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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 24 juin 2021, n° 20/10706

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison Bonini (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Avocats :

Me Munoz, Me Albo, Me Joly

T. com. Marseille, du 15 oct. 2020

15 octobre 2020

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par contrat d'agent commercial du 22 décembre 2006, Monsieur X a reçu mandat de commercialiser, au nom et pour le compte de la société MAISON BONINI, ses produits pour la clientèle de la grande distribution sur tout le territoire français. Ce mandat a été consenti avec bénéfice d'exclusivité sur un territoire géographique composé de la France métropolitaine. Un avenant au contrat modifiant notamment le secteur géographique sur lequel s'exerce le mandat, a été signé par les parties le 28 février 2019.

Soutenant que la société MAISON BONINI a cessé d'exécuter normalement ses obligations contractuelles à compter de janvier 2020, en particulier en le décrédibilisant auprès de la clientèle, et en ne réglant plus les commissions dues à compter de mars 2020, Monsieur X a saisi le juge des référés le 16 juin 2020 en paiement d'une indemnité provisionnelle de 22 752,52 euros, au titre de commissions arriérées, et a assigné au fond la société MAISON BONINI pour voir prononcer la résiliation judiciaire et obtenir une indemnité de cessation de mandat de 95 060 euros et une indemnité compensatrice de préavis de 12 536 euros TTC.

Par ordonnance du 15 octobre 2020, le juge des référés du tribunal a condamné la société MAISON BONINI :

- au paiement d'une somme provisionnelle de 20 563,37 euros au titre de commissions facturées, ainsi que celle de 1 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- à communiquer à Monsieur X le relevé de chiffre d'affaires du mois d'août 2020 dans les 15 jours suivant la signification de la présente ordonnance et à défaut, sous astreinte provisoire de 100 par jour de retard pendant le délai d'un mois, et a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus.

La société MAISON BONINI a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 5 novembre 2020.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du président de la chambre du 22 mars 2021 et renvoyée à l'audience du 22 avril 2021.

Par conclusions du 19 décembre 2020 auxquelles il y a lieu de se référer pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société MAISON BONINI demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de dire n'y avoir lieu à référé, et de condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que le juge des référés a retenu à tort l'urgence qui n'est pas une condition requise, et en revanche, toujours à tort, n'a pas retenu l'existence de contestations sérieuses. A cet égard, elle fait valoir que :

- M. X, alors que celui-ci était lié par une clause de non-concurrence, n'a pas respecté cette clause en représentant d'autres mandants concurrents, et s'est comporté de façon déloyale dans l'exécution du contrat,

- le coût de location de banques réfrigérées utilisées pour la représentation de produits concurrents lui a été facturé à tort, et qu'il doit être assumé par l'agent s'agissant de frais exposés par M. X pour commercialiser les produits d'autres mandants, concurrents de la société MAISON BONINI,

- c'est M. X qui a rompu brutalement le contrat d'agent le 29 avril 2020, en refusant une commande de la société AUCHAN SAINT LOUP, de sorte que les commissions dues ultérieurement sont contestées,

- des surfacturations ont été opérées par M. X dans les factures qu'il a établies du 6 mars 2020 au 7 avril 2020.

Elle considère que le contrat d'agent commercial a été résilié pour faute de M. X avec effet au 10 avril 2020, à la suite de l'envoi d'une mise en demeure en date du 9 mars 2020 restée sans effet, et que le juge des référés ne pouvait ni statuer sur une demande de paiement provisionnel pour des factures de mars 2020 à juillet 2020, ni statuer sur une demande de communication de relevés de chiffres d'affaires pour le mois d'août 2020.

Par conclusions du 28 janvier 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Monsieur X conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X conteste les griefs formulés à son encontre, et en particulier le fait qu'il aurait résilié unilatéralement le contrat, soutenant que c'est la société BONINI qui a cessé de le mettre en mesure d'exécuter son mandat, et retient sans raison légitime le paiement de ses commissions, malgré mise en demeure de son conseil dès mars 2020, de sorte qu'il a été contraint de solliciter la résiliation judiciaire du contrat. Il conteste la décision unilatérale prise en avril 2020 de la société Maison BONINI de déduire des commissions le montant du coût de location des banques réfrigérées qui ne font pas partie des frais à sa charge, et conteste l'existence de tout impayé de la part des clients, s'agissant d'enseignes de la grande distribution. Il affirme qu'il y a urgence à ce qu'il perçoive une rémunération, rappelant que c'est le mandat qui le lie à la société Bonini qui lui procure la majorité de sa rémunération, que sa trésorerie est exsangue et qu'il ne peut plus faire face à ses charges professionnelles. Il précise que la société BONINI n'a pas réglé spontanément les condamnations prononcées et qu'il a dû faire procéder à trois saisies-attributions.

