CJUE, 8e ch., 3 juin 2021, n° C-280/20
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ZN
Défendeur :
Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria v grad Valensia, Kralstvo Ispania
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Wahl
Juges :
M. Biltgen, M. Passer (rapporteur)
Avocat général :
M. Campos Sánchez-Bordona
LA COUR (huitième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), lu en combinaison avec le considérant 3 de ce règlement.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZN au Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria v grad Valensia, Kralstvo Ispania (consulat général de la République de Bulgarie à Valence [Espagne], ci-après le « consulat général ») au sujet d’une demande tendant au versement d’une indemnité compensatoire pour congé annuel payé non pris.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 3 à 5 et 15 du règlement no 1215/2012 disposent :
« (3) L’Union [européenne] s’est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice, entre autres en facilitant l’accès à la justice, notamment par le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile. En vue de l’établissement progressif de cet espace, l’Union doit adopter des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, notamment lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.
(4) Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de garantir la reconnaissance et l’exécution rapides et simples des décisions rendues dans un État membre sont indispensables.
(5) De telles dispositions relèvent du domaine de la coopération judiciaire en matière civile au sens de l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
[...]
(15) Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence. »
4 L’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement énonce :
« 1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii).
[...] »
5 L’article 5, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :
« Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. »
6 L’article 7, paragraphe 1, de ce règlement est ainsi libellé :
« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :
1. a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
– pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;
c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ».
7 La section 5 dudit règlement régit la compétence en matière de contrats individuels de travail. Ainsi, aux termes de l’article 20 du même règlement, inclus dans ladite section :
« 1. En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6, de l’article 7, point 5), et, dans le cas d’une action intentée à l’encontre d’un employeur, de l’article 8, point 1).
2. Lorsqu’un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n’est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l’employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation, comme ayant son domicile dans cet État membre. »
8 En vertu de l’article 21 du règlement, également inclus dans cette section :
« 1. Un employeur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :
a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ; ou
b) dans un autre État membre :
i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou
ii) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.
2. Un employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait devant les juridictions d’un État membre conformément au paragraphe 1, point b). »
Le droit bulgare
Le code du travail
9 L’article 362 du Kodeks na truda (code du travail) dispose :
« [...] Les conflits de travail entre les employés – ressortissants bulgares travaillant à l’étranger – et les employeurs bulgares à l’étranger sont soumis au tribunal compétent de Sofia, tandis que, lorsque le travailleur est un défendeur, [lesdits conflits sont soumis] au tribunal compétent du lieu de résidence du travailleur dans le pays. »
La loi sur le service diplomatique
10 L’articles 21 du Zakon za diplomaticheskata sluzhba (loi sur le service diplomatique) énonce :
« (1) [...] Les représentations à l’étranger de la République de Bulgarie sont des structures territoriales du ministère des Affaires étrangères qui assurent l’activité diplomatique et/ou consulaire dans un autre pays ou à l’égard d’organisations gouvernementales internationales.
(2) Les représentations à l’étranger sont :
1. les ambassades ;
2. les représentations permanentes et délégations permanentes auprès des organisations gouvernementales internationales ;
3. les consulats généraux, consulats, vice-consulats et agences consulaires ;
4. les bureaux diplomatiques et bureaux de liaison ;
5. les missions spéciales au sens de la Convention sur les missions spéciales, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 8 décembre 1969 [...]
(3) L’ouverture des représentations à l’étranger, le choix de leur type et leur fermeture sont effectués par le Conseil des ministres, sur proposition du ministre des Affaires étrangères. »
11 L’article 22 de la loi sur le service diplomatique prévoit :
« (1) La représentation à l’étranger est composée du chef de mission, du personnel diplomatique, du personnel administratif et technique et du personnel de service, au sens de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques adoptée le 18 avril 1961 à Vienne [...], de la Convention de Vienne sur les relations consulaires adoptée à Vienne le 24 avril 1963 [...] et de la Convention sur les missions spéciales.
(2) Des services peuvent être établis au sein de la représentation à l’étranger, en fonction de son type, de ses fonctions et de sa composition.
[...] »
12 L’article 80 de cette loi est ainsi libellé :
« Avec l’autorisation écrite du ministre des Affaires étrangères, accordée sur la base d’un rapport motivé, le chef de mission de la représentation à l’étranger peut conclure un contrat de travail avec un résident local. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
13 ZN est une ressortissante bulgare domiciliée à Sofia, titulaire d’une autorisation de séjourner en Espagne où, en qualité de prestataire, elle fournissait des services liés à l’activité du consulat général.
14 Le 30 avril 2019, ZN a introduit, en Bulgarie, un recours contre le consulat général tendant à obtenir, d’une part, la reconnaissance de sa relation de travail et, d’autre part, le versement d’une indemnité compensatoire pour congé annuel payé non pris, à savoir 120 jours de congés annuels non utilisés correspondant à 30 jours par an, pour la période allant du 2 janvier 2013 au 29 juin 2017.
