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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 22 juin 2021, n° 20/06081

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

DMA Holographics (Sté)

Défendeur :

Petrel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Conseillers :

Mme Schaller, Mme Aldebert

Avocats :

Me Ingold, Me Rodrigue, Me Bruguier Crespy, Me Deloffre

T. com. Evry, du 5 mars 2020

5 mars 2020

I- FAITS ET PROCEDURE

1-La société DMA HOLOGRAPHICS (ci-après «la société DMA ») est une société de droit israélien spécialisée dans les techniques holographiques.

2-La société Petrel est une société française, fournisseur de produits pour la sécurisation des documents. Elle fabrique des encres, des fibres et des fils de sécurité pour les documents tels que les passeports.

3-Le 7 décembre 2001, la société Petrel a conclu avec la société DMA un contrat de représentation exclusive sur le marché israélien de ses encres sécurisées, prenant effet au 21 février 2002 et modifié par deux avenants des 14 mai 2004 et 15 octobre 2010, ce dernier avenant concernant le marché obtenu auprès du gouvernement israélien (Gov Print) pour les fils sécurisés pour les passeports.

4-Un différend est né entre la société Petrel et la société DMA concernant le paiement de commissions sur une commande importante passée par le gouvernement israélien à la société Petrel fin 2017 d'un montant de 217.651,92 euros, commande pour laquelle la société DMA a sollicité le paiement d'une commission de 21.765,20 que la société Petrel a refusé de lui payer.

5-Par acte du 1er juin 2018, la société DMA a assigné la société Petrel devant le Président du tribunal de commerce d'Evry pour obtenir la condamnation de la société Petrel à lui régler la somme de 21.765,20 et la communication tous les 3 mois d'un état des commandes passées et des commandes payées pour chaque client apporté par la société DMA.

6-Par ordonnance du 5 juillet 2018, le juge des référés a pris acte du paiement à l'audience par la société Petrel des sommes réclamées et rejeté la demande de communication d'informations.

7-Parallèlement, par courrier du 14 juin 2018, la société Petrel a notifié à la société DMA la résiliation du contrat d'agent avec effet au 1er octobre 2018.

8-Considérant que la rupture du contrat était abusive, la société DMA a assigné la société Petrel devant le tribunal de commerce d'Evry par acte délivré le 13 décembre 2018, pour obtenir sa condamnation à lui régler des commissions, une indemnité de rupture, une indemnité au titre du contexte déloyal de la rupture et une indemnité au titre du refus de la société Petrel de fournir les clients de DMA.

9-Par décision rendue le 5 mars 2020, le tribunal de commerce d'Evry a débouté la société DMA de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

10-La société DMA a interjeté appel de cette décision le 21 avril 2020.

II- PRETENTIONS DES PARTIES

11-Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2021, la société DMA HOLOGRAPHICS demande à la Cour de bien vouloir :

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mars 2020 par Tribunal de commerce d'Evry,

En conséquence, statuant à nouveau des chefs critiqués,

JUGER que la Loi israélienne est seule applicable au litige.

JUGER que la société DMA HOLOGRAPHICS a agi selon un contrat à durée indéterminée durant 17 ans en qualité d'agent commercial exclusif de Petrel sur le territoire israélien,

JUGER que Petrel a méconnu ses obligations au titre de la loyauté dans ses relations avec DMA HOLOGRAPHICS, pendant le cours des relations et dans le cadre de la rupture de celles-ci,

CONSTATER, les violations des dispositions de la Loi Israélienne sur :

o le paiement des commissions dues à DMA HOLOGRAPHICS sur des accords conclus avant la cessation de la relation contractuelle

o les commissions dues à DMA HOLOGRAPHICS après la rupture pour la durée du préavis

o Les conditions fautives de la rupture

o Le refus de vente à deux clients de DMA

JUGER que Petrel a commis des fautes distinctes en refusant que DMA HOLOGRAPHICS porte les commandes de ses propres clients,

En tout état de cause,

ENJOINDRE, en conséquence, à la société Petrel sous astreinte de 500 par jour de retard, de produire l'accord conclu avec GOV Print,

ENJOINDRE, en conséquence, à la société Petrel, de rendre compte des ventes éventuellement conclues avec le client GOV PRINT, à compter de la rupture du contrat et tous les trois mois : le 30 mars, Le 31 Juin, le 30 septembre, 31 Décembre, pendant un délai de 4 ans ;

Et DIRE que la reddition des comptes devra mentionner :

o Les commandes en cours,

o Les commandes encaissées,

o La commission éventuellement due à DMA HOLOGRAPHICS

Et ORDONNER le paiement de la commission éventuellement due à 30 jours de la reddition des comptes.

DIRE que chaque obligation sera sanctionnée d'une astreinte définitive de 500 par jour de retard, pendant un délai de 90 jours.

12-Passé le délai de 90 jours, si Petrel ne s'est pas acquittée des obligations de reddition des comptes et de paiement éventuellement mises à sa charge dans la décision à intervenir,

CONDAMNER, la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 87.060 , à titre d'indemnité sur les commissions dues non réglées ;

En tout état de cause :

CONDAMNER, la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 59.223 , à titre d'indemnité de préavis ;

CONDAMNER, la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 24.014 , à titre d'indemnité de rupture ;

CONDAMNER, la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 50.000 , à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice et moral subi en raison du contexte déloyal de la rupture;

CONDAMNER, la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 40.000 , à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice d'image et de la tentative de détournements des clients propres à DMA;

DEBOUTER la société Petrel de l'ensemble de ses moyens et arguments ;

CONDAMNER la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 15.000 au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens ;

CONDAMNER la société Petrel aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

13-Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2021, la société Petrel demande à la Cour:

A TITRE PRINCIPAL :

DE CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DE DIRE que la loi française est la seule applicable au présent litige ;

DE DIRE que la société DMA HOLOGRAPHICS n'a pas la qualité d'agent commercial ;

ET PAR CONSEQUENT DE :

DEBOUTER l'Appelante de l'ensemble de ses demandes ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la Société DMA HOLOGRAPHICS au paiement de la somme de 3.500 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de premie're instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me Laurence BRUGUIER CRESPY Avocat conformément à l'article 699 du CPC.

14-La clôture a été prononcée le 6 avril 2021.

15-La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux décisions déférées et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

III- MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le droit applicable

16-La société DMA soutient que la loi israélienne est applicable au contrat d'agent, et ce tant par application de la Convention de Rome, compte tenu de son caractère universel, que par application de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur les contrats d'intermédiaires et la représentation qui, bien que non ratifiée par Israël, permet au juge français de désigner la loi applicable, même s'il s'agit d'un Etat non contractant, et enfin par l'application du règlement Rome I qui renvoie à la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique du contrat a sa résidence habituelle. Elle indique que les parties n'ayant rien indiqué dans leur contrat la loi applicable est, par l'effet de la règle de conflit prévue par les conventions susrappelées, celle de l'Etat dans lequel l'intermédiaire a son établissement professionnel et exécute sa mission, à savoir Israël, indépendamment de la juridiction saisie du litige et de la signature du contrat en France. Sur le contenu de la loi israélienne, elle fournit un certificat de coutume et indique que la loi israélienne s'est inspirée des dispositions de la directive UE du 18 décembre 1986 et fait référence aux dispositions des articles L.134-1 et suivants du code de commerce.

17-La société Petrel conteste l'application de la loi israélienne et renvoie à la convention des parties. Elle soutient que la convention de la Haye n'est pas applicable car elle n'a pas été signée ni ratifiée par Israël, la société DMA étant une société israélienne et ne pouvant dès lors s'en prévaloir. Elle conteste également l'application du règlement Rome I, faute pour l'Etat d'Israël d'être un Etat membre de l'Union européenne. Elle conteste toute référence à la directive UE du 18 décembre 1986 relative aux agents commerciaux, son caractère universel au regard de la loi applicable n'ayant pas pour effet de rendre cette directive opposable à un ressortissant d'un Etat non membre de l'UE. S'agissant dès lors de la loi applicable au litige, elle soutient que la loi française doit être désignée comme résultant de la commune intention des parties, un faisceau d'indices justifiant en l'espèce cette option, le contrat ayant été signé en France avec désignation des juridictions françaises en cas de litige et l'appelante ayant fait le choix de la loi française dans sa saisine en référé.

18-Concernant les demandes indemnitaires au titre de la déloyauté, du refus de vente et du préjudice qui en est résulté, la société DMA invoque à la fois la loi française et la loi israélienne pour en solliciter l'indemnisation, faisant référence aux dispositions du droit de l'Union européenne, dont la loi israélienne se serait inspirée.

19-La société Petrel indique en réponse que les articles L.134-1 et s. du code de commerce ne sont pas applicables dans l'ordre international et que c'est la loi française, et notamment l'article 1103 du code civil qui doit être appliqué.

Sur ce,

20-Selon l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

21-A titre liminaire, il convient de rechercher si la loi du 25 juin 1991 transposant en France la directive UE du 18 décembre 1986 relative aux agents commerciaux, codifiée aux articles L.134-1 et s. du code de commerce est applicable à titre de loi de police et, à défaut de mettre en œuvre la méthode conflictuelle applicable au juge saisi.

22-Tout d'abord, il est constant que la loi du 25 juin 1991 susmentionnée, si elle est bien une loi protectrice d'ordre public interne français, n'est toutefois pas une loi de police applicable dans l'ordre international et ne s'impose par conséquent pas au juge français saisi de la recherche de la loi applicable quelle que soit l'issue de la règle de conflit.

23-Le droit applicable à l'action engagée devant une juridiction française relative à la relation contractuelle entre une société israélienne et une société française doit donc être déterminée par la règle de conflit de loi applicable à la matière contractuelle liant le juge français. C'est la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dans l'Union Européenne (ci-après la « Convention de Rome ») remplacée ensuite par le règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 (« Rome I ») qui sont applicables lorsque le juge français est saisi d'une demande pour régler les situations comportant un conflit de lois relatif à un contrat.

