CA Pau, 2e ch. sect. 1, 21 juin 2021, n° 19/00736
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
EDF ENR (SAS), Financo (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Alzeari
Conseillers :
M. Magnon, Mme Salmeron
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant bon de commande du 26 février 2016, Armand J. a sollicité auprès de la SAS EDF ENR Solaire l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture de sa maison d'habitation, destinés à produire de l'électricité.
Un avenant à ce contrat a été conclu le 13 mai 2016, portant sur un prix revu à la baisse ainsi que sur le montant du crédit correspondant. Le même jour, M. J. a souscrit un prêt de 21 500 € auprès de la SA FINANCO pour financer le projet.
Les panneaux ont été livrés et installés entre le 13 juillet et le 18 juillet 2016.
L'attestation de livraison a été signée le 18 juillet 2016 et les fonds ont été débloqués.
Par acte du 1er février 2018, M. J. a assigné les sociétés EDF ENR Solaire et Financo devant le tribunal d'instance de Pau aux 'ns de voir constater qu'il a exercé son droit de rétractation, subsidiairement, de voir annuler les contrats de vente et de crédit affecté et, en toute hypothèse d'ordonner à la société EDF ENR Solairc de restituer à M. J. la somme de 21 500 € correspondant au capital qui lui a été versé par la société Financo, ordonner à M J. de restituer le montant du capital versé, déduction faite des mensualités déjà versées par lui, ordonner l'enlèvement des panneaux photovoltaïques à charge pour la société EDF ENR Solaire de supporter les frais d'enlèvement et de remettre en état la toiture sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Il a sollicité également la condamnation des sociétés EDF ENR Solaire et Financo au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 5 000 €, aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire du jugement.
La société EDF ENR Solaire a soulevé une exception d'incompétence au pro't du tribunal de commerce de Pau et, à titre subsidiaire, a conclu au débouté et à la condamnation de M. J. aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Financo a soulevé elle aussi une exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Pau et, à titre subsidiaire, a conclu au débouté et à la condamnation de M. J. à reprendre le paiement du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles,
A titre plus subsidiaire, en cas de nullité ou de résolution du contrat de crédit, par suite de la nullité ou de la résolution du contrat de vente, elle a demandé au tribunal de juger qu'elle n'a commis aucune faute et de condamner M. J. à rembourser à la société Financo le capital de 21 500€, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
A titre infiniment subsidiaire
- condamner la société EDF ENR. Solaire à relever et garantir la banque de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge,
- condamner la société EDF ENR Solaire à payer à la société Financo la somme de 21 500 € à titre de dommages et intérêts correspondant à l'apport en capital,
- condamner la société EDF ENR Solaire à payer à la société Financo la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'atteinte à son image commerciale,
En tout état de cause,
- condamner M. J. aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 E sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire concernant les seules demandes de la banque.
Par jugement du 24 janvier 2019, le tribunal d'instance de Pau a :
Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses,
Déclaré recevable l'action engagée par M J.,
Au fond, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes
L'a condamné à payer à la société EDF ENR Solaire et à la société FINANCO, chacune, la somme de 600,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'a condamné aux dépens.
Par déclaration en date du 1er mars 2019, Armand J. a relevé appel de ce jugement.
Appel limité aux dispositions du jugement en ce qu'il a :
Débouté M. J. de l'ensemble de ses demandes, à savoir :
A titre principal
CONSTATER que Monsieur J. a usé de son droit de rétractation et que la société EDF n'a pas procédé au remboursement des sommes versées dans les délais légaux
En conséquence
CONDAMNER la société EDF ENR au remboursement des sommes versées par Monsieur J. majorées de 50% et de cinq points supplémentaires par mois de retard
A titre subsidiaire
Dire et juger que le contrat est affecté d'un vice
En conséquence,
Prononcer la nullité du contrat conclu entre Monsieur J. et la société EDF ENR
En toute hypothèse
Prononcer la nullité des contrats souscrits par M. J. avec les sociétés FINANCO et EDF ENR SOLAIRE en date du 26.02.2016 et 13.05.2016
Ordonner à la société EDF ENR à restituer à M. J. la somme de 21 500 € correspondant au capital qui lui a été versé par la société FINANCO.
