CA Montpellier, 4e ch. civ., 23 juin 2021, n° 18/05023
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Francais Des Energies (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
M. Denjean, Mme Youl-Pailhes
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1- vu le jugement du tribunal d'instance de Béziers du 07/09/2018 qui :
Prononce la nullité du contrat de fourniture et de pose de la centrale photovoltaïque conclu par Henri et Danielle G. et la société GROUPE FRANÇAIS DES ENERGIES (ci-après la société GFE) le 09/01/2014
Constate que le contrat de crédit conclu le même jour par Henri et Danielle G. et la SA CONSUMER FINANCE est annulé de plein droit en application de l'article L311-32 (devenu L312-55) du code de la consommation
Dit que les époux G. devront laisser le matériel à la disposition de la société GFE, laquelle devra faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais et dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement
Dit que la SA CONSUMER FINANCE a commis une faute lors de la délivrance des fonds dispensant les époux G. de leur obligation de restituer les fonds prêtés
Dit que la SA CONSUMER FINANCE devra restituer aux époux G. l'intégralité des versements effectués par leurs soins en remboursement du prêt litigieux
Débouté les parties de leurs autres demandes
Condamné la SA CONSUMER FINANCE et la société GFE, in solidum à payer aux époux G. la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
2- vu la déclaration d'appel du 09/10/2018 par la société GFE.
3- Vu ses dernières conclusions du 09/02/2021 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles elle demande de :
Prendre acte de l'intervention volontaire des consorts G.
Réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat
Condamner à titre reconventionnel les consorts G., solidairement, à lui payer la somme de 6 000€ à titre de dommages et intérêts, celle de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
4- Vu les dernières conclusions déposées le 10/02/2021 par les consorts G. auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur leurs moyens, au terme desquelles, au visa des articles L121-21 et suivants, L311-20 et suivants, R121-3 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17/03/2014, 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure au 01/10/2016, 31 et 114 du code de procédure civile de :
Confirmer le jugement notamment en ce qu'il a pour conséquence de constater qu'ils ont un intérêt à agir et d'ordonner la nullité du contrat
À titre subsidiaire, d'ordonner la résolution du contrat de vente au titre de l'inexécution contractuelle imputable à GFE
Pour le surplus, de condamner la société GFE à récupérer les panneaux dans le délai de 5 semaines suivant la signification de l'arrêt, passé lequel elle sera réputée avoir définitivement renoncé à les récupérer, de la condamner à prendre en charge, préalablement à la reprise des panneaux le coût du devis de dépose et remise en état de l'installation à l'existant, à hauteur de 1 540€ selon devis, de la condamner à restituer le capital qu'elle a reçu pour le contrat annulé soit la somme de 15 560€
En toutes hypothèses, de condamner la société GFE à leur payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
5- Vu l'ordonnance de clôture en date du 15/02/2021.
MOTIFS
Les faits constants
6- la société GFE a démarché Henri G. à son domicile.
7- le 09/01/2014, à domicile, Henri G. a passé commande d'une centrale photovoltaïque, de 12 modules, 12 supports, 12 onduleurs, une passerelle de communication, une passerelle monophasée pour la somme de 15 560€ TTC.
8- dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, un contrat de crédit affecté destiné au financement de l'opération a été signé entre Henri G. et la société SOFINCO aux droits de laquelle se trouve la SA CA CONSUMER FINANCE.
9- se prévalant de dysfonctionnements de l'installation, Henri G. et son épouse ont mis en demeure les sociétés GFE et SOFINCO d'annuler la vente, puis, à défaut de réponse favorable, les ont assignées par actes d'huissier des 9 et 11 mai 2017 devant le tribunal d'instance de BÉZIERS qui a prononcé la décision dont appel.
