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Décisions

Cass. com., 28 novembre 2000, n° 97-12.265

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Le Bret-Desaché et Laugier, Me Garaud

Rennes, 2e ch. civ., du 11 déc. 1996

11 décembre 1996

Attendu, selon l'arrêt déféré, que par jugement du 4 janvier 1991, le tribunal de commerce de Brest a, sur saisine d'office, ouvert le redressement judiciaire commun de la société MJM, promoteur immobilier, et de onze sociétés civiles immobilières chargées, par elle, d'opérations de construction distinctes, fixant au 4 juillet 1989 la date de cessation des paiements ; que l'administrateur du redressement judiciaire désigné par le tribunal, M. Y..., a fait appel de ce jugement, en ce qu'il n'avait pas étendu à la société civile immobilière Franklin (la SCI) le redressement judiciaire des autres sociétés ; que par arrêt du 8 janvier 1992, la cour d'appel a étendu à la SCI, qui avait été mise en redressement judiciaire par le tribunal de grande instance de Brest, le 27 septembre 1991, avec, comme date de cessation des paiements, le 23 août 1990, la procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce contre la société MJM et les onze autres sociétés civiles et a fixé, comme date de cessation des paiements commune, le 4 juillet 1989 ; que le Crédit foncier de France (le CFF), créancier de la SCI en vertu d'un contrat de prêt, a formé tierce opposition contre ce premier arrêt en demandant sa rétractation au motif que l'administrateur judiciaire n'était pas recevable à relever appel du jugement du 4 janvier 1991 ; que, par un second arrêt du 21 octobre 1992, la cour d'appel a déclaré recevable la tierce opposition mais a dit n'y avoir lieu à rétractation de sa précédente décision ; que le CFF s'étant pourvu en cassation contre ce second arrêt, la Cour de Cassation, par arrêt du 20 juin 1995, l'a cassé en ce qu'il avait refusé de rétracter l'arrêt du 8 janvier 1992, a dit n'y avoir lieu à renvoi et a rétracté l'arrêt du 8 janvier 1992 ; que M. Y..., agissant en qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la SCI et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société MJM, a assigné, le 22 septembre 1995, le président du conseil d'administration de la société MJM et gérant de la SCI, ainsi que le représentant des créanciers du redressement judiciaire commun aux autres sociétés, en demandant au tribunal de constater la confusion des patrimoines entre ces sociétés et la SCI, et de se dessaisir au bénéfice du tribunal de commerce ; que la cour d'appel, par l'arrêt déféré, a confirmé le jugement qui a accueilli ces demandes et qui s'est dessaisi de la procédure collective au profit du tribunal de commerce, lui-même saisi de la procédure collective commune aux autres sociétés ;

Sur le pourvoi provoqué, relevé par M. Y..., ès qualités, dont l'examen est préalable :

Sur la seconde branche du moyen unique, qui est préalable :

Attendu que M. Y..., agissant en qualités d'administrateur du redressement judiciaire de la SCI, d'administrateur du redressement judiciaire de toutes les autres sociétés, et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société MJM, demande l'annulation du jugement du tribunal de grande instance du 27 septembre 1991 au motif, selon le pourvoi, qu'il a violé, par refus d'application, l'article 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'en application de l'article 614 du nouveau Code de procédure civile, la recevabilité du pourvoi incident, même provoqué, obéit aux règles qui gouvernent celles de l'appel incident ; que n'ayant par été partie en première instance, M. Y..., ès qualités, n'est pas recevable, par l'application combinée du texte précité et de l'article 549 du nouveau Code de procédure civile, à se pourvoir en annulation du jugement du 27 septembre 1991 ;

Et sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y..., agissant avec les mêmes qualités, demande l'annulation du même jugement, en application de l'article 618 du nouveau Code de procédure civile, au motif, selon le pourvoi, que cette décision est inconciliable avec le jugement du tribunal de commerce du 4 janvier 1991 ;

Mais attendu que le jugement du tribunal de commerce du 4 janvier 1991, qui a ouvert le redressement judiciaire commun de la société MJM et des onze autres sociétés civiles immobilières en dépendant à l'exception de la SCI, n'est pas inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance du 27 septembre 1991, qui, après avoir constaté que cette dernière juridiction n'était pas saisie d'une demande d'extension de procédure, a ouvert le redressement judiciaire de la SCI ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal formé par le CFF, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 7, 61, 69 et 81 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-5, L. 621-62, L. 621-70 et L. 621-83 du Code de commerce ;

Attendu qu'une procédure de redressement judiciaire ne peut être étendue à une autre personne, sur le fondement de la confusion des patrimoines, après l'arrêt, dans cette procédure, d'un plan de redressement soit par voie de cession, soit par voie de continuation ;

Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient que rien n'interdit d'étendre une procédure de redressement judiciaire d'une personne morale dont les actifs avaient déjà été partiellement cédés à une autre personne morale, la SCI n'ayant pas encore fait l'objet d'un plan de cession, et qu'aucune des décisions dont se prévaut le CFF n'a eu pour effet d'interdire à M. Y... de demander au tribunal de grande instance de se dessaisir au profit du tribunal de commerce de la procédure collective qu'il avait ouverte en 1991 en invoquant des éléments nouveaux démontrant la confusion des patrimoines ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que M. Y... agissait aussi en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société MJM, lequel avait été valablement adopté à l'égard de cette société et des onze autres sociétés civiles immobilières, indépendamment des cessions partielles d'actifs immobiliers de la SCI au profit de la Communauté urbaine de Brest opérées postérieurement et annulées de plein droit à la suite de la rétractation de l'arrêt du 8 janvier 1992, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi provoqué, formé par M. Y..., ès qualités, contre le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 27 septembre 1991 ;

REJETTE le pourvoi provoqué, formé par M. Y..., ès qualités, en application de l'article 618 du nouveau Code de procédure civile, contre les jugements du tribunal de commerce de Brest du 4 janvier 1991 et du tribunal de grande instance de Brest du 27 septembre 1991 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du Crédit foncier de France et en ce qu'il a confirmé l'annulation du jugement du 11 juin 1992 prononcé par le tribunal de grande instance de Brest, l'arrêt rendu le 11 décembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.