Ordonner à M. J. de restituer le montant du capital versé déduction faite des mensualités déjà versées par lui
Ordonner l'enlèvement des panneaux photovoltaïques à charge pour la société EDF ENR SOLAIRE de supporter les frais d'enlèvement et de remettre en état la toiture sous astreinte de 50 € par jour de retard
Condamner in solidum les sociétés FINANCO et EDF ENR SOLAIRE au paiement des dommages et intérêts d'un montant de 5 000 €
Condamner in solidum les sociétés FINANCO et EDF ENR SOLAIRE au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens
La clôture est intervenue le 7 avril 2021.
L'affaire a été fixée au 3 mai 2021.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 30 mars 2021 par Armand J. qui demande à la Cour de :
Déclarer son appel recevable et fondé ;
Y faisant droit,
Infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
A titre principal
Vu les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable au contrat
Dire et juger qu'Armand J. a régulièrement usé de son droit de rétractation et que la société EDF n'a pas procédé au remboursement des sommes versées dans les délais légaux ;
En conséquence
Condamner la société EDF ENR au remboursement des sommes versées par Armand J. majorées de 50% et de cinq points supplémentaires par mois de retard ;
A titre subsidiaire
Dire et juger que le contrat est affecté d'un vice ;
En conséquence
Prononcer la nullité des contrats conclus entre Armand J. et la société EDF ENR et la caducité des contrats conclus avec la société FINANCO en date des 26.02.2016 et 13.05.2016
En toute hypothèse
Ordonner à la société EDF ENR de lui restituer la somme de 21 500 € correspondant au capital qui lui a été versée par la société FINANCO somme remboursée par M J. somme majorée de 50% et de cinq points supplémentaires par mois de retard ;
Dire et juger irrecevable la demande de la société FINANCO de voir condamner M. J. au remboursement de la somme de 21 500 € pour défaut d'intérêt à agir compte tenu du remboursement effectué ;
Débouter la société FINANCO de sa demande d'application des dispositions du code du commerce ou du droit commun ;
Ordonner l'enlèvement des panneaux photovoltaïques à charge pour la société EDF ENR SOLAIRE de supporter les frais d'enlèvement et de remettre en état la toiture sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
Condamner in solidum les sociétés FINANCO et EDF ENR SOLAIRE au paiement des dommages et intérêts d'un montant de 5 000 € ;
Débouter les sociétés FINANCO et EDF ENR SOLAIRE de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
Condamner in solidum les sociétés FINANCO et EDF ENR SOLAIRE au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens
Vu les conclusions notifiées le 26 mars 2021 par la société FINANCO qui demande à la Cour de :
Dire et juger Armand J. irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
Dire et juger la SA FINANCO recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
Y faisant droit,
Réformer le jugement du Tribunal d'Instance de PAU du 24 janvier 2019 en ce qu'il a fait application des dispositions du code de la consommation ;
Statuant à nouveau,
Voir dire et juger que seules les dispositions du code de commerce et, à défaut de textes spécifiques, les dispositions du droit commun des articles 1905 et suivants du code civil sont applicables en l'espèce, à l'exclusion des dispositions du code de la consommation ;
Voir dire et juger n'y avoir lieu à rétractation ou nullité pour quelque cause que ce soit ;
En conséquence,
Condamner Armand J. à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement ;
A titre subsidiaire, si la cour venait à faire droit à la demande de rétractation ou à la demande de nullité pour dol ;
Voir dire et juger que la SA FINANCO n'a commis aucune faute à quelque titre que ce soit ;
En conséquence,
Condamner Armand J. à rembourser à la SA FINANCO le capital emprunté d'un montant de 21 500 € au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées.
A titre infiniment subsidiaire,
Condamner la société EDF ENR SOLAIRE à rembourser à la SA FINANCO les fonds perçus soit la somme de 21 500 € au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
Condamner la société EDF ENR SOLAIRE à relever et garantir la SA FINANCO de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de Monsieur Armand J..
Condamner tout succombant à payer à la SA COFIDIS une indemnité d'un montant de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner tout succombant aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l'avocat soussigné par application de l'article 699 du CPC.
Vu les conclusions notifiées le 31 mars 2021, par la société EDF ENR SOLAIRE qui demande de
Vu l'article L. 121-17 du Code de la consommation,
Vu l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent différend, ensemble les articles 1353 du Code civil et les articles 9 et 15 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1338 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent différend,
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Pau le 24 janvier 2019 en ce qu'il a débouté Armand J. de toutes ses demandes ;
En conséquence,
Débouter Armand J. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarer la société Financo irrecevable et en tout état de cause mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Débouter la société Financo de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner Armand J. ou tout succombant à payer à EDF ENR, anciennement dénommée EDF ENR Solaire, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
Condamner Armand J. ou tout succombant en tous les dépens.