Par conclusions du 20 avril 2021, M. X demande à la cour d'écarter des débats les conclusions notifiées par l'appelante le 21 mars 2021, veille de la clôture et les pièces n° 86 et 87 notifiées le 22 mars 2021, soit le jour de la clôture.

Par conclusions du 21 avril 2021, la société MAISON BONINI demande à la cour de déclarer recevables les conclusions et pièces 86 et 87 notifiées le 21 mars 2021 et de débouter M. X de sa demande de rejet desdits conclusions et pièces.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande visant à voir écarter des débats les conclusions notifiées par l'appelante le 21 mars 2021 et les pièces 86 et 87

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Aux termes de l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Les conclusions et pièces doivent être communiquées en temps utile pour permettre à l'adversaire d'y répondre.

En l'espèce, la notification de conclusions nouvelles la veille de l'ordonnance de clôture et la communication de pièces le jour de la clôture par la société MAISON BONINI, qui n'ont pas permis à M. X d'y répondre, doivent être considérées comme tardives, et en conséquence, ces conclusions et pièces doivent être rejetées des débats.

Sur les demandes principales

Aux termes de l'article 876 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut dans tous les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le référé provision n'est subordonné qu'à l'absence de caractère sérieusement contestable de l'obligation qui fonde la demande. La condition d'urgence n'est pas requise.

Le juge des référés qui est juge de l'évidence, n'a pas à se prononcer sur des questions juridiques qui relèvent de la compétence du juge du fond telles que l'imputabilité de la rupture des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 134-6 du code de commerce, « Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre. »

En l'espèce, le contrat liant les parties prévoit en son article 7 une commission de 10 % du montant du chiffre d'affaires net facturé pour toutes les années postérieures à l'année 2007. La commission est acquise à l'agent commercial au jour où le client a exécuté l'opération concernée. Aucune commission n'est due à l'agent si la commande acceptée et livrée n'a pas fait l'objet d'un règlement par le client.

La société appelante n'est pas fondée, au motif que la rupture du contrat proviendrait d'un comportement fautif de son agent, à lui refuser le paiement des commissions pour des opérations réalisées lorsqu'il agissait dans le cadre de son mandat.

Si les parties sont en désaccord quant à l'imputabilité de la rupture et la date de rupture, le paiement des commissions est dû, nonobstant la résiliation du contrat et indépendamment des torts qui pourront être retenus par le juge du fond à la charge de l'une ou l'autre des parties dans le cadre de la résiliation.

Le premier juge retient à juste titre qu'à l'évidence des ventes ont été réalisées postérieurement à la date du 27 avril 2020. Cela est nécessairement reconnu par la société MAISON BONINI, qui a établi des relevés de chiffres d'affaires pour des périodes postérieures au 27 avril 2019 et les a communiquées à son agent qui a pu ainsi facturer ses commissions pour la période de mars à juillet 2020, de sorte que l'obligation au paiement de ces commissions contractuellement dues pour cette période n'est pas sérieusement contestable.

Il sera relevé que le juge des référés a écarté les compléments de commissions facturées en mars et avril 2020, contestés par la société MAISON BONINI, et n'a pas condamné, dans le dispositif de l'ordonnance, la société MAISON BONINI à les régler.

C'est donc à juste raison que le juge des référés prenant en compte les factures produites aux débats et établies sur la base des relevés de chiffres d'affaires susvisés établis et transmis par l'appelante, a condamné la société MAISON BONINI à payer à Monsieur X la somme 20 563,37 euros à titre provisionnel, sans que celle-ci puisse invoquer les différends qui l'opposent à M. X au titre des conditions de rupture du contrat et de sa décision unilatérale de déduire des commissions les frais de location de banques réfrigérées depuis le mois de mars 2020.

Selon l'article R. 134-3 du code de commerce : « Le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.

L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ».

Des ventes apparaissent avoir été réalisées en août ainsi qu'il résulte des pièces communiquées, la remise de documents relatifs au mois d'août sous astreinte est dès lors justifiée.

En conséquence, l'ordonnance à la motivation de laquelle il convient de se référer pour le surplus est confirmée en toutes ses dispositions, les demandes présentées par la société MAISON BONINI étant rejetées.

Il convient de condamner la société MAISON BONINI à payer à Monsieur X une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE des débats les conclusions de la société MAISON BONINI du 21 mars 2021, et les pièces 86 et 87,

Confirme l'ordonnance attaquée,

Y ajoutant,

Condamne la société MAISON BONINI à payer à Monsieur X une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

Condamne la société MAISON BONINI aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.