24-Toutefois, dès lors qu'est en cause devant le juge français un contrat d'intermédiaire ou de représentant, notamment un litige portant sur la qualification d'agent commercial, la convention de Rome et le règlement « Rome I » s'effacent, par application du principe de spécialité et par application de l'article 1-2(g) du règlement Rome I, devant la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur les contrats d'intermédiaires et la représentation à laquelle la France est partie, entrée en vigueur le 1er mai 1992, aux termes de laquelle « la présente convention détermine la loi applicable aux relations à caractère international se formant lorsqu'une personne, l'intermédiaire, a le pouvoir d'agir, agit ou prétend agir avec un tiers pour le compte d'une autre personne, le représenté ».

25-Aux termes de l'article 4 de ladite convention, la loi désignée par la Convention s'applique même s'il s'agit de la loi d'un Etat non contractant.

26-Selon l'article 5 de cette convention, la loi résulte du choix fait par les parties et, à défaut, selon l'article 6, « dans la mesure où elle n'a pas été choisie dans les conditions prévues à l'article 5, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle ».

27-En l'espèce, le contrat signé en 2001 entre une société française et une société israélienne et portant sur la représentation exclusive sur le marché israélien des produits de la société française soulève la question de la qualification du contrat au regard de la qualification d'agent commercial alléguée et relève par conséquent, pour la règle de conflit de lois à appliquer par le juge français, du champ d'application de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires.

28-A ce titre, il résulte des éléments non contestés du litige que la société DMA avait son siège en Israël au moment de la formation du contrat et que les prestations de la société DMA s'exécutent exclusivement en Israël.

29-S'agissant de la responsabilité délictuelle invoquée au titre du refus de vente, la règle de conflit applicable issue du règlement n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (le règlement Rome II) et notamment de son article 4 est que « sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent », soit en l'espèce Israël, pays dans lequel la société DMA invoque avoir subi les conséquences de l'attitude fautive de la société Pétrel alléguée.

30-Ainsi, que ce soit pour la matière contractuelle ou délictuelle, la loi applicable au présent litige est la loi israélienne et non la loi française.

31-La décision des premiers juges devra être infirmée sur ce point.

2. Sur la qualification de la relation commerciale

32-La société DMA fait valoir que le droit israélien et notamment la loi de 2012 relative au contrat d'agent commercial est très similaire au droit français et s'est inspiré du droit communautaire, plus particulièrement de la directive du 18 décembre 1986. Elle indique que l'application du statut d'agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l'activité était effectivement exercée. Elle soutient qu'elle n'était pas qu'un simple intermédiaire au motif qu'elle avait un vrai pouvoir de négociation et pouvait définir avec les sociétés démarchées leurs besoins, adapter les produits et les quantités et accorder des remises. Elle ajoute que les contrats mentionnent tous sa qualité d'agent et qu'il ressort des pièces qu'elle a versées aux débats (notamment le « Questionnaire de Petrel pour les Agents de produits de Sécurité ») que, pour la société Petrel, la relation confiée à la société DMA était bien une relation de représentation à titre exclusif de ses produits sur le territoire israélien, et qu'elle n'avait pas qu'un rôle de simple assistance, comme l'indique également l'ordonnance rendue par le juge des référés. En outre, la société DMA, se fondant sur un Certificat de Coutume établi par un cabinet d'avocats israéliens, soutient qu'au regard du droit israélien, elle est éligible au statut d'agent commercial. Elle explique par ailleurs que la latitude de négociation dont elle bénéficiait a cessé pour le client GOV Print en raison de mesures imposées par le gouvernement israélien pour encadrer sa relation avec la société Petrel.

33-En réponse, la société Petrel soutient que tant en application de la loi française et notamment de l'article L.134-1 du code de commerce, compte tenu de l'absence de pouvoir de négociation, que de la loi israélienne qui exige que l'agent ait un pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions, la société DMA n'a pas la qualité d'agent commercial. Selon elle, la société DMA ne négociait et ne concluait aucun contrat à son nom et pour son compte, elle ne négociait pas davantage les prix. La société Petrel affirme que les pièces produites par la société DMA n'établissent pas la qualité d'agent commercial alléguée. Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Sur ce,

34-La loi israélienne sur le contrat d'agence (agent commercial et mandant) de 2012 (ci-après « la loi israélienne de 2012 ») dont les éléments pertinents fournis par le certificat de coutume versé aux débats ne sont pas contestés dans leur teneur, définit l'agent commercial comme étant la « Personne chargée de rechercher un client ou une activité ayant pour objet de créer un contrat entre un client et un fournisseur dans le cadre de l'achat de biens commercialisés par le fournisseur ».

35-Par ailleurs, Israël est un pays de Common Law où la jurisprudence de la Cour suprême israélienne s'impose aux juridictions du fond.

36-Selon un arrêt de la cour suprême israélienne (arrêt 1018-06 Ouri Ouaknine contre Saint Gobain Glass France), le statut d'agent ou d'agent commercial présente trois caractéristiques principales:

1. Il agit en tant que mandataire du fournisseur, c'est-à-dire que, dans le cadre d'un engagement avec un tiers, il agit pour le compte du fabricant et à son avantage.

2. La mission est pour une période prolongée, au cours de laquelle l'agent contacte des clients, pour son mandant, et l'engagement contractuel est conclu entre le producteur et son client.

3. Enfin, l'agent bénéficie d'une indépendance : il a le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions et de gérer ses actions de manière à le distinguer de l'employé et de l'employeur mais il ne doit pas agir de manière à ce que son indépendance vienne compromettre ses obligations envers son client. Il convient également de noter que la rémunération de l'agent est exprimée en encaissement de commissions correspondant à une partie du prix de la transaction pertinente créée entre le fournisseur et le client, par l'intermédiaire de la médiation de l'agent».

37-Il en résulte qu'au-delà de la qualification retenue par les parties, il convient de prendre en compte les conditions de fait dans lesquelles s'exerce effectivement l'activité de l'agent, afin de vérifier si ces trois conditions ainsi énumérées par la cour de cassation israélienne sont remplies.

38-Contrairement à ce que soutient la société Petrel, et sans qu'il soit nécessaire de se référer à la jurisprudence de la CJUE du 4 juin 2020 invoquée par la société DMA, ou à la jurisprudence française modifiée récemment par l'arrêt de la cour de cassation du 2 décembre 2020, le pouvoir de négocier les prix n'est pas, selon ledit certificat de coutume faisant référence à l'arrêt de la cour suprême israélienne, une condition sine qua non pour la qualification du contrat d'agent commercial.

39-En l'espèce, le contrat signé par les parties le 7 décembre 2001 et intitulé « Agent contract » a pour objet : « Exclusive sales representation of Petrel by DMA in Israël », la condition du mandat étant ainsi remplie.

40-S'agissant de la condition de durée, le contrat a été signé pour une durée annuelle renouvelable automatiquement, sauf dénonciation moyennant préavis de trois mois, ce qui réalise la deuxième condition, le contrat ayant été tacitement reconduit pendant 17 ans.

41-S'agissant de la condition d'indépendance, il résulte de la loi israélienne que cette notion s'entend de la relation de travail indépendante, l'activité de l'agent ne pouvant être une activité salariée, ce qui n'est pas le cas de DMA, la condition d'indépendance étant dès lors également réalisée. De plus, il résulte des éléments versés que l'activité de DMA au cours des dix-sept années de relations était totalement autonome et indépendante, que DMA recherchait seule de clients en vue de la signature d'un contrat entre ces derniers et la société DMA ne recevant aucune instruction ni limitation en ce sens par la société Petrel, ayant obtenu à la fois des marchés privés et des marchés avec le gouvernement israélien pour le bénéfice de son mandant. Il résulte en outre des échanges de courriels versés aux débats que les parties se connaissaient bien et avaient des relations de confiance, mais aucun lien de subordination.

42-De plus, il résulte des pièces versées aux débats, notamment de la reddition des comptes de la société DMA, que la société Petrel a pu conclure, grâce à l'intermédiaire de la société DMA, de nombreux contrats avec des clients israéliens, par exemple les sociétés Be'eri, Computer Forms, Dykam, millenium, Sapir Print, Offset COLOR ou encore le contrat important avec le gouvernement israélien (GOV PRINT). Il résulte également des pièces versées, qu'au-delà de la prospection de clients, la société DMA exerçait d'autres missions, par exemple, elle négociait les prix et les délais de livraison, elle négociait des tarifs dégressifs pour des clients, mais aussi elle prenait l'initiative d'opérations commerciales en envoyant des produits gratuitement à certains des clients, ce qui ressort notamment d'un échange de courriels daté de 2015 entre la société Petrel et la société DMA.

43-Dès lors, les trois conditions cumulatives étant remplies, il y a lieu de qualifier le contrat litigieux entre la société DMA et la société Petrel de contrat d'agence commerciale soumis à la loi israélienne.

44-La décision des premiers juges sera également infirmée sur ce point.

3. Sur les demandes consécutives à la rupture du contrat

- Sur l'indemnité de préavis

45-La société DMA soutient que le contrat doit être considéré comme un contrat à durée indéterminée, auquel la loi israélienne de 2012 prévoit qu'il peut être mis fin unilatéralement par le respect d'un préavis raisonnable, ladite loi considérant qu'est raisonnable « un délai d'un mois par année travaillée ». Elle expose que la société Petrel a seulement accordé un préavis de trois mois, sans s'acquitter d'une indemnité de préavis ni d'une indemnité de rupture. Elle soutient qu'au regard du droit israélien, l'indemnité de préavis peut en l'espèce être d'un mois par année travaillée, sur une relation contractuelle de 17 ans, de sorte qu'elle est en droit de réclamer une somme correspondant à 17 mois de préavis, soit 59.223 d'après les calculs de son expert-comptable. Elle fait valoir que le plafond de six mois fixé par la loi peut être dépassé dès lors que le comportement déloyal de la société Petrel lors de la rupture justifie un tel dépassement.

