Cass. com., 5 février 2013, n° 12-12.808
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gérard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
Me Foussard, SCP Thouin-Palat et Boucard
Joint les pourvois n° V 12-12.808 et n° M 12-14.571 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'exploitation agricole à responsabilité limitée de la Chapellière (l'EARL), dont M. X... était le gérant, et celui-ci qui, à titre personnel, a repris son activité d'arboriculture sur des vergers pris à bail de Mme Y..., étaient adhérents de la société coopérative La Reinette fruitière (la coopérative) ; que par deux jugements du 20 avril 2007, l'EARL et M. X... ont été mis en liquidation judiciaire ; que M. Z..., en sa qualité de liquidateur de M. X..., a assigné la coopérative en paiement d'une certaine somme ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° V 12-12.808 :
Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt d'avoir refusé la compensation légale entre une somme de 44 596,91 euros dont elle était créancière à l'égard de l'EARL avec une somme de 68 028,16 euros, dont elle s'était reconnue débitrice envers M. X... au titre d'avances sur cueillette, alors, selon le moyen :
1°) que, si la compensation ne s'opère qu'en l'état de créances réciproques, impliquant l'identité des personnes qui sont à la fois créancière et débitrice, dès lors qu'il est constaté que sous l'apparence de deux personnes distinctes, il n'existe qu'un seul patrimoine, la compensation avec la dette d'un tiers peut s'opérer sans qu'il soit nécessaire que la confusion des patrimoines ait été établie dans le cadre d'une procédure collective ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée si, sous l'apparence de deux personnes distinctes, M. X... et l'EARL, dont les patrimoines étaient confondus, il n'existait pas une seule personne, au motif inopérant qu'il appartiendrait à la juridiction saisie de l'ouverture d'une procédure collective de statuer sur la confusion des patrimoines, pour refuser la compensation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1289 du code civil ;
2°) que seules les questions litigieuses tranchées par le juge dans le dispositif de sa décision sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, il ne ressort nullement du dispositif du jugement du 20 avril 2007 que le tribunal de grande instance de Saumur ait statué sur la confusion des patrimoines ; qu'en considérant néanmoins que le tribunal de grande instance de Saumur a implicitement mais nécessairement jugé qu'il n'y avait pas d'indéterminabilité de la consistance patrimoniale, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
3°) que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard d'une demande portant sur la même chose et dont le fondement juridique est identique ; qu'en l'espèce, dans le cadre de la procédure collective, la constatation d'une confusion des patrimoines était demandée à des fins d'extension de la procédure ; qu'au cas présent, il était demandé à la cour d'appel, hors de toute procédure collective, de constater la confusion des patrimoines et des activités de l'EARL et de M. X... pour établir que les conditions de la compensation étaient réunies ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, dans le dispositif de son jugement du 20 avril 2007 concernant l'EARL, le tribunal a ouvert à l'égard de celle-ci une procédure collective distincte de celle de M. X..., objet d'un autre jugement du même jour, après avoir écarté toute confusion de leurs patrimoines par des motifs qui éclairent le dispositif ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'autorité de chose jugée attachée à cette décision faisait obstacle à la compensation invoquée par la coopérative, en l'absence de la condition de réciprocité prévue à l'article 1289 du code civil, M. X..., créancier de la coopérative, ne pouvant être tenu pour son débiteur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° M 12-14.571 :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour déduire de la dette de la coopérative envers M. X... une somme de 13 187,52 euros, représentant le montant du loyer dû personnellement par lui à Mme Y... et que la coopérative justifie avoir réglé, l'arrêt retient que M. X... l'y avait autorisée par une lettre du 23 août 2006 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre visée précise « ... je reconnais que les avances seront soit versées sur le compte de l'EARL, soit payées directement à certains fournisseurs de l'EARL, soit versées sur le compte de Laurent X...... », la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, dont il ne résultait pas que la coopérative avait reçu le mandat de payer des créanciers personnels de M. X..., dont sa bailleresse, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi n° V 12-12.808 ;
Et sur le pourvoi n° M 12-14.571 :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable les conclusions de la société coopérative La Reinette fruitière des 7 et 14 juin 2011, l'arrêt rendu le 20 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers autrement composée.