10- pour prononcer la nullité du contrat de vente, le premier juge, au vu de l'original du bon de commande produit par les époux G. a retenu que :
- les biens objets du contrat ne sont pas précisément désignés ; le bon de commande se contente de faire référence à une centrale photovoltaïque qui comprend 12 modules, 12 supports, 12 onduleurs, une passerelle de communication et ce sans donner aucune indication s'agissant de la marque, du modèle, du poids ou de la taille des composantes de sorte que les références de ces biens sont particulièrement succinctes et ne permettent pas de connaître les caractéristiques des produits achetés et notamment de faire des comparaisons avec des produits similaires ;
- un prix global TTC a été retenu pour l'ensemble de l'opération, sans précision concernant le prix de chaque bien pourtant distinct ;
- le bordereau pour exercer la faculté de renonciation prévue par l'article L121-25 du code de la consommation n'est pas facilement détachable et ne comporte pas les mentions légales prévues par les articles R121-3 et R121-4 du code de la consommation.
11- Henri G. est décédé en cours de procédure et les consorts G. venant à ses droits ont repris l'instance et il leur sera donné acte de leur intervention volontaire.
Les moyens des parties
12- la société GFE poursuit la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du jugement en soutenant pour l'essentiel que le bon de commande est complet au regard des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable puisqu'elle ne peut pas, au moment du bon de commande, préciser la marque des équipements ou la référence de matériel pas plus que le nom du fabricant ;
Que le prix unitaire de chaque fourniture ne peut être indiqué dans la mesure où la vente porte sur un kit photovoltaïque dont les pièces ne peuvent être dépareillées, le consommateur étant à même de procéder de lui-même à une simple comparaison pour obtenir le prix moyen d'une centrale photovoltaïque de 3kwc ;
Que les modalités de paiement sont précisées puisque la case « financement » a été cochée ;
Que le coupon détachable pour procéder à une éventuelle vente figure en bas des conditions générales de vente et peut être facilement repéré, son détachement n'endommageant pas le contrat.
Elle conclut pour le surplus sur l'absence d'inexécution contractuelle et sur le préjudice qu'elle subit par une action engagée de mauvaise foi trois ans après l'installation d'une centrale photovoltaïque dont les époux G. se sont toujours montrés satisfaits.
13- les consorts G. poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente en soulignant que le descriptif du bon de commande ne permettait pas de comprendre la nature du produit acheté, de connaître la qualité du matériel ni se référence de nature seule à faire jouer la garantie ; qu'il n'existe aucune indication de prix unitaire pour chaque fourniture ; le point de départ du délai de livraison, dans les 45 jours, n'est pas fixé ; les modalités de paiement ne sont pas précisées ; les conditions générales sont rédigées dans une police inférieure à 2mm et doit être écarté pour non-respect de l'article L133-2 du code de la consommation ; il n'existe pas de formulaire détachable au sens des articles du code de la consommation, à savoir un formulaire recto verso qui peut être détaché sans endommager le contrat.
Ils concluent au subsidiaire sur la résolution de la vente au regard des inexécutions contractuelles puis forment des demandes contre GFE liées aux conséquences de la nullité du contrat.
Sur l'intérêt à agir des consorts G.
14- aucune fin de non-recevoir n'est opposée par la société GFE à leur action et intervention et il ne sera pas plus répondu à l'argumentation en défense.
Sur la nullité du contrat
15- l'article L121-23 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable fixe, à peine de nullité, les mentions que doit comporter le contrat souscrit par le consommateur dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile.
Il en est ainsi de la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, des conditions d'exécution du contrat et notamment des modalités et de livraison des biens, du prix global à payer et des modalités de financement ; en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt.
16- la cour ne peut, tout comme l'a fait le premier juge, que constater les irrégularités du bon de commande passé le 9 janvier 2014 au domicile de M. G..
17- la commande porte sur une centrale photovoltaïque 3kwc composée des pièces ainsi listées : 12 modules, 12 supports, 12 onduleurs, une passerelle de communication, un boîtier de raccordement, biens proposés au prix de 12 180€ HT, main d'oeuvre pour 1 950€ comprise.