46-En réponse, la société Petrel soutient qu'elle a notifié un préavis de 3 mois conforme aux dispositions contractuelles, qui n'a pas fait l'objet d'une remise en cause, qu'elle n'a violé aucune disposition légale, communautaire ou internationale applicable, ni un ordre public international français ou israélien ni commis aucune faute contractuelle, de sorte qu'elle ne saurait être débitrice d'aucune somme. À titre subsidiaire, elle fait valoir que le calcul est erroné et que l'indemnité de préavis ne pourrait être que de 10 452 euros en cas d'application de la législation israélienne, et de zéro euro en application de la loi française.

Sur ce,

47-L'article 4 de la loi israélienne de 2012 prévoit qu'une partie à un contrat d'agence pour une période illimitée peut résilier le contrat par un préavis à l'autre partie dans un délai raisonnable et par écrit. Elle précise que ce délai de préavis ne doit pas être inférieur à deux semaines pendant les six premiers mois de début d'exécution du contrat, à un mois dès le septième mois depuis le début du contrat jusqu'à la fin de la première année, puis au nombre de mois correspondant au nombre d'années, le maximum étant de six mois (article 4(a)(7)) de la loi.

48-L'article 4(b) de la loi précise que « si les parties décident de périodes de préavis plus longues que celles mentionnées dans l'article 4 (a), la période de préavis de résiliation du contrat par le mandant ne sera pas plus courte que la période de préavis de résiliation par l'agent ».

49-Enfin, l'article 4(c)(2) prévoit que « l'indemnité de préavis sera égale à la multiplication de la période de préavis par les bénéfices moyens de l'agent commercial durant les six mois précédant la résiliation du contrat d'agence ou de la seconde moitié de la période de contrat, selon la période la plus courte. Un tribunal peut décider, pour des raisons spéciales, de différents préavis, en tenant compte des circonstances, des changements des conditions du marché ou dans le domaine dans lequel l'agent commercial est actif ».

50-En l'espèce, le contrat a été signé pour une durée initiale de six mois renouvelable par tacite reconduction et peut donc être qualifié de contrat à durée indéterminée. Ce dernier prévoyait un délai de préavis de trois mois. Néanmoins, la loi israélienne prévoit que le préavis ne peut être plus court que le délai légal, qui, selon le maximum prévu par la loi, serait d'un mois par année avec un maximum de six mois.

51-Ainsi, en notifiant la résiliation du contrat par lettre du 14 juin 2018, à effet au 1er octobre 2018, la société Petrel aurait dû respecter un délai de préavis de six mois et non trois mois, comme elle l'a fait, ce qui rend la société DMA éligible à une indemnité de préavis supplémentaire de la différence, soit trois mois.

52-S'agissant du montant de l'indemnité de préavis, ce dernier est égal, selon la loi israélienne, à la multiplication de la période de préavis restant due, soit en l'espèce trois mois, par les bénéfices moyens de l'agent commercial durant les six mois précédant la résiliation du contrat d'agence ou de la seconde moitié de la période de contrat, selon la période la plus courte, qui selon l'attestation de l'expert-comptable fournie au débat, et non contestée par la société Petrel, est de 3.484 .

53-Ainsi, il sera fait droit à la demande de la société DMA de voir condamner la société Petrel au paiement de la somme de 3 X 3.484 au titre de l'indemnité de préavis, soit la somme de 10.452, la société DMA étant déboutée du surplus de sa demande à ce titre.

54-La décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.

Sur l'indemnité de résiliation

55-La société DMA sollicite une indemnité de rupture s'élevant à 24.014 en application de l'article 5 de la loi israélienne. Elle indique que la part du chiffre d'affaires de la société Petrel dans le chiffre d'affaires de la société DMA s'élève en moyenne à 19,5 % du chiffre d'affaires total de la société DMA. La dernière année, cette part a atteint 34,3 %. Elle ajoute que sa marge brute, s'élève à une moyenne annuelle de 88,5%, que le chiffre d'affaires moyen annuel réalisé par la société DMA avec les clients apportés par elle à la société Petrel s'élève à 18.425 . Enfin, elle indique que son expert-comptable a repris les calculs et retiré une commission payée en avril mais qui était en réalité de mars 2018.

56-En réponse, la société Petrel soutient que la société DMA n'est pas un agent commercial et ne peut donc pas bénéficier des dispositions spécifiques du statut des agents commerciaux. A titre subsidiaire elle indique que le montant de 24.014 euros ne peut être retenu dans la mesure où la législation israélienne plafonne à 12 mois cette indemnité et que le coefficient à retenir serait de 9 et non de 17.