MOTIVATION :
Sur la saisine de la cour et le droit applicable :
Aucune des parties ne soulève à hauteur d'appel l'exception d'incompétence du tribunal d'instance, devenu, depuis le jugement déféré, le tribunal judiciaire, au profit du tribunal de commerce.
Le jugement est donc définitif en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par EDF ENR et FINANCO, en première instance.
Toutefois la société FINANCO soutient que l'opération financée ne relève en aucun cas des dispositions du code de la consommation, mais s'inscrit dans un contexte commercial ou industriel, le but recherché étant la production et la revente d'électricité à EDF, activité qui est un acte de commerce par nature au sens de l'article L. 110-1 du code commerce.
Elle soutient que l'intégralité de l'électricité produite étant revendue par Armand J. à EDF, l'opération de revente est commerciale, en totalité, l'installation photovoltaïque n'étant pas destinée principalement à un usage personnel.
Elle en déduit que les dispositions protectrices et d'ordre public du code de la consommation ne sont pas applicables en l'espèce.
Armand J. rétorque qu'il a souscrit ce contrat, non pas dans l'objectif de s'enrichir mais dans le but de diminuer sa facture d'énergie et qu'il s'agit d'un contrat soumis aux dispositions du code de la consommation.
Selon les dispositions de l'article préliminaire du code de la consommation, on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Le consommateur est donc une personne physique agissant pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle. Les commerçants ou professionnels ne sont protégés par les dispositions du code de la consommation que si l'opération n'entre pas dans le cadre de leur activité professionnelle.
Il ressort des pièces examinées qu'Armand J., qui était fonctionnaire selon la fiche de dialogue remplie par ses soins, n'a pas la qualité de commerçant à titre habituel et a signé un bon de commande qui se réfère aux dispositions du code de la consommation. Ce document ne fait pas mention de l'achat d'une installation photovoltaïque destinée à couvrir des besoins professionnels ou à produire de l'électricité dans un but purement commercial.
Le contrat porte en effet sur l'acquisition d'un ensemble photovoltaïque destiné, selon les conditions générales annexées au contrat de vente, à compenser les dépenses énergétiques de l'acquéreur, soit par la revente à EDF de l'électricité générée, soit en auto consommant l'énergie ainsi produite, chacune des deux solutions « apportant des économies sur votre facture d'énergie, tout en préservant les générations futures »
L'opération n'ayant pas vocation à générer un bénéfice ni même à amortir, par les revenus tirés de la revente d'électricité, le coût de l'installation, elle est, par son économie générale et sa finalité, principalement destinée à satisfaire un intérêt personnel, et relève des dispositions du code de la consommation.
Sur l'exercice du droit de rétractation :
Armand J. conclut à l'infirmation de la décision déférée, en ce qu'elle a écarté l'exercice régulier de son droit de rétractation, en considérant qu'il l'avait exercé hors délai. Il soutient en effet que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le point de départ du délai de rétractation prorogé se situe non à la date de livraison des biens, mais au jour du raccordement de l'installation qui marque la réalisation de la dernière obligation incombant au vendeur, soit le 8 septembre 2016.
Il considère qu'à défaut de bordereau de rétractation indiquant le point de départ exact du délai prévu par l'article L. 121-21 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux contrats, ce délai a été prorogé d'un an à compter de l'expiration du délai de rétractation initial déterminé conformément à l'article L. 121-21, et ce en application de l'article L. 121-21-1.
Selon lui, ce délai expirait le 22 septembre 2017. Il a donc régulièrement exercé son droit de rétractation par courrier du 1er septembre 2017.
Il soutient en second lieu qu'un second délai de rétractation a été ouvert par les avenants aux contrats initiaux signés le 13 mai 2016.
Les sociétés EDF ENR Solaire et FINANCO réfutent cette analyse aux motifs notamment que le contrat de vente était accompagné d'un bordereau de rétractation régulier. Et qu'en cas de prorogation du délai de rétractation, d'une année, celui-ci expirait en août 2017, de sorte qu'en exerçant son droit de rétractation en septembre 2017, Armand J. était hors délai.
