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Décisions

Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-18.342

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

Mme Piniot

Avocat :

Me Guinard

Dijon, 1e ch. sect. 1, du 22 juin 1993

22 juin 1993

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Dijon, 22 juin 1993), qu'après avoir annulé les jugements d'ouverture du redressement judiciaire de la société en commandite par actions compagnie industrielle Saint-Adam (la société) et de diverses sociétés de son groupe dont la société Chabert-Duval qui avait fait l'objet précédemment d'un plan de redressement, la cour d'appel a constaté l'état de cessation des paiements de la société et ouvert son redressement judiciaire ;

Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, selon lequel la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, ne contient aucune distinction suivant la nature de l'activité exercée par l'entreprise ;

qu'en énonçant, pour se dispenser d'effectuer une analyse de la situation de la société dont elle a prononcé le redressement judiciaire, que cette société avait le caractère d'une société financière, la cour d'appel a ajouté à la loi une précision qu'elle ne comporte nullement et violé l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

alors, d'autre part, que la cessation des paiements se définit comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible ;

que pour prononcer le redressement judiciaire de la société, la cour d'appel s'est bornée à relever que le montant de l'engagement pris par cette société dans le cadre du plan de redressement de l'une des sociétés de son groupe, excédait le montant de ses disponibilités immédiates ;

qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le fait que la société contestait la créance qui était invoquée contre elle, l'engagement homologué par le tribunal de commerce étant lié à d'autres conditions qui n'avaient pas été satisfaites, n'a pas caractérisé l'état de cessation des paiements de la société, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

et alors, enfin, que la charge de la preuve de l'état de cessation des paiements incombe à la partie qui poursuit l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;

que pour prononcer l'ouverture de cette procédure, la cour d'appel, qui a constaté qu'à la fin de l'année 1991 le montant des disponibilités de la société était supérieur à la créance invoquée à son encontre, a retenu que cette société ne justifiait pas avoir disposé, à la fin de l'année 1992, époque à laquelle elle a situé la cessation des paiements, d'une somme ou d'un concours supérieur ou égal à cette créance ;

qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de la cessation des paiements, violant ainsi l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, après avoir constaté que l'actif de la société, constitué essentiellement de participations dans différentes filiales et de créances sur celles-ci, n'était pas immédiatement mobilisable, a relevé que l'actif disponible au 31 décembre 1991 était de 1 225 226 francs et que la société, en présence d'un passif de 5 000 000 francs exigible, ne justifiait pas avoir disposé de cette somme à la fin de 1992 ou avoir obtenu un prêt de ce montant lui permettant de faire face à cette demande de paiement ;

qu'ainsi la cour d'appel, qui n'a pas ajouté à la loi une précision qu'elle ne comporte pas, a constaté que la société était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et n'a pas violé le texte visé au moyen ;

Attendu, d'autre part, que loin de contester la créance qui était invoquée contre elle à la suite, en particulier, d'une assignation délivrée le 25 septembre 1992 par le commissaire à l'exécution du plan de la société Chabert-Duval pour obtenir le règlement de la somme de 5 000 000 francs exigible depuis le 31 décembre 1991 en exécution du jugement d'un tribunal de commerce qui avait arrêté le plan de redressement de cette société, la société s'est bornée à exposer dans ses conclusions "qu'il sera expliqué devant ce tribunal les raisons de la non exécution du plan de redressement qui en réalité ne sont pas imputables au groupe", que c'est à tort qu'il a été "prétendu que le commissaire à l'exécution du plan aurait relancé la société pour qu'elle fasse apport de 5 000 000 francs" et que "la dette à l'égard de la société Chabert-Duval n'était pas exigible, aucune décision n'étant intervenue en ce sens" ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, après avoir relevé que la somme de 5 800 000 francs invoquée par la société au titre de l'actif circulant correspondait à l'ensemble des "disponibilités" à la fin de l'année 1991, a constaté que la société disposait à cette date d'un actif immédiatement disponible d'un montant de 1 225 226 francs ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.