Sur ce,

57-L'article 5 de la loi israélienne relative au contrat d'agence de 2012 prévoit que « lors de la cessation d'un contrat d'agence par l'une ou l'autre partie, l'agent commercial a droit à une indemnité de la part du mandant pour ses transactions avec de nouveaux clients ou pour l'augmentation significative de ses activités avec les clients existants, dans la mesure où : (1) Le contrat d'Agence était valide pour un an au moins; (2) L'agent commercial a été l'auteur principal des transactions avec de nouveaux clients ou de l'augmentation de l'activité de l'entreprise ; (3) Le mandant profite des transactions ou des augmentations de ses activités aussi après la fin de la période du contrat d'Agence. »

58-Il est également indiqué que « l'indemnité conformément à l'article (a) sera égale à une moyenne des bénéfices mensuels pour chaque année où le contrat d'Agence était en vigueur, mais ne peut excéder plus de douze mois »

59-Par ailleurs, d'après cette même disposition, « le «bénéfice moyen » correspond à la moyenne mensuelle excédentaire de bénéfice attribué à l'agent commercial au cours des trois années précédant la résiliation du contrat d'Agence, ou pendant la période de validité du contrat, selon la période la plus courte. Le « bénéfice excédentaire » correspond aux bénéfices réalisés grâce aux transactions du mandant avec de nouveaux clients ou à cause de l'augmentation significative de ses affaires avec les clients existants, dû à l'intervention de l'agent ».

60-Enfin, selon l'article 5(d) de la loi, « le tribunal peut réduire le montant de l'indemnité mentionnée dans cet article ou n'accorder aucune indemnité, si cela apparaît justifié dans les circonstances ».

61-En l'espèce, aucune faute dans l'exécution du contrat n'est reprochée à la société DMA. Dès lors, par application de l'article 5 de la loi israélienne, la société DMA est éligible à l'indemnité de résiliation qui est égale à une moyenne des bénéfices mensuels pour chaque année où le contrat d'Agence était en vigueur, mais ne peut excéder plus de douze mois.

62-S'agissant du taux de marge l'attestation fournie par l'expert-comptable indique que celui-ci est de 88,50%, ce que conteste la société Petrel qui demande la production des comptes sociaux, sans toutefois motiver sa contestation.

63-La production de l'attestation de l'expert-comptable, fondée sur les livres comptables de la société DMA pour l'année 2018 n'est pas sérieusement contestée par la société Petrel. En appliquant le taux de marge brute retenu, compatible avec l'activité exercée, au chiffre d'affaires permettant de calculer le bénéfice mensuel, il y a lieu de retenir une moyenne mensuelle de 1.413 .

64-L'indemnité de résiliation peut par conséquent être fixée à : 1.413 x 12 = 16.956 .

65-Il sera fait droit à la demande d'indemnisation de la société DMA dans la limite de ce montant. Elle sera déboutée pour le surplus.

66-La décision des premiers juges sera également infirmée sur ce point.

Sur les demandes en paiement de commissions et sur le droit de suite

67-La société DMA affirme qu'un accord a été conclu de façon dissimulée en février 2018 entre les sociétés Petrel et GOV Print pour la passation de marchés pour une période de 4 ans, intervenu plusieurs mois avant la rupture des relations entre les sociétés DMA et Petrel. Elle soutient qu'en application tant du droit français et israélien relatif au statut d'agent commercial qu'en vertu des dispositions contractuelles, elle dispose d'un droit à commissions sur ce contrat.

68-La société DMA demande de ce fait à la Cour d'enjoindre à la société Petrel, sous astreinte définitive de 500 par jour de retard, de produire le contrat passé en février 2018 avec GOV Print et de rendre compte des ventes conclues sur la base de l'accord signé avec GOV Print en février 2018, tous les trois mois, et ce pendant un délai de 4 années à compter du jugement à venir.

69-La société DMA demande à défaut la condamnation de la société Petrel à lui payer une somme de 87.060 euros pour le cas où la société Petrel refuserait de produire les documents sollicités.

70-En réponse, la société Petrel conteste toute dissimulation et fait valoir qu'aucun contrat n'a été conclu avec Gov Print sur la période considérée et que les éléments produits par la société DMA ne permettent pas de contredire ce fait. Elle indique que l'entité Gov Print ne passe que des commandes ponctuelles sans engagement sur la durée. Elle souligne de nouveau que la société DMA n'a pas la qualité d'agent commercial. Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris.

Sur ce,

71-Le certificat de coutume versé au débat n'indique pas que la loi israélienne prévoie un droit de suite, mais seulement un droit à commissions après la rupture du contrat d'agence « si l'opération est principalement due à l'activité déployée au cours du contrat d'agence et que l'opération est conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat ».

72-La loi française sur le contrat d'agence n'étant pas applicable, c'est à tort que la société DMA se réfère aux dispositions des articles L134-1 et suivants du code de commerce pour solliciter la production des contrats passés sans son intermédiaire et des ventes effectuées postérieurement à la rupture du contrat, seul le droit israélien étant applicable. Or aucune disposition similaire aux articles L.134-6, L.134-7 et L.134-9 du code de commerce ne figure dans la loi israélienne.

73-De même, il n'est pas établi que la Directive du 18 décembre 1986 relative à la coordination des États membres concernant les agents commerciaux indépendants s'applique à une telle demande, ce d'autant que l'agent commercial exerce exclusivement son activité en Israël où il a son siège. En conséquence, il y a lieu de débouter la société DMA de ses demandes au titre de commissions sur un droit de suite ou de production de factures sur des ventes passées sans son intermédiaire.