La société Financo souligne quant à elle que M. J. ne verse pas l'original du bon de commande, de sorte qu'il manque le verso ; que cependant l'examen du contrat permet d'affirmer qu'il existait bien un bordereau de rétractation.
En droit, l'article L. 121-17 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat de vente du 26 février 2016 modifié par avenant du 13 mai 2016, prévoit que, préalablement à Ia conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État.
Selon les articles L. 121-21 et L. 121-21-1 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance ou hors établissement. Ce délai court à compter de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de service et à compter de la réception du bien par le consommateur, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens.
Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial.
En l'espèce, il ressort des copies du bon de commande en date du 26 février 2016 versées aux débats, tant par l'acheteur que par l'acquéreur, que ce document rappelle la faculté pour l'emprunteur de se rétracter dans un délai de 14 jours, mais qu'en revanche, le formulaire de renonciation qui y est joint mentionne que le point de départ de ce délai est le jour de la commande, alors qu'en réalité il partait du jour de la réception des biens par le consommateur ou son mandataire.
L'emprunteur n'ayant pas disposé d'une information exacte, quant à l'exercice de son droit de rétractation, celui-ci doit être prolongé pour une durée de 12 mois, à compter de l'expiration du délai initial déterminé conformément à l'article L .121-21 du code de la consommation.
Le point de départ du délai se situe, non pas à la date de raccordement de l'installation mais à la date de réception du bien par le consommateur, soit à la date du 18 juillet 2016. Le délai initial de 14 jours expirait par conséquent le 1er août 2016. Etant prorogé d'un an, ce délai a expiré le 1er août 2017.
Or, Armand J. a adressé à la société EDF ENR Solaire, 1e 1er septembre 2017, un courrier demandant la 'résiliation' du contrat de vente. Il est donc hors délai.
En ce qui concerne les conséquences de l'avenant au contrat, en date du 13 mai 2016, à supposer que le vendeur dût notifier un nouveau délai de rétractation, ce point est indifférent à la solution du litige puisqu'en tout état de cause la livraison du bien a eu lieu le 18 juillet 2016 et qu'en application de l'article L. 121-21 précité, le délai de rétractation court à compter de la réception du bien par le consommateur ou un tiers désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens, ce qui est le cas en l'espèce.
Armand J. n'a pas en conséquence exercé régulièrement son droit de rétractation.
Ce moyen doit être écarté.
Sur l'annulation du contrat pour dol :
Armand J. soutient qu'il a été victime d'une réticence dolosive de la part d'EDF ENR Solaire sur la rentabilité économique des équipements installés. Il considère qu'aucun document précontractuel ne fait état du caractère aléatoire de la production, la seule mention sur le caractère indicatif des chiffres de production d'électricité annoncés ayant été donnée au moment de la signature du contrat.
Il relève que le contrat de vente et le contrat de prêt formaient un tout indivisible et que s'il avait réalisé que l'installation était financée à perte, il n'aurait pas contracté.
Il considère ainsi qu'en lui présentant des chiffres de production et de revente d'électricité très supérieurs à la réalité constatée au terme de la première année suivant la mise en service de l'installation, EDF ENR Solaire a commis une réticence dolosive qui a été déterminante de son consentement.
La société EDF ENR Solaire oppose à ce moyen que les chiffres communiqués à l'acheteur, issus d'un logiciel de calcul admis par l'ensemble de la profession, sont indicatifs, ce qui a été porté à la connaissance d'Armand J.. Elle fait valoir également que deux interventions de contrôle ont été effectuées suite à la réclamation de l'acheteur qui ont permis de vérifier que l'installation fonctionnait parfaitement.
Elle ajoute qu'elle n'a jamais pris d'engagement d'autofinancement.
La société FINANCO reprend elle aussi ces arguments en ajoutant que le réinvestissement des subventions, de la TVA récupérée et du prix de rachat d'électricité dans le remboursement anticipé du crédit permet de diminuer d'autant le coût d'un financement qui, en l'espèce, n'est nullement exorbitant.
En droit, il ressort de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable au contrat que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé.
Avant même l'entrée en vigueur de l'article 1137 du code civil, issu de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, la jurisprudence admettait comme constitutive d'un dol, la réticence dolosive consistant dans la dissimulation intentionnelle, par l'un des contractants, d'une information dont il connait le caractère déterminant pour l'autre partie.
