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Décisions

Cass. com., 10 janvier 2006, n° 04-18.917

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Paris, 3e ch. A, du 7 sept. 2004

7 septembre 2004

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 7 septembre 2004) que six sociétés du groupe AOM Air Liberté, mises en redressement judiciaire le 19 juin 2001, ont fait l'objet d'un plan de cession au profit de la société Holco, pour un prix symbolique de quatre francs ; que cette société s'est substitué des filiales, et notamment la société d'exploitation AOM Air Liberté (la société Air Lib) ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, les liquidateurs, MM. X... et Y..., ont demandé l'extension de cette procédure à la société Holco ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les liquidateurs reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen, que le plan de cession, qui peut être invoqué par les tiers, est arrêté en considération des éléments d'actif affectés à l'exploitation ; que la scission des actifs et de la charge de l'exploitation, les actifs étant logés dans une entité cependant que l'exploitation est confiée à une autre entité, peut constituer une fraude dès lors qu'elle conduit à priver l'exploitation des moyens en considération desquels le plan de cession a été arrêté ; qu'autorisant les tiers, et notamment les créanciers de l'entité en charge de l'exploitation, à invoquer l'inopposabilité de la scission, une telle fraude justifie l'extension de la procédure collective ouverte à l'encontre de l'entité en charge de l'exploitation à l'égard de l'entité à laquelle ont été dévolus les actifs ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le principe "fraus omnia corrumpit", ensemble les articles L. 620-2, L. 621-62, L. 621-63, L. 621-65, L. 621-69 et L. 621-89 du Code de commerce ;

Mais attendu qu'à supposer qu'une fraude ait été commise, elle ne saurait en tant que telle justifier l'extension de la procédure collective de la société Air Lib à la société Holco ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le moyen, tiré des articles 1832 du Code civil et L. 621-5 du Code de commerce, et qui allègue la fictivité de la société Holco, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que les liquidateurs font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°) que même si les parties sont convenues d'une clause de retour à meilleure fortune, la renonciation au recouvrement de la créance constitue un abandon de créance, sans cause, et caractérise par suite un mouvement anormal ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont commis une erreur de droit, s'agissant de l'existence d'une confusion des patrimoines, et violé l'article L. 620-2 du Code de commerce ;

2°) que l'existence d'un flux anormal est normalement déduite de l'économie de l'opération, et non du point de savoir si l'opération a donné lieu ou non à un écrit ; que de ce point de vue, l'arrêt a été rendu en violation des règles régissant la confusion des patrimoines et de l'article L. 620-2 du Code de commerce ;

3°) que l'absence de facturation de prestations par la société Holco à la société Air Lib dans le cadre de la convention de prestations de services et de son avenant caractérise un flux anormal ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont commis une erreur de droit, s'agissant de l'existence d'une confusion de patrimoines, et violé l'article L. 620-2 du Code de commerce ;

4°) que la circonstance que la société Holco ait pris le parti de faire supporter par la société Air Lib la totalité des frais liés à l'intervention de la banque, quand l'avenant passé à la convention de prestations de services entre la société Holco et la société Air Lib prévoyait un partage de ces frais, révélait un flux anormal ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les règles régissant la confusion des patrimoines et l'article L. 620-2 du Code de commerce ;

5°) que la société Air Lib a supporté seule le coût de transport des passagers titulaires des billets émis non utilisés à la date de signature du protocole des 31 juillet et 1er août 2001 ; qu'en relevant que les indemnités dues par Swissair en exécution du protocole devaient revenir à la société Holco et que celle-ci s'était réservé de répartir les indemnités en cause entre les différentes entités du groupe, quand bien même elles seraient restées totalement étrangères à l'exécution des prestations, les juges du fond ont de nouveau mis en évidence l'existence d'un flux anormal et, en décidant le contraire, ils ont violé les règles régissant la confusion des patrimoines, ensemble l'article L. 620-2 du Code de commerce ;

6°) que faute d'avoir procédé à un examen groupé des circonstances relevées aux première troisième, quatrième et cinquième branches pour rechercher si, globalement, elles ne révélaient pas l'existence de flux anormaux, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles régissant la confusion des patrimoines ainsi qu'au regard de l'article L. 620-2 du Code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé un abandon de créance assorti d'une clause de retour à meilleure fortune, l'absence de facturation de prestations par la société Holco à la société Air Lib, la circonstance que cette dernière a supporté la totalité des frais liés à l'intervention de la banque, quand l'avenant passé à la convention de prestations de services prévoyait un partage de ces frais, et celle que la société Air Lib a supporté seule le coût du transport des passagers titulaires de billets émis non utilisés à la date de signature du protocole des 31 juillet et 1er août 2001, a pu en déduire que ces pratiques ne révélaient pas des relations financières anormales, constitutrices d'une confusion des patrimoines, entre la société Holco et la société Air Lib ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.