15 ZN soutient que, pour ladite période, elle avait fourni des services liés à la réception de documents dans des dossiers ouverts au consulat par des ressortissants bulgares ainsi qu’à la gestion de ces dossiers en vertu de six contrats successifs conclus avec le consulat général.
16 ZN fait valoir que, conformément à la loi sur le service diplomatique, les représentations de la République de Bulgarie ne peuvent employer des personnes qu’en vertu de contrats de travail qui formalisent la relation entre l’employeur et le travailleur. À cet égard, elle précise que les contrats conclus satisfont aux exigences relatives au contenu d’un contrat de travail en vertu du droit bulgare.
17 Le consulat général, pour sa part, conteste la compétence des juridictions bulgares pour statuer sur le litige au principal et invoque la compétence des juridictions espagnoles en tant que juridictions du lieu de travail de ZN.
18 La juridiction de renvoi nourrit des doutes sur l’existence d’une incidence transfrontière dans la mesure où le litige en cause au principal concerne un travailleur bulgare et un employeur bulgare et que leur relation juridique est en étroite corrélation avec la République de Bulgarie.
19 En outre, la juridiction de renvoi relève que la loi bulgare dispose d’une manière expresse que, dans les cas de contrats conclus entre un employeur bulgare établi à l’étranger et un ressortissant bulgare travaillant à l’étranger, les éventuels litiges ne sont susceptibles d’être examinés que par les juridictions bulgares. Dans la mesure où le consulat général est une subdivision d’un organe étatique bulgare établie dans un autre État membre et que son activité est, en principe, liée au service des ressortissants bulgares, le règlement no 1215/2012 ne s’appliquerait dès lors pas aux litiges opposant les ressortissants d’un État membre aux représentations consulaires du même État membre établies dans un autre État membre.
20 Dans ces conditions, le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Convient-il d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012, lu en combinaison avec son considérant 3, en ce sens que ledit règlement est applicable pour la détermination de la compétence internationale d’un tribunal d’un État membre sur un litige opposant un travailleur de cet État et un service consulaire du même État situé sur le territoire d’un autre État membre ? Ou bien convient-il d’interpréter ces mêmes dispositions en ce sens qu’un tel litige doit être tranché conformément aux règles nationales de compétence de l’État de nationalité commune des parties ? »
Sur la question préjudicielle
21 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec le considérant 3 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que celui-ci s’applique aux fins de la détermination de la compétence internationale des juridictions d’un État membre pour connaître d’un litige opposant un travailleur d’un État membre à une autorité consulaire de cet État membre située sur le territoire d’un autre État membre.
22 La réponse à la question préjudicielle, qui porte sur l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec le considérant 3 dudit règlement, exige de déterminer l’applicabilité du règlement no 1215/2012 à la situation ayant donné lieu au litige au principal.
23 À cet égard, il convient d’examiner, en premier lieu, si le litige au principal relève du champ d’application du règlement no 1215/2012 en tant que « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement.
24 Dans la mesure où le règlement no 1215/2012 remplace le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ce dernier règlement vaut également pour le règlement no 1215/2012 lorsque les dispositions de ces deux instruments de droit de l’Union peuvent être qualifiées d’« équivalentes » (arrêt du 16 novembre 2016, Schmidt, C‑417/15, EU:C:2016:881, point 26 et jurisprudence citée).
25 À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 44/2001, celui-ci s’applique en matière civile et commerciale. L’interprétation dont a fait l’objet la notion de « matière civile et commerciale » a conduit à exclure certaines décisions juridictionnelles du champ d’application dudit règlement en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l’objet de celui-ci (voir, notamment, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 42 et jurisprudence citée).
26 La Cour a ainsi considéré que, si certains litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé peuvent relever du champ d’application du règlement no 1215/2012, il en est autrement lorsque l’autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique. En effet, la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle-ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, exclut un tel litige de la matière civile et commerciale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 (voir arrêt du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana, C‑579/17, EU:C:2019:162, point 49 et jurisprudence citée).
27 S’agissant d’un litige survenu entre une ambassade d’un État tiers située dans un État membre et ses employés, la Cour a jugé que les fonctions d’une ambassade, ainsi qu’il ressort de l’article 3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, conclue à Vienne le 18 avril 1961, consistent essentiellement à représenter l’État accréditant, à protéger les intérêts de celui-ci ainsi qu’à promouvoir les relations avec l’État accréditaire. Dans l’exercice de ces fonctions, l’ambassade, comme toute autre entité publique, peut agir iure gestionis et devenir titulaire de droits et d’obligations à caractère civil, à la suite notamment de la conclusion de contrats de droit privé. Tel est le cas lorsqu’elle conclut des contrats de travail avec des personnes qui n’accomplissent pas de fonctions relevant de l’exercice de la puissance publique (arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia, C‑154/11, EU:C:2012:491, point 49).
