Livv
Décisions

Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12-20.059

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Dijon, du 13 mars 2012

13 mars 2012

Joint les pourvois n° V 12-19. 777 formé par M. et Mme X... et n° B 12-20. 059 formé par la société Clos du Prieuré, Mme Y... et MM. Dominique, Bruno et Christian Z..., qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à Mme Y..., veuve Z..., et MM. Vincent, Olivier et Stéphane Z... de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit de Dominique Z..., décédé le 12 juillet 2013 ;

Met hors de cause sur le pourvoi n° B 12-20. 059, sur leur demande, M. A..., agissant en qualité de liquidateur de la société Clos du Prieuré et M. A... ;

Statuant tant sur les pourvois principaux que sur les pourvois incidents relevés par M. A..., agissant en qualité de liquidateur de la société Clos du Prieuré ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Félix Potin a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 1er et 22 décembre 1995, M. A... étant désigné liquidateur ; que suivant acte authentique du 24 juillet 1996, la société Domaine Saier a cédé la totalité des parts de la société Clos du Prieuré à Dominique et Henri Z... et Mme Y... ; que par jugement du 9 septembre 1996, la liquidation judiciaire de la société Félix Potin a été étendue à six sociétés, dont les sociétés Domaine Saier et Clos du Prieuré ; que l'arrêt confirmatif du 20 juin 1997 a été cassé le 15 février 2000 en ce qu'il avait prononcé l'extension à la société Clos du Prieuré ; que par acte notarié du 18 octobre 2000 visant une ordonnance du juge-commissaire du 3 novembre 1998, M. A..., en qualité de liquidateur de la société Clos du Prieuré, a cédé l'unité de production de cette société à M. et Mme X..., autorisés à entrer en jouissance dès le 5 janvier 1999 ; que par arrêt du 2 avril 2002, la cour d'appel de renvoi a dit n'y avoir lieu à extension à la société Clos du Prieuré ; que les 2 et 3 mars 2004, cette dernière a assigné en annulation de la cession de ses actifs M. A..., en qualité de liquidateur de la société Clos du Prieuré et à titre personnel, ainsi que M. et Mme X... ; que le 4 octobre 2004, M. A..., agissant en qualité de liquidateur de la société Domaine Saier a, de son côté, engagé une action en nullité de l'acte de cession des parts de la société Clos du Prieuré du 22 août 1996 ; que les deux instances ont été jointes ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° V 12-19. 777 et les moyens uniques, rédigés en termes identiques, des pourvois incidents de M. A..., agissant en qualité de liquidateur de la société Clos du Prieuré :

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° B 12-20. 059 :

