEROX, il est responsable de la notoriété de XEROX et doit agir avec professionnalisme (…) pour maintenir l'harmonie du réseau.

2-3 tout mettre en œuvre pour assurer avec l'assistance technique de XEROX, ou de tout fournisseur accrédité par XEROX, la distribution maximale des produits contractuels et le développement optimal de la concession dans le respect de la politique commerciale et de l'image de marque définies par XEROX et communiquées chaque fois que nécessaire au Concessionnaire, veiller à assurer la distribution maximale et à se conformer aux directives de XEROX.

2-5 : accepter les objectifs commerciaux qu'il doit atteindre figurant avec les primes et ristournes en annexe C. La réalisation de ces objectifs constitue un élément essentiel du contrat, leur défaut de réalisation justifierait la résiliation de plein droit conformément à l'annexe 9-1.

Article 3 Obligations de XEROX

3-1 XEROX met tout en œuvre dans les conditions des clauses 3-2 et 6-1 pour satisfaire les commandes du concessionnaire en produits contractuels.

3-7 XEROX fournit une assistance opérationnelle exclusive de toute immixtion dans la gestion de l'entreprise du Concessionnaire.

Article 5 Etablissement des prix

5-1 Les prix des produits contractuels achetés directement auprès de XEROX par le Concessionnaire sont ceux définis par le tarif Concessionnaire communiqué périodiquement par XEROX

Article 6 Conditions de Paiement et Transfert de Propriété

6-1 jusqu'à hauteur de l'encours fixé à l'annexe F, les factures de XEROX liées aux commandes du Concessionnaire sont payables selon ce qui est dit à l'annexe F. XEROX peut refuser toute commande dépassant cet encours.

6-2 Si tout ou partie d'une facture reste impayée après la date de son échéance de règlement XEROX facture un intérêt au taux fixe prévu en annexe F, peut refuser d'accepter d'autres commandes, suspendre ou annuler les livraisons de commandes en attente ou à venir, exiger le paiement immédiat de toute facture émise

Article 9 Résiliation

9-1 Résiliation de plein droit et sans indemnité, par la partie la plus diligente, au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception, en cas d'inexécution par l'autre partie de l'un quelconque de ses engagements, notamment dans le cas où le CONCESSIONNAIRE ne respecte pas ses objectifs ou ne règle pas les factures dues à XEROX.

La lettre recommandée fait courir un délai de 3 mois, compte de date à date, à l'expiration duquel le contrat prend fin(...)

L'annexe A comporte les supports pour la promotion et l'utilisation de la marque XEROX.

La liste des produits contractuels est fournie en Annexe B.

Les objectifs commerciaux, ristournes et primes 2012 et le réseau concessionnaires XEROX FRANCE sont définis en annexe C.

Ils s'appuient sur le statut de premier Partner du Concessionnaire, d'un partenariat XFS indice d'activité supérieur ou égal à 100 % sur le semestre précédent, fixent une croissance du chiffre d'affaires achat de H1 et H2 ouvrant droit à la perception d'une ristourne dont l'objectif est la croissance du nombre de contrats « PagePacks » et des contrats « eClick XPPS » (contrat souscrit par le Concessionnaire auprès de XEROX portant sur un équipement faisant l'objet d'un contrat de services XEROX PARTNER PRINT SERVICES).

L'annexe H définit les conditions de commercialisation du Service Pack et du service d'Extension des garanties par le revendeur et notamment du PagePack Service objet du litige.

Ces conditions générales stipulent en leur article 15-3 les modalités de paiement des factures pendant toute la durée du contrat de maintenance ainsi que les conditions d'exigibilité.

L'article 15-4 stipule le taux d'intérêt de retard applicable.

L'article 15-5 accorde à XEROX la faculté de suspendre ses prestations en cas de mise en demeure restée infructueuse.

L'article 15-7 donne au revendeur la faculté de contester la facturation ans un délai de 10 jours ouvrés suivant la date de la facture et en communiquant à XEROX toutes les informations nécessaires pour résoudre la contestation.

Les dispositions de l'article 18-1 fixent les conditions de la résiliation en cas de manquement imputable au revendeur en impartissant à XEROX l'obligation de remédier au manquement dans un délai de 30 jours.

A la fin du mois de juillet 2014, ayant constaté que la société ALLIANCES ne lui avait pas réglé la somme de 72 000 qu'elle lui devait au titre des contrats de maintenance « PagePack », la société XEROX lui faisait part de ses inquiétudes quant à sa situation financière et sollicitait la communication d'éléments financiers.

Par courriel du 29 août 2014, la société XEROX sollicitait de la société ALLIANCES le règlement, sous 48 heures, de la somme de 272.130 TTC au titre des contrats de maintenance, à défaut de quoi elle indiquait qu'elle suspendrait la maintenance de l'ensemble des équipements de la société ALLIANCES.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2014, la société XEROX prenait acte, auprès de la société ALLIANCES, du non-paiement de l'échéance « PagePack » pour un montant de 272 130 TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 septembre 2014, la société XEROX indiquait à la société ALLIANCES qu'elle n'entendait pas conclure avec elle de nouveau contrat de concession à l'échéance du contrat en cours, soit le 31 janvier 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2014, la société XEROX mettait en demeure la société ALLIANCES de régler sous 30 jours l'arriéré des factures qu'elle fixait à la somme de 285.822,24, à défaut de quoi tous les contrats de sous-traitance de maintenance « PagePack » en cours seraient résiliés en application de la clause résolutoire des conditions générales « PagePack ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2014, la société XEROX indiquait à la société ALLIANCES que l'ensemble des contrats de sous-traitance de maintenance « PagePack » étaient résiliés avec effet au 23 octobre 2014.

Selon assignation en date du 30 décembre 2014, la société XEROX saisissait le Tribunal de Commerce de Paris aux fins de condamnation de la société ALLIANCES au paiement de l'arriéré de factures de sous-traitance de maintenance « PagePack », et réparation des préjudices subis du fait de l'abandon par la société ALLIANCES du contrat de concession avant son terme, de la désorganisation et de l'atteinte à l'image de la société XEROX.

Postérieurement, par jugement du 4 mai 2015, le Tribunal de commerce d'Evry ouvrait une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société ALLIANCES, fixait la date de cessation des paiements au 1er juillet 2014 et désignait la SCP X, prise en la personne de Maître X ès-qualités de liquidateur judiciaire.

Le 27 mai 2015, la société XEROX déclarait ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLIANCES, pour un montant total de 3 109 219 euros.

Par acte du 22 juillet 2015, la société XEROX assignait Maître X ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société ALLIANCES aux fins de régularisation de la procédure et reprise d'instance.

Le 19 octobre 2015, les deux instances étaient jointes par le Tribunal de commerce de Paris.

Par un jugement du 31 janvier 2017, le Tribunal de commerce de Paris a :

- Dit que les conditions de reprise de l'instance sont réunies,

- Prononcé la jonction des instances RG2015000333 et RG2015045542,

- Débouté Maître X, ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Alliances, de toutes ses demandes,

- Fixé la créance de la société Xerox à la procédure de la société Alliances à la somme de 272 130 euros, avec intérêt au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage sur :

- la somme de 72 000 euros du 1 août 2014 au 3 mai 2015,

- la somme de 200 130 euros du 1 septembre 2014 au 3 mai 2015,

- Débouté la société Xerox pour le surplus,

- Fixé la créance de la société Xerox à la procédure de la société Alliances, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 5 000 euros, déboutant pour le surplus,

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire

- Dit que les dépens seront employés en frais de procédure collective, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 82,44 dont 13,52 de TVA.

La SCP X, ès-qualités de liquidateur de la société ALLIANCES, a interjeté appel de ce jugement selon déclaration reçue au greffe de la cour le 13 mars 2017.

La société XEROX a interjeté appel incident dudit jugement.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 29 septembre 2017, la société X demande à la Cour de :

Vu l'ancien article 1147 du Code civil, devenu l'article 1231-1 du Code civil,

Vu l'article L 442-6 -5° du code de commerce,

Vu l'article L134-1 du Code de commerce,

Vu l'article L134-12 du Code de commerce,

Vu les pièces versées au débat,

Vu l'état de la jurisprudence ;

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTER la société XEROX de l'ensemble de ses demandes ;

RECEVOIR la SCP X ès qualités en ses demandes reconventionnelles;

Sur les manquements contractuels de XEROX

DIRE que la cessation par XEROX de l'exécution de ses prestations de maintenance et de fourniture de consommables auprès des clients d'ALLIANCES et son refus d'enregistrer tous nouveaux contrats apportés par ALLIANCES sont fondés sur un motif fallacieux et non valable et qu'ils constituent un manquement contractuel ;

DIRE que le non-respect par XEROX des formalités prévus pour la rupture des contrats de maintenance et de fourniture de consommables constitue un manquement contractuel ;

DIRE que XEROX a manqué à son obligation de loyauté en s'abstenant de lever la clause d'exclusivité d'approvisionnement prévue au contrat de concession ;

JUGER que le comportement fautif de XEROX a privé ALLIANCES de toute chance de réorienter son activité ;

CONDAMNER XEROX à payer à la SCP X ès qualités la somme de 6 783 273,06 euros en réparation du préjudice subi par ALLIANCES ;

Sur la brutalité de la rupture des relations commerciales

DIRE que la cessation par XEROX de l'exécution de ses prestations de maintenance et de fourniture de consommables auprès des clients d'ALLIANCES et son refus d'enregistrer tous nouveaux contrats apportés par ALLIANCES sont intervenus de manière brutale et fautive au sens de l'article L. 442-6-5° du code de commerce ;

DIRE que la rupture par XEROX du contrat de concession est intervenue de manière brutale et fautive au sens de l'article L 442-6 5° du code de commerce ;

JUGER que le comportement fautif de XEROX a privé ALLIANCES de toute chance de poursuivre et réorienter son activité ;

CONDAMNER XEROX à payer à la SCP X ès qualités la somme de 6 783 273,06 euros en réparation du préjudice subi par ALLIANCES ;

Sur le détournement de la clientèle d'ALLIANCES et la spoliation du fonds de commerce d'ALLIANCES

DIRE que XEROX a démarché et détourné les clients d'ALLIANCES ;

DIRE que XEROX aurait dû présenter à ALLIANCES un ou plusieurs candidats au rachat du fonds de commerce de cette dernière ;

DIRE que XEROX a commis une faute contractuelle en privant ALLIANCES de toute chance de revendre son fonds de commerce ;

DIRE que XEROX a spolié le fonds de commerce d'ALLIANCES ;

CONDAMNER XEROX à payer à la SCP X ès qualités la somme de 6 783 273,06 euros en réparation du préjudice subi par ALLIANCES ;

A titre subsidiaire,

REQUALIFIER le contrat « de concession » conclu entre XEROX et ALLIANCES en contrat d'agent commercial ;

CONDAMNER XEROX à payer à la SCP X ès qualités une indemnité dont le montant correspond à celui de l'insuffisance d'actif, lequel s'établit à 6 783 273,06 euros.

En tout état de cause,

CONDAMNER XEROX à payer à la SCP X ès qualités la somme de 20 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER XEROX aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Paul Andrez, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 4 novembre 2019, la société XEROX demande à la Cour de :

Vu les articles 1134 et 1149 du Code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,

Vu le contrat de concession conclu entre la société XEROX et la société ALLIANCES,

Vu l'article L 442-6 I 5°) du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019,

Vu l'article 2224 du code civil

Vu les articles L. 134-1 et L. 134-12 du code de commerce

- Débouter la SCP X, prise en la personne de Me X ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société ALLIANCES, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Confirmer le jugement rendu le 31 janvier 2017 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

Limité la fixation de la créance d'arriéré de factures de sous-traitance de maintenance de la société XEROX au passif de la société ALLIANCES, à la somme en principal de 272 130 avec intérêt au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points en pourcentage sur :

la somme de 72 000 du 1er août 2014 au 3 mai 2015,

la somme de 200 130 du 1er septembre 2014 au 3 mai 2015,

et débouté la société XEROX de ses demandes de fixation de créance au passif de la société ALLIANCES au titre des préjudices subis pour perte de marge sur équipements, perte de marge sur maintenance, et trouble commercial.

L'infirmer sur ces points ; et statuant de nouveau :

- Fixer la créance de la société XEROX au passif de la société ALLIANCES SA à la somme de 853 749 TTC au titre des factures de sous-traitance de maintenance arriérées ; outre 37 810 au titre des intérêts de retard conformément à l'article 15.4 du contrat arrêtés au 4 mai 2015, soit une somme totale de 891 559 TTC en principal et intérêts.

- Fixer la créance de la société XEROX au passif de la société ALLIANCES SA à la somme de 680 000 au titre du préjudice subi pour perte de marge sur les équipements.

- Fixer la créance de la société XEROX au passif de la société ALLIANCES SA à la somme de 987 660 au titre du préjudice subi pour perte de marge sur la maintenance.

- Fixer la créance de la société XEROX au passif de la société ALLIANCES SA à la somme de 530 000 au titre du trouble commercial subi par la société XEROX

- Fixer la créance de la société XEROX au passif de la société ALLIANCES à la somme de 30 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner la SCP X, prise en la personne de Me X ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société ALLIANCES SA, aux entiers dépens.

SUR QUOI,

LA COUR :

Sur les manquements contractuels

1 Sur le refus d'enregistrer de nouveaux contrats

L'appelant soutient que la société XEROX a commis une faute en refusant, dès le mois d'août 2014, sans motif valable et sans la prévenir, d'enregistrer tout nouveau contrat de maintenance, ce qui a eu pour conséquence d'empêcher la société ALLIANCES d'acheter des machines XEROX en vue de leur revente puisqu'il n'était pas envisageable de revendre ces machines XEROX sans pouvoir proposer aux clients les prestations de maintenance réalisées par la société XEROX, et donc de l'empêcher d'exercer son activité de concessionnaire XEROX.

Cependant en vertu de l'article 10-9 des conditions générales du contrat de maintenance Service Pack & Extension de Garantie « XEROX pourra suspendre toute commande de nouveau contrat de Maintenance en cas de non-respect par le revendeur de ses obligations à paiement à l'égard de XEROX que ce soit au titre du présent contrat ou au titre de quelque autre contrat conclu entre le Revendeur et XEROX ».

Ainsi XEROX, au vu de l'impayé qui s'élevait dès le mois de juillet 2014 à 72 000 euros, dont elle avait sollicité le paiement corrélativement à la transmission des informations portant sur la situation financière de l'entreprise, était fondée à suspendre les commandes de nouveaux contrats alors qu'au 29 août 2014 l'impayé à l'encontre duquel ALLIANCES n'avait émis aucune contestation de facturation, s'élevait à la somme de 272.130 TTC quand par ailleurs les contrats de maintenance en cours se poursuivaient, permettant à ALLIANCES à tout le moins d'éviter un accroissement supplémentaire de sa dette.

2-Sur la suspension puis la résiliation des contrats de maintenance et de fourniture de consommables

L'appelant soutient que la société XEROX a également commis une faute en suspendant puis résiliant les contrats de maintenance et de fourniture de consommables au motif d'impayés alors même qu'elle n'a adressé aucune facture valable à la société ALLIANCES, contrairement à ce qui était prévu dans les conditions générales des contrats PagePack et eClick. Elle soutient que la société XEROX a ainsi prétexté un manquement de la société ALLIANCES à ses obligations contractuelles pour pouvoir cesser d'exécuter les siennes.

Les dispositions de l'article 10-5 des Conditions générales précitées stipulent : « De convention expresse entre XEROX et le Revendeur, ce dernier accepte que XEROX peut en cas de mise en demeure restée infructueuse, suspendre la fourniture de tout produit ou prestation de service que ce soit au titre du présent contrat ou au titre de quelque autre contrat conclu entre le Revendeur et XEROX en cas de non-respect par le Revendeur de ses obligations de paiement à l'égard de XEROX ou plus généralement en cas de manquement à l'une quelconque de ses obligations substantielles à l'égard de XEROX. »

Ainsi XEROX était fondée à suspendre la fourniture des produits à partir du 18 septembre 2014 dès lors que les facturations restées impayées et non contestées par ALLIANCES s'élevaient à cette date à 285 822 euros faisant suite aux injonctions de règlement adressées par mail le 29 août 2014 et par courrier recommandé avec accusé de réception le 9 septembre suivant

Les dispositions de l'article 13 du même contrat autorisent XEROX à résilier le contrat de maintenance en cas de manquement du revendeur à ses obligations de paiement sous réserve que ledit manquement ait été notifié par XEROX au Revendeur et que ce dernier n'y ait pas remédié dans les 30 jours après la réception de ladite notification.

Au vu de la mise en demeure adressée par XEROX à ALLIANCES par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2014 portant sur le règlement d'un arriéré de factures s'élevant à 285 822 euros à cette date, XEROX était donc fondée à résilier le contrat de maintenance à effet non pas au 23 octobre mais au 24 octobre 2014, date de réception de l'envoi de la lettre recommandée.

3-Sur le non-respect des formalités relatives à la rupture des contrats de maintenance

Il résulte de ces constatations que les obligations contractuelles relatives aux modalités de rupture des contrats de maintenance ont été respectées quand il apparaît que le délai de 90 jours qu'ALLIANCES reproche à XEROX de ne pas avoir respecté, stipulé à l'article 13-3 vise l'hypothèse de la dénonciation du contrat par l'une ou l'autre des parties en dehors de toute inexécution contractuelle.

4- La rupture sans préavis des relations commerciales établies

Le caractère établi depuis 27 ans des relations commerciales entre ALLIANCES et XEROX n'est pas contesté mais la gravité de l'inexécution imputable à ALLIANCES, caractérisée par l'encours de dette impayé qu'elle n'a pu honorer, la cessation des paiements étant avérée depuis le 1 er juillet 2014, justifie la rupture sans préavis des relations commerciales à la date du 24 octobre 2014.

5- La déloyauté liée à l'absence de levée de la clause d'exclusivité d'approvisionnement

L'appelant soutient que la société XEROX a fait preuve de déloyauté en refusant de lever la clause d'exclusivité d'approvisionnement, alors que cela aurait permis à la société ALLIANCES de se fournir chez un autre fabricant et de distribuer ainsi des produits d'une marque autre que XEROX puisque la société XEROX avait déjà cessé, du jour au lendemain et de manière définitive, d'exécuter le contrat de concession. Elle soutient que la société XEROX a ainsi voulu empêcher la société ALLIANCES de réorienter son activité avant le terme du contrat de concession fixé au 31 janvier 2015.

Cependant aucune stipulation contractuelle n'impose à XEROX au regard de l'inexécution imputable à son cocontractant de lever cette clause avant la fin du contrat, a fortiori en considération de l'inexécution imputable à l'appelant quand au demeurant XEROX observe sans être utilement contredit sur ce point, qu'une telle demande ne lui a jamais été adressée par ALLIANCES.

ALLIANCES ne saurait donc prospérer en ce moyen.

6-Sur le détournement de clientèle de la société ALLIANCES

L'appelant soutient qu'en méconnaissance des stipulations du contrat, la société XEROX a contacté directement des clients de la société ALLIANCES pour leur vendre des consommables XEROX ainsi que des interventions techniques, à des prix plus élevés que ceux prévus dans les contrats conclus avec la société ALLIANCES ; que XEROX a commis une faute en attribuant les clients de la société ALLIANCES, concessionnaire sortant, à d'autres concessionnaires existants ou entrants dans le réseau XEROX, sans que la société ALLIANCES n'ait pu négocier avec eux et sans que ceux-ci n'aient eu à payer pour bénéficier de son fichier clients, de sorte que le fonds de commerce de la société ALLIANCES a été spolié.

Il résulte des pièces produites que dix-sept clients ont contacté XEROX entre le 23 septembre 2014 et le 1er octobre 2014 pour se plaindre de l'arrêt de la maintenance et de la fourniture de consommables imputable ALLIANCES, dénonçant une situation intenable lié au sentiment d'être « pris en otage » d'un conflit entre XEROX et son revendeur qui ne leur était nullement opposable.

XEROX établit avoir adressé à ces clients une lettre type, les informant de la rupture des relations commerciales avec ALLIANCES et les invitant à se tourner vers ALLIANCES pour une solution amiable et à défaut, vers d'autres revendeurs ou vers la société XEROX, précisant qu'en ce cas un devis préalable fixant les conditions tarifaires leur serait adressé.

Le contexte dans lequel est intervenu ce courrier est exclusif de la déloyauté puisque XEROX n'a fait que tirer les conséquences de la résiliation du contrat dont les stipulations n'étaient plus opposables aux parties tandis que la question, justement soulevée par l'appelant, du prix des interventions techniques facturées par XEROX au lieu et place d'ALLIANCES sera examinée dans le cadre des prétentions indemnitaires émises par XEROX en conséquence de la résiliation du contrat.

7-Sur la requalification du contrat de concession en contrat d'agent commercial

L'appelant soutient que, dans l'hypothèse où il serait jugé que la société ALLIANCES n'avait pas de clientèle propre, le contrat de concession devrait alors être requalifié en contrat d'agent commercial ouvrant droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi conformément aux dispositions de l'article L 134-12 alinéa 1er du code de commerce.

Ce moyen est inopérant dès lors que la qualification claire du contrat s'impose aux parties comme un contrat de concession, préservant à chacun un exercice en son nom propre et pour son compte, non susceptible d'ouvrir droit à l'indemnité compensatrice prévue au profit de l'agent commercial quand au demeurant cette indemnité serait exclue par la gravité du manquement imputable à ALLIANCES.

Sur les demandes reconventionnelles de la société XEROX

XEROX sollicite la fixation de sa créance dans les proportions suivantes :

- factures de sous-traitance de maintenance arriérées : 853 749 euros

- intérêts de retard arrêtés au 4 mai 2015 selon l'article 15-4 : 891 559 euros

- perte de marge sur équipements : 680 000 euros

- perte de marge sur maintenance : 987 660 euros

- trouble commercial : 530 000 euros

L'appelant oppose le défaut de fondement de ses demandes évolutives quand la créance en principal ne peut selon ALLIANCES et alors même que la résiliation du contrat était acquise au mois d'octobre 2014, être passée de 285 822 euros au 19 septembre 2014 à 853 749 euros réclamés en appel.

XEROX explique, sans être contredite sur ce point, que la facturation des prestations de maintenance dépend du relevé des compteurs (prix à la page) et repose sur des données objectives en général transmises de manière automatique et qu'en cas de difficulté le Concessionnaire fournit à XEROX la feuille de configuration de l'équipement qui imprime les informations figurant dans les systèmes de l'équipement incluant l'état des compteurs.

Ces affirmations sont confortées par les stipulations contractuelles article 15-7 des conditions générales du contrat PagePack service figurant en annexe H qui autorisent le Revendeur à formuler une contestation relative à une facture dans les 10 jours dans les 10 jours de sa date à charge de communiquer toutes les informations nécessaires pour résoudre la contestation.

Cependant tout paiement suppose une dette et l'attestation du Contrôleur financier de XEROX, Madame Y qui indique le 29 décembre 2014 que « le montant total des factures émises par la société Xerox sur la société Alliances SAS (RCS Evry B 352 530 877), au titre de ses prestations de sous-traitance de maintenance, s'est élevé a la somme totale de,

- 2 633 765,91 Euros pour Ia période ayant couru du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 ou

- 2 633 763,96 Euros pour la période ayant couru du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 » ne fait pas la preuve d'une créance exigible mais seulement de sommes facturées dont certaines font d 'ailleurs l'objet d'avoirs, mentionnés sur les factures et quant au demeurant XEROX n'est recevable à opposer à la liquidation judiciaire que le montant des sommes déclarées au passif le 27 mai 2015 à hauteur de la somme globale de 3 109 219 euros pour l'ensemble de ses préjudices et spécifiquement pour les factures de maintenance arriérées à hauteur de 853 749 euros.

Au regard du fait qu'ALLIANCES n'a jamais émis aucune contestation au titre des sommes facturées à l'appui de la mise en demeure du 24 octobre 2014 ayant motivé la résiliation du contrat ainsi que les stipulations de l'article 15-7 précité l'y autorisaient, la somme dont XEROX justifie être créancière est établie à hauteur de 285 822 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

Les intérêts de retard sont dus conformément aux stipulations de l'article 15-4 des conditions générales du contrat PackPage Service appliquées par le jugement sur la somme de de 72 000 euros du 1er août 2014 au 3 mai 2015 et sur la somme de 213 822 euros du 1er septembre 2014 au 3 mai 2015.

XEROX produit un rapport financier concernant l'exercice comptable 2013 mais ne produit pas le bilan financier suivant et surtout justifie pas d'une analyse contrefactuelle permettant de comparer la situation réelle de l'exploitation dans laquelle la rupture contractuelle avec ALLIANCES est intervenue avec celle, contrefactuelle, qui aurait été constatée en l'absence de cette rupture au regard notamment du volume de prestations perdu, de la perte de chiffre d'affaires imputable à la rupture, aux coûts fixes et variables non exposés du fait de la baisse d'activité.

XEROX ne justifie donc pas des pertes de marge sur équipement et sur maintenance alléguées et sera déboutée de ces chefs.

XEROX enfin excipe d'un trouble commercial qui est avéré par l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de répondre en urgence au besoin de la clientèle initialement servie par ALLIANCES mais le courrier produit par XEROX, envoyé à la clientèle mécontente de l'arrêt des services de maintenance, établit que XEROX a proposé une tarification de ses interventions, pour le cas où la maintenance ne pourrait être assurée par d'autres revendeurs, à des prix supérieurs à ceux pratiqués par ALLIANCES quand au demeurant XEROX ne produit aucun élément étayant le préjudice lié à la gêne ou au coût supplémentaire occasionné par ce service supplémentaires.

XEROX sera donc déboutée de ce chef.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Sur infirmation la société XEROX sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Chacune des parties supportera la charge des frais exposés à ce titre en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du seul chef du quantum de la fixation de la créance en principal de la société XEROX à la liquidation judiciaire de la société ALLIANCES et de la créance au titre des frais irrépétibles

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de la société XEROX au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLIANCES à hauteur de la somme de 285 822 euros outre les intérêts de retard au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente :

- sur la somme de de 72 000 euros du 1er août 2014 au 3 mai 2015

- sur la somme de 213 822 euros du 1er septembre 2014 au 3 mai 2015.

Déboute la société XEROX de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Dit que chacune des parties supportera les frais irrépétibles exposés en appel

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.