En l'espèce, il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats que la société EDF ENR Solaire ait fait entrer dans le champ contractuel l'autofinancement de l'installation photovoltaïque à l'aide du revenu retiré de la revente d'électricité à EDF, ce qui impliquerait que le remboursement du crédit, frais, intérêts et primes d'assurance compris, soit assuré sur la période d'amortissement du prêt au moyen des seuls revenus générés par l'installation photovoltaïque, ce qui ne ressort pas des documents contractuels.
En revanche, EDF ENR PRO a remis à l'acheteur emprunteur, annexé respectivement au bon de commande initial et à son avenant, deux documents intitulés « Les chiffres clés de votre générateur électrique ».
Chacun rappelle le prix TTC et HT de l'installation, la production annuelle estimée en Kwh annuels, la première année, le montant annuel de la facture de consommation énergétique estimée, le tarif de revente de l'électricité produite et le revenu, pour la 1ère année, issu de la vente de l'électricité produite.
Il est précisé, sous la forme d'un renvoi à deux notes certes écrites en plus petits caractères, que :
- l'estimation de la production et des revenus issus de la vente de l'électricité produite a été réalisée sur la base d'hypothèses concernant les conditions d'ensoleillement, l'évolution du tarif d'achat et l'évolution du rendement de l'équipement. Il est précisé : « elle reste donc indicative. Les revenus estimés s'entendent hors frais financiers » ;
- le tarif indicatif est susceptible d'évolution dans les conditions prévues par les décrets et arrêtés du 4 mars 2011 et du 7 janvier 2013.
Sur le 1er document signé par l'acheteur le 26 février 2016, et pour une production annuelle de 6203,60 kwh, le revenu estimé de la première année est de 1 550,90 euros, pour une consommation annuelle d'électricité de 1 500,00 euros.
Sur le second document daté du 13 mai 2016 et pour une puissance crête totale revue à la baisse pour des raisons techniques (installation de 14 panneaux solaires au lieu de 16 prévus initialement), la production annuelle de la première année est estimée à 5428,15 Kwh et le revenu généré, à 1357,03 euros, pour une consommation annuelle d'électricité estimée de 1 500,00 euros.
Il est donc manifeste que le vendeur n'a pris aucun engagement quant à l'autofinancement de l'installation, le montant estimé de la production d'électricité revendue étant mis en balance avec le montant estimé de l'énergie consommée sur une année, ce qui correspond à l'objectif de l'investissement tel qu'il est décrit dans le document intitulé « mon projet photovoltaïque », à savoir compenser les dépenses énergétiques de l'acquéreur.
En outre les réserves figurant sur ces documents attirent l'attention de l'acquéreur sur le caractère indicatif de l'estimation fournie, ce qui rejoint le contenu de la clause « garantie performance » des conditions générales de vente qui prévoit que « cette garantie ne porte pas sur le niveau de production d'électricité, ni sur la conformité au niveau de production initialement estimé ».
En l'espèce, Armand J. verse aux débats deux factures de production d'électricité, pour l'année 2017 et l'année 2018, faisant état d'une production de 855 euros HT, la première année, et d'une production de 1 020,00 euros, la seconde. Ces chiffres sont certes inférieurs à l'estimation communiquée avec l'avenant au contrat. Toutefois en raison du caractère indicatif de cette estimation et alors que la production d'électricité solaire dépend des conditions météorologiques qui peuvent varier d'une année sur l'autre, en dehors des moyennes météorologiques observées sur des cohortes statistiques plus fournies, ces données isolées ne permettent pas de caractériser une sous production durable constitutive d'une réticence dolosive.
Ce moyen doit lui aussi être rejeté.
Sur la nullité du contrat en raison de la méconnaissance des dispositions du code de la consommation :
Pour la première fois à hauteur d'appel, Armand J. soutient que le contrat de vente méconnait les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation, par défaut d'information du consommateur sur deux mentions prévues à peine de nullité :
- la désignation précise des biens offerts et des services proposés
- le prix global à payer et les modalités de paiement du prix.