Attendu que la société Clos du Prieuré, Mme Y..., veuve Z... et MM. Bruno, Christian, Vincent, Olivier et Stéphane Z... font grief à l'arrêt d'avoir dit que M. A... n'avait commis aucune faute personnelle dans ses fonctions de liquidateur judiciaire de la société Clos du Prieuré, alors, selon le moyen, que le liquidateur qui procède à la réalisation des actifs du débiteur avant l'issue des voies de recours dont il a connaissance et qui sont de nature à anéantir la procédure de liquidation judiciaire pour laquelle il a été désigné en qualité de liquidateur engage à sa responsabilité et doit réparer le préjudice qui en résulte pour le débiteur ; qu'en l'espèce, M. A..., en qualité de liquidateur de la société Félix Potin, filiale de la société Saier investissement, avait pris l'initiative de demander l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société Félix Potin à la société Clos du Prieuré, ce qu'il avait obtenu, par arrêt confirmatif du 20 juin 1997 ; que néanmoins, par arrêt du 15 février 2000, l'arrêt prononçant l'extension de la liquidation judiciaire à la société Clos du Prieuré a été cassé ; que la juridiction de renvoi a déclaré qu'il n'y avait pas lieu à extension mais que M. A... qui, y avait été autorisé par le juge commissaire, le 3 novembre 1998, a réalisé les actifs du domaine viticole et permis l'entrée en possession immédiate des époux X..., avant même la réitération de la vente, postérieure à l'arrêt de cassation ; qu'en déclarant que M. A... n'avait pas engagé sa responsabilité, en réalisant les actifs de la société Clos du Prieuré, sans attendre l'issue des voies de recours exercées contre la procédure d'extension de la liquidation judiciaire qu'il avait estimé devoir initier et en refusant de retenir que la vente précipitée du domaine, l'entrée en possession immédiate des acquéreurs, avant même la régularisation de l'acte, et le refus de choisir une solution conservatoire des intérêts de tous, avaient constitué des fautes, dont le liquidateur devait réparer les conséquences préjudiciables, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que le seul fait, pour le liquidateur, d'avoir réalisé des actifs d'un débiteur auquel une liquidation judiciaire a été étendue avant que la décision d'extension ne soit devenue irrévocable ne constitue pas en soi, indépendamment de l'examen des autres circonstances de fait, une faute engageant sa responsabilité personnelle à l'égard de ce débiteur ; que l'arrêt retient que, pour apprécier la responsabilité de M. A..., il faut se replacer au dernier trimestre de l'année 1998, et non au 18 octobre 2000, date de l'acte authentique qui ne constitue que la régularisation formelle d'une vente qui était parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire prise en application de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il relève ensuite qu'à l'époque à laquelle la demande de vente des actifs de la société Clos du Prieuré a été soumise au juge-commissaire, la liquidation judiciaire, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 20 juin 1997, avait été prononcée depuis plus de deux ans et le maintien de l'activité organisé par M. A... aussi longtemps que permis par les dispositions des articles 153 de la loi du 25 janvier 1985 et 119-2 du décret du 27 décembre 1985, sa durée, prolongée deux fois par le tribunal, venant à expiration le 31 décembre 1998 ; qu'il retient enfin qu'il ne peut être reproché au liquidateur d'avoir recherché une cession des actifs au plus offrant et non d'autres solutions retardant ou évitant le transfert de propriété, risquées et non conformes aux objectifs de la liquidation judiciaire, dès lors qu'il a pris toutes les précautions nécessaires en informant les acquéreurs des aléas de la vente et en constituant le notaire séquestre du prix jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur l'extension de la liquidation judiciaire à la société Clos du Prieuré ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :

Vu les articles 549 et 550 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande tendant à la restitution, par M. et Mme X..., des fruits de l'exploitation viticole de la société Clos du Prieuré de 1996 à la date de l'arrêt, l'arrêt retient que les actifs de cette société ont été remis à M. et Mme X... en vertu de l'autorisation de cession du juge-commissaire, de son ordonnance du 5 janvier 1999 accordant l'entrée en jouissance immédiate et de l'acte notarié du 18 octobre 2000 et que l'infirmation du jugement d'extension de la liquidation judiciaire à la société Clos du Prieuré a été suivie d'un litige complexe sur ses conséquences, l'issue de la demande en restitution introduite en 2004 par cette société ayant été rendue incertaine par l'action en annulation de la cession de parts de 1996 engagée par M. A..., ès qualités, de sorte que M. et Mme X..., dont le titre a été annulé seulement par le jugement du 18 mai 2010 et qui sont totalement étrangers à la cause de l'annulation, doivent être traités comme possesseurs de bonne foi jusqu'au jour de l'arrêt ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. et Mme X... avaient été informés dès l'origine de l'existence de recours contre l'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la société Clos du Prieuré, ce dont il résultait qu'ils avaient eu connaissance des vices de leur titre avant la date de l'arrêt, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief du pourvoi n° B 12-20. 059 :

DECLARE NON ADMIS le pourvoi principal n° V 12-19. 777 et les pourvois incidents relevés par M. A..., en qualité de liquidateur de la société Clos du Prieuré ;

Et sur le pourvoi n° B 12-20. 059 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en restitution des fruits de l'exploitation viticole de la société Clos du Prieuré de 1996 à ce jour formée contre M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 13 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée.