Livv
Décisions

Cass. com., 6 juillet 2010, n° 09-14.937

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Tiffreau et Corlay

Montpellier, du 19 mai 2009

19 mai 2009

Sur le premier moyen :

Attendu que le mandataire ad hoc, MM. Y..., B... et Mme B..., agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritiers de Geneviève Y..., font grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'intervention volontaire de M. Y... irrecevable et confirmé le jugement entrepris, sauf à fixer la date de cessation des paiements au 3 janvier 2003, alors selon le moyen :

1°/ que l'intérêt à intervenir en cause d'appel s'apprécie au jour de cette intervention ; qu'il est constant et ressort du dossier de la procédure que M. Y... était intervenu en cause d'appel par une «déclaration d'intervention» en date du 15 décembre 2004 ; qu'en déclarant irrecevable son intervention, aux motifs «que sa mise en examen du chef de banqueroute, qui (…) serait susceptible d'être conditionnée par l'issue de la présente instance et qui, partant, fonderait son intérêt à intervenir, a été annulée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes par arrêt du 9 novembre 2006», et en appréciant ainsi l'intérêt à intervenir de M. Y... au regard d'une circonstance postérieure à la date de son intervention, la cour d'appel a violé l'article 554 du code de procédure civile ;

2°/ que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Mme Y... était dirigeante et associée de la société Jec ; qu'elle avait été empêchée d'exercer ses fonctions de dirigeante à titre provisoire, dans le cadre d'une mesure de contrôle judiciaire ; que la société Jec avait été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 14 mai 2004, sans que la dirigeante de droit fût mise en cause devant le tribunal de commerce ; que ce jugement avait été frappé d'appel par un administrateur ad hoc ; qu'il devait nécessairement s'en déduire que Mme Y... avait intérêt à intervenir en appel pour s'opposer à cette mise en liquidation judiciaire, qui était de nature à affecter ses droits d'associée et à lui faire perdre définitivement son mandat de direction ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable en cause d'appel son intervention faute d'intérêt, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 554 du code de procédure civile ;

3°/ que, subsidiairement, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt ; que la cour d'appel a prononcé la liquidation judiciaire de la société Jec sans période d'observation, en jugeant que le redressement de cette société aurait été rendu impossible par «nombreuses irrégularités comptables, financières et juridiques » reprochées à M. Y... ; qu'il s'évince nécessairement d'une telle motivation que la solution du litige dépendait notamment d'une appréciation portée sur la gestion de M. Y..., de sorte que ce dernier avait intérêt à intervenir devant la cour d'appel pour s'expliquer sur cette gestion et répondre aux critiques qui lui étaient faites ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable en cause d'appel son intervention faute d'intérêt, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 554 du code de procédure civile ;

4°/ que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ; qu'en jugeant que M. Y... était irrecevable à intervenir en cause d'appel, au motif qu'il aurait été «représenté en première instance », sans caractériser une telle représentation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 554 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'appréciation de l'intérêt à agir de l'intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond ; que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les mêmes demandeurs font grief à l'arrêt d'avoir constaté l'état de cessation des paiements de la société Jec, ouvert sa liquidation judiciaire sans période d'observation et fixé la date de cessation des paiements au 3 janvier 2003, alors selon le moyen :

1°/ que l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement de mise en liquidation judiciaire suspend les effets de ce jugement et des jugements qui en sont la suite ou qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ; qu'il est constant et ressort de l'arrêt attaqué que la société Jec avait été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 14 mai 2004, frappé d'appel ; que par un jugement du 29 juin 2004, la procédure de liquidation judiciaire avait été étendue à différentes associations ; que par une ordonnance du 5 novembre 2004, le premier résident de la cour d'appel de Nîmes avait arrêté l'exécution provisoire du jugement du 14 mai 2004 ; qu'il devait nécessairement s'en déduire que l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 14 mai 2004 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Jec avait suspendu les effets du jugement du 29 juin 2004 ayant étendu cette procédure à des associations, de sorte que le passif de celles-ci ne pouvait être pris en compte par la cour d'appel pour apprécier si la société Jec se trouvait en cessation des paiements ; qu'en jugeant au contraire «qu'en l'état du jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 29 juin 2004 ayant étendu la liquidation judiciaire de la société Jec aux associations Cal, Accueil Cévenol-Le Vigan, Loger, Jeunesse et cité, Château Leenhardt et Centre amélioration du logement service conseil logement», il aurait fallu prendre en compte le «passif commun» de «toutes ces personnes morales» pour déterminer si la société Jec se trouvait en état de cessation des paiements, la cour d'appel a méconnu les effets de la suspension de l'exécution provisoire du jugement du 14 mai 2004, en violation des articles L. 622-1 du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005) et 155 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;

2°/ que, subsidiairement, le passif à prendre en compte pour caractériser l'état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé ; qu'en se bornant à prendre en compte les «dettes échues» avant l'ouverture de la liquidation judiciaire, sans rechercher s'il s'agissait d'un passif « exigible et exigé», la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-1 du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005) ;

Mais attendu, d'une part, que l'exécution provisoire de plein droit des jugements rendus en matière de redressement et de liquidation judiciaires ne peut être arrêtée qu'en cas d'appel du jugement statuant sur la liquidation judiciaire ou arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession de l'entreprise ; que le jugement étendant la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre est un jugement statuant sur la liquidation judiciaire, peu important l'absence de période d'observation ; qu'ayant constaté que l'ordonnance du 5 novembre 2004 avait seulement arrêté l'exécution provisoire du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire immédiate de la société Jec, la cour d'appel en a exactement déduit que, le jugement du 29 juin 2004 ayant étendu cette liquidation aux autres associations dirigées par M. et Mme Y..., le passif de toutes les personnes morales était commun ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, appelée à se prononcer sur l'existence de l'état de cessation des paiements, n'a pas à rechercher si le passif exigible a été effectivement exigé, dès lors que le débiteur n'a pas allégué qu'il disposait d'une réserve de crédit ou d'un moratoire de la part de ses créanciers lui permettant de faire face à son passif exigible ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les mêmes demandeurs font grief à l'arrêt d'avoir ouvert à l'encontre de la société Jec une procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation, alors, selon le moyen, que la liquidation judiciaire sans période d'observation suppose qu'est manifestement impossible un plan de redressement de l'entreprise par voie de continuation ou de cession, au vu des comptes de bilan, d'exploitation et de résultat, des perspectives de poursuite d'activité ou de réalisation d'actifs pour apurer le passif, sous le contrôle des organes de la procédure ; qu'en décidant de mettre la société Jec en liquidation judiciaire sans période d'observation, sans mieux s'expliquer sur le nombre et la valeur des biens immobiliers appartenant à cette société, et sans rechercher si la réalisation de certains d'entre eux pouvait permettre l'élaboration d'un plan de redressement par voie de continuation ou de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 620-1, L. 621-1 et L. 622-1 du code de commerce (dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005) ;

Mais attendu qu'ayant relevé l'importance du passif du débiteur et l'absence de toute proposition de plan de redressement au jour où elle statuait, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, considéré que le redressement de l'entreprise était manifestement impossible et justifiait le prononcé de la liquidation judiciaire immédiate ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.