28 Tel est, a fortiori, également le cas lorsqu’il s’agit d’un litige mettant en cause un consulat général et une personne qui y fournit des prestations de services sous la forme d’un travail individuel lié à la réception de documents dans des dossiers ouverts au consulat par des ressortissants bulgares, ainsi qu’à la gestion de ces dossiers, prestations qui ne relèvent pas de l’exercice de la puissance publique et qui ne risquent pas d’interférer avec les intérêts de la République de Bulgarie en matière de sécurité (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia, C‑154/11, EU:C:2012:491, point 56).
29 Par conséquent, un litige découlant d’un contrat tel que celui en cause au principal est susceptible de relever du champ d’application du règlement no 1215/2012 en tant que matière civile et commerciale. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de déterminer si tel est le cas au regard de l’ensemble des faits de l’affaire au principal.
30 En ce qui concerne, en second lieu, l’élément d’extranéité dont l’existence conditionne l’applicabilité dudit règlement, il y a lieu de relever que le règlement no 1215/2012, tout en employant, à ses considérants 3 et 26, la notion de « litiges transfrontières », ne contient aucune définition à cet égard.
31 Or, l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO 2006, L 399, p. 1), définit la notion équivalente du « litige transfrontalier » comme étant un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie (arrêt du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, point 33).
32 Dans la mesure où ces deux règlements relèvent tous les deux du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, il convient d’harmoniser l’interprétation des notions équivalentes auxquelles le législateur de l’Union a eu recours dans ceux-ci (arrêt du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, point 35).
33 Sur le fondement dudit article 3, paragraphe 1, la Cour a jugé que, dans la mesure où la partie demanderesse dans une procédure d’injonction de payer a son siège dans un État membre autre que celui du for, le litige présente un caractère transfrontalier et relève donc du champ d’application du règlement no 1896/2006 (arrêt du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, point 34 ainsi que jurisprudence citée).
34 À cet égard, il y a lieu de relever, s’agissant des contrats de travail conclus par une ambassade au nom de l’État, que celle-ci constitue un « établissement », au sens de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, lorsque les fonctions des travailleurs avec lesquels elle a conclu ces contrats se rattachent à l’activité de gestion accomplie par l’ambassade dans l’État accréditaire (arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia, C‑154/11, EU:C:2012:491, point 52).
35 Cette conclusion s’impose a fortiori lorsque le contrat de travail est conclu non pas par une ambassade, mais par un consulat général, pour autant que les conditions énumérées au point 48 de l’arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491) soient réunies.
36 Par analogie, il y a lieu de considérer que le consulat général constitue un « établissement » aux fins du règlement no 1215/2012, puisqu’il satisfait aux critères énoncés par la jurisprudence de la Cour. Plus précisément, en tant que structure territoriale du ministère des Affaires étrangères, le consulat général se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement de ce ministère. Le consulat général représente le ministère dans l’État accréditaire ; il est dirigé par le consul général et est apte à assumer de manière autonome des droits et des obligations de droit civil. Il s’ensuit qu’un consulat peut être perçu comme un centre d’opérations, conformément à ce qui a été considéré aux points 49 et 50 de l’arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491).
37 Il en découle que, dès lors qu’un consulat constitue un « établissement » d’un État membre dans un autre État membre, une des parties au litige doit être considérée comme ayant son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie.
38 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les contrats de prestation de services en cause dans l’affaire au principal ont été conclus en Espagne et c’est dans ce même État membre qu’ont été exécutées les obligations imposées par ces contrats.
39 À la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que le litige au principal a une incidence transfrontière.
40 Dans la mesure où la question préjudicielle se limite à l’application du règlement no 1215/2012 et ne concerne pas la détermination de la compétence des juridictions bulgares ou espagnoles en l’occurrence, il appartiendra à la juridiction de renvoi de tirer les conclusions eu égard à l’application de l’article 362 du code du travail bulgare.
41 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec le considérant 3 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que celui-ci s’applique aux fins de la détermination de la compétence internationale des juridictions d’un État membre pour connaître d’un litige opposant un travailleur d’un État membre n’exerçant pas de fonctions relevant de l’exercice de la puissance publique à une autorité consulaire de cet État membre située sur le territoire d’un autre État membre.
Sur les dépens
42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
L’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec le considérant 3 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que celui-ci s’applique aux fins de la détermination de la compétence internationale des juridictions d’un État membre pour connaître d’un litige opposant un travailleur d’un État membre n’exerçant pas de fonctions relevant de l’exercice de la puissance publique à une autorité consulaire de cet État membre située sur le territoire d’un autre État membre.