74-Par contre, en ce qui concerne les ventes faites grâce à l'intermédiation de la société DMA, il résulte des éléments versés et notamment de l'avenant signé entre les sociétés Petrel et DMA le 15 octobre 2010 et de la lettre de la société Petrel du 19 mars 2018 que la société DMA avait gagné le marché avec le gouvernement israélien pour une durée de cinq ans, ce qui avait justifié qu'une commission spéciale de 10 % avait été prévue par cet avenant sur les ventes de fils de sécurité commandés par Gov Print à Petrel pour les passeports israéliens, et que le paiement des commissions dues à la société DMA sur les commandes régulières de Gov Print n'avait posé aucune difficulté jusqu'en 2018, comme établi par le tableau des commissions payées.

75-Il est également établi que le marché avec Gov Print a été renouvelé à l'issue des cinq ans puisqu'une commande portant sur 217.651,92 euros de fil invisible et de fils fluo a été passée par Gov Prit à la société Petrel en décembre 2017, commande importante qui a été à l'origine du litige puisque la société Petrel avait refusé de payer des commissions à la société DMA sur cette commande.

76-Or, les pièces versées au débat attestent que l'accord entre la société Petrel et GOV PRINT et les commandes dont Petrel a bénéficié ont été le résultat de l'activité déployée par la société DMA au cours du contrat d'agence et que cette opération a été renouvelée avant la cessation du contrat d'agence, générant de nouvelles ventes, même postérieurement à la rupture, ce qui justifie par conséquent le versement de commissions sur ces commandes pour la durée du marché obtenu, seulement dans la mesure où « l'opération est conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat ».

77-En l'espèce, un extrait du rapport des contrats sensibles passés par le gouvernement israélien atteste que la société Petrel a, pendant l'année 2018, soit dans un délai raisonnable après la rupture, été bénéficiaire de nombreuses commandes de sa part, étant le fournisseur exclusif de Gov Print, ce qui est conforté par les échanges entre M. G... D..., responsable de la liberté de l'information relevant du Ministère des Finances et GOV Print dans lesquels M. D... confirme ces commandes.

78-Dès lors, il est établi que c'est par l'intermédiaire de la société DMA que la société Petrel a pu recevoir des commandes de GOV Print et que même si l'existence d'un contrat écrit n'est pas établie, la réalité des commandes est démontrée, ainsi que leur pérennité, à tout le moins pour un « délai raisonnable », ce qui ouvre droit au versement d'une commission, par application du droit israélien.

79-Or, la société DMA n'a pas été destinataire des nouvelles ventes passées avec GOV Print.

80-Ainsi, il sera fait droit à la demande de la société DMA de voir enjoindre la société Petrel à produire sous astreinte l'ensemble des justificatifs des ventes conclues par la société Petrel avec GOV Print et ce depuis la rupture du contrat, le 1er octobre 2018 jusqu'au 14 décembre 2021, délai raisonnable correspondant à la date annoncée par la société Petrel comme date de fin du marché, et de produire tous documents comptables permettant d'établir le montant des commissions dues à la société DMA sur ces ventes sur la base de l'avenant du 15 octobre 2010.

81-La décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.

Sur les demandes au titre de la déloyauté

82-La société DMA demande l'allocation d'une indemnité de 50.000 euros en raison du comportement déloyal de la société Petrel qui l'a contrainte à saisir le juge des référés pour se faire payer et qui a rompu le contrat en raison de cette action en justice. Elle invoque en outre un préjudice d'image au regard de ses clients israéliens.

83-En réponse, la société Petrel soutient n'avoir commis aucune faute. Elle affirme ne pas avoir dissimulé la commande litigieuse, et conteste l'existence d'un renouvellement de contrat avec le gouvernement israélien. Elle conteste le grief qui lui est fait d'avoir, suite à la rupture du contrat de représentation, informé ses clients israéliens qu'à compter du 1er octobre 2018, la société DMA n'était plus le représentant de la société Pétrel sur le territoire israélien.

Sur ce,

84-La loi israélienne de 2012 applicable aux agents commerciaux prévoit en son article 3 une obligation de loyauté entre les parties. Cette obligation de loyauté impose notamment aux parties la transparence dans l'exécution du contrat.

85-En l'espèce, le seul refus de paiement à la société DMA de la commission de 21.765,20 euros sur la facture du 5 mars 2018 d'un montant de 217.651,92 adressée par la société Petrel à GOV Print ne constitue pas à soi seul une exécution déloyale du contrat.

86-De même, le fait que la société Petrel ne se soit exécutée qu'à l'audience de référé n'est pas constitutif de déloyauté, mais est simplement une preuve de mauvaise volonté.