Mentions prescrites à peine de nullité non par l'article L. 121-21 du code de la consommation dans sa version en vigueur à la date des contrats signés, mais en réalité par les articles L. 121-17 et L. 111-1 du code de la consommation dans sa codification antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016 301 du 14 mars 2016. Il résulte de ces textes que le contrat remis au consommateur doit comporter notamment :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;
Plus précisément, l'appelant fait valoir que les caractéristiques techniques et commerciales de l'appareillage technique indispensable à la transformation du courant produit par les panneaux pour le convertir en courant alternatif phasé injecté dans le réseau public ne sont pas décrites, pas plus que la provenance du matériel ; qu'elles n'ont pu l'être que sur la facture établie postérieurement à l'exécution des travaux et à l'expiration du délai de rétractation.
Il ajoute que la ventilation du coût des divers éléments livrés ainsi que celui des prestations notamment le coût unitaire de chaque panneau photovoltaïque, n'y figure pas, de sorte qu'il ne pouvait pas savoir au moment de la conclusion du contrat s'il surpayait l'installation ou si au contraire, le vendeur lui fournissait une installation à prix sous-évalué.
Il soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de comparer le prix proposé avec ceux des divers concurrents durant le délai légal de rétractation, ni de contrôler la provenance du matériel et sa conformité ou non-conformité aux normes en vigueur, étant ainsi privé de l'exercice d'un contrôle effectif avant exercice éventuel de son droit de rétractation.
Cependant il ne ressort nullement des articles L. 111-1 et L. 113-3 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat en cause que le prix des biens ou services fournis doive être détaillé article par article.
Ici, le contrat de vente et son avenant indiquent le prix global de l'installation photovoltaïque hors taxe et TTC, avec le taux de TVA applicable et le prix de la prestation d'installation Hors taxe et TTC, ainsi que les remises accordées.
Cette présentation n'est pas contraire aux dispositions légales précitées.
S'agissant des caractéristiques essentielles du bien ou du service. Les bons de commande signés font figurer les références des panneaux, leur nombre, leur puissance, la puissance crête installée, les références et le nombre d'onduleurs, ces mentions devant être complétées par celles de la documentation contractuelle remise sous format électronique dématérialisé à l'acheteur et comprenant le bon de commande, ses éventuels avenants et annexes avec les conditions générales.
En signant le bon de commande, après avoir apposé la mention lu et approuvé, Armand J. a reconnu « avoir reçu un exemplaire des conditions générales en vigueur au 6 octobre 2014, en avoir pris connaissance et en accepter les termes. Il lui a été rappelé que les conditions générales, le bon de commande et les annexes font partie intégrante du contrat.
Or, les conditions générales sont incluses dans une plaquette qui comporte en pages 13 et 14 de plus amples précisions sur les caractéristiques des équipements vendus et installés, concernant le type de cellules photovoltaïques, la puissance maximale par panneau, leur surface et leur poids, les normes applicables, les rendements, dimensions, poids, marque et référence des onduleurs de la gamme d'offres EDF ENR, ainsi que les références des normes de conformité européennes et des normes de raccordement applicables.
Ces mentions constituent les caractéristiques essentielles des équipements vendus et mis en œuvre et permettaient à l'acheteur d'opérer, dans le temps séparant la signature du bon de commande de la réception des équipements achetés, toutes les comparaisons nécessaires, techniques et économiques, avant même le déclenchement du délai de rétractation. Ce moyen est d'autant moins pertinent qu'Armand J. reconnaît lui-même, dans ses écritures, que « l'installation fonctionne parfaitement » et qu'il ne remet pas en cause « l'efficacité et l'effectivité des panneaux photovoltaïques ».
Ce second moyen de nullité est lui aussi rejeté.
Dès lors que le contrat de vente est valable, il convient de débouter Armand J. de sa demande de voir annuler le contrat de crédit et de sa demande de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu de condamner l'emprunteur à poursuivre le remboursement du crédit, cette obligation découlant du contrat de prêt.
Le jugement est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes :
Armand J. qui succombe en totalité supportera la charge des dépens de l'entière procédure.
Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité justifie de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Armand J. à payer à la société EDF ENR Solaire et à la société FINANCO et à chacune, la somme de 600,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient, sur le même fondement, de le condamner à payer à la société EDF ENR Solaire et à la société FINANCO et à chacune, la somme de 600,00 euros supplémentaire au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Armand J. de sa demande tendant à voir annuler le contrat de vente et subséquemment le contrat de crédit affecté, en raison de la nullité des bons de commande,
Condamne Armand J. aux dépens d'appel,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Armand J. à payer à la société EDF ENR Solaire et à la société FINANCO et à chacune, la somme de 600,00 euros supplémentaire au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.