Ces mentions sont notoirement insuffisantes au regard de l'exigence de précision fixée par le texte précité dans la désignation des caractéristiques des biens offerts, en l'absence de mentions relatives à la marque, à des références de matériel, à des noms de fabricant, tous éléments importants pour permettre au consommateur de comparer plusieurs offres pendant le délai de renonciation qui lui est offert par ce même article alors que la notion de kit photovoltaïque qui connaît parfois le meilleur, de temps en temps le bon, très souvent le pire matériel ne permet en aucun cas une comparaison efficiente d'une offre à l'autre.
La nullité du contrat doit être prononcée de ce premier bloc d'irrégularités.
18- le bon de commande porte mention d'un délai de livraison de 45 jours, d'un délai d'installation de 90 jours. Cette mention satisfait aux exigences du texte précité puisque si le point de départ des délais n'est pas précisé, ils courent nécessairement de la date du bon de commande.
19- au titre des modalités de paiement, le bon de commande précise un paiement comptant de 60€ à l'installation. Si la case financement est ensuite cochée, correspondant au recours au crédit, aucune précision n'est apportée quant à l'offre de crédit, au montant financé, au nombre et au montant des mensualités, au taux nominal et au taux effectif global.
La nullité du contrat doit être prononcée de cet autre bloc d'irrégularités.
20- si la taille des caractères du bon de commande est inférieure à celle du corps huit, rendant difficilement lisible les clauses contractuelles et les rappels de textes, la sanction ne s'en trouve pas dans la nullité du contrat mais dans le caractère réputé non écrit de la clause que le professionnel oppose au consommateur.
21- le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation, s'il peut être facilement séparé du bon de commande puisqu'il suffit au consommateur de se munir d'une paire de ciseau et de découper ce formulaire, ne satisfait cependant pas aux prescriptions de l'article R121-4 du code de la consommation en ce qu'il ne comporte pas sur une face l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé.
Le formulaire n'étant pas conforme aux prescriptions réglementaires, le contrat doit être annulé.
22- le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du bon de commande en conséquence du relevé des nombreuses irrégularités qui l'affectent, prévues à peine de nullité.
23- l'admission du moyen principal des consorts G. rend sans objet l'examen du moyen subsidiaire qu'ils développent quant à l'inexécution contractuelle.
24- la confirmation du jugement dont appel exclut l'admission de la demande reconventionnelle de la société GFE tendant à obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive.
25- au titre des conséquences de la nullité du contrat, s'il peut être fait droit à la réduction du délai pour que la société GFE récupère l'installation photovoltaïque, dont le coût de d'enlèvement et de remise en état de l'existant doit rester à sa charge, il ne saurait être question de la condamner à restituer le capital de 15 560€ qui provoquerait un enrichissement sans cause au profit des consorts G. qui ont obtenu en première instance, par décision aujourd'hui définitive à l'égard de la SA CA CONSUMER FINANCE, la dispense totale de restitution des fonds prêtés pour le financement de l'installation.
26- la société GFE, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe donne acte aux consorts G. de leur intervention volontaire statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident
Confirme le jugement sauf à réduire à 5 semaines à compter de la signification de l'arrêt le délai pendant lequel la société GFE devra procéder à l'enlèvement et à la remise en état de l'existant dont le coût restera à sa charge, délai passé lequel elle sera réputée avoir renoncé à récupérer les panneaux photovoltaïques et les consorts G. autorisés à faire procéder à l'enlèvement et à la remise en état de l'existant dans la limite de 1 540€, somme au paiement de laquelle la société GFE sera condamnée en tant que de besoin.
Y ajoutant,
Déboute les consorts G. de leur demande tendant à condamner la société GFE à restituer la somme de 15 560€.
Condamne la société GFE à payer aux consorts G. la somme de 2 500€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société GFE aux dépens d'appel.