87-Enfin, il résulte des pièces versées que la société Petrel n'a pas dissimulé à la société DMA le renouvellement du marché avec GOV Print puisqu'elle a proposé à la société DMA, par une lettre du 19 mars 2018 de lui payer ses commissions sur ce marché, jusqu'au 14 décembre 2021, ce que cette dernière a refusé et qu'elle était destinataire en copie des courriels échangés à propos de cette commande. Certes, il n'est pas contesté que la commande était beaucoup plus importante que toutes les autres commandes habituellement faites par Gov Print mais qu'elle ouvrait la perspective d'un renouvellement de telles commandes, sans toutefois en avoir aucune garantie, et que la société Petrel a envoyé le 19 mars 2018 une lettre proposant un accord avec la société DMA pour limiter dans le temps le montant des commissions qui pourraient être dues. Cette lettre indique notamment « Nous sommes, ensemble, d'accord de continuer à verser 10% sur nos ventes à Government Print de fils sécurisés pour la fabrication de passeports israéliens, jusqu'au 14 décembre 2021, pour les commandes reçues avant cette date ».

88-Une telle demande ne constitue pas un comportement déloyal.

89-Par contre, le fait pour la société Petrel de ne plus communiquer aucune des commandes ni factures de Gov Print, après le mois de mars 2018 alors que ce marché avait été obtenu par l'intermédiation de la société DMA et qu'il avait été renouvelé au moins tacitement par Gov Print fin 2017, comme l'établissent les attestations versées aux débats, constitue un manquement à l'obligation de transparence au sens de l'article 3 de la loi israélienne susrappelé qui doit être sanctionné au titre de la déloyauté.

90-De même le fait de rompre le contrat d'agence commerciale brusquement, concomitamment à ce désaccord et à la procédure de référé en raison du litige opposant les parties sur cette facture participe d'un manque de transparence constitutif d'une faute distincte et justifiant une demande d'indemnisation distincte de l'indemnité de résiliation. Il est établi que la société DMA est une société israélienne connue de ses clients et notamment des instances gouvernementales en charge de l'attribution des marchés sensibles.

91-Le fait de ne plus la faire intervenir dans les ventes avec Gov Print lui a causé un préjudice d'image certain. Il sera dès lors fait droit à la demande d'indemnisation de la société DMA pour le préjudice moral et d'image subi en raison de ce contexte déloyal de la rupture.

92-Compte tenu des éléments versés aux débats, la cour est en mesure de fixer cette indemnité à la somme de 20.000.

93-La décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.

Sur les demandes fondées sur le refus de vente de la société Petrel

94-La société DMA sollicite une indemnité de 40.000 euros en raison du refus de vente de la société Petrel. Elle expose que la société Petrel a refusé d'honorer les commandes passées par la société DMA pour le compte de ses clients, le 23 janvier 2019 s'agissant de la société ORDAPRINT et le 1er avril 2019 s'agissant de la société AL WARQA. Elle conteste que ces sociétés soient exclusivement des clients de la société Petrel.

95-En réponse, la société Petrel fait valoir qu'il n'existe aucune obligation de vente au bénéfice de la société DMA postérieurement à la rupture du contrat.

Sur ce,

96-Il est établi que la société Petrel a refusé de vendre à une société israélienne qui demandait que sa commande soit prise en charge par la société DMA. Ce refus postérieur à la rupture des relations contractuelles n'est pas en soi fautif, dès lors que plus aucune disposition contractuelle ne liait les parties à ces dates. Il appartient à la société DMA d'établir la faute alléguée, ce qu'elle ne fait pas.

97-Ainsi, la société DMA sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

98-A hauteur de cour, l'équité commande de condamner la société Petrel à payer à la société DMA la somme de 15 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

IV- DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mars 2020 par le Tribunal de Commerce d'Évry, sauf en ce qu'il a débouté la société DMA de sa demande de communication du contrat entre Gov Print et Petrel et en ce qu'il a débouté la société DMA de sa demande d'indemnité pour refus de vente.

Statuant à nouveau,

2-Dit que la loi israélienne est seule applicable au litige,

3- Dit que le contrat d'agent signé par la société Petrel et la société DMA HOLOGRAPHICS le 7 décembre 2001 doit être qualifié de contrat d'agence commerciale ;

4-CONDAMNE la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS la somme de 10.452 euros, à titre d'indemnité de préavis ;

5- CONDAMNE la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 12.717 euros à titre d'indemnité de résiliation ;

6- CONDAMNE la société Petrel à payer à la société DMA HOLOGRAPHICS, la somme de 20.000 , à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral et d'image subi en raison du contexte déloyal de la rupture;

7- ORDONNE à la société Petrel de communiquer à la société DMA HOLOGRAPHICS dans le mois qui suivra la signification de la présente décision :

* l'ensemble des factures des ventes effectuées avec Gov Print depuis le 1er octobre 2018 jusqu'au 14 décembre 2021,

* les pièces comptables (factures et paiements) y afférentes ;

8-DIT que faute par la société Petrel de communiquer ces éléments dans les conditions susénoncées, elle sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé à 500 par jour de retard pendant une période de trois mois ;

9-Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Y ajoutant,

10-CONDAMNE la société Petrel à payer à la société DMA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

11-La condamne aux dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.