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Décisions

Cass. com., 17 mai 1989, n° 87-10.565

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Patin

Avocat général :

M. Montanier

Avocats :

Me Baraduc-Benaben, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Pau, du 5 nov. 1986

5 novembre 1986

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que la société à responsabilité limitée d'Exploitation Kadinox (la société d'Exploitation) a escompté en décembre 1983 et janvier 1984 auprès de la banque Courtois (la banque) trois effets de commerce tirés sur la société M 83, qui les avait acceptés, à échéance du 31 janvier 1984, du 29 février 1984 et enfin du 31 mars 1984 ; que le premier de ces effets de commerce est revenu impayé avec la mention "demande de prorogation" ; que l'échéance a été prorogée au 29 février 1984 puis au 31 mars 1984 ; que le deuxième effet a été prorogé au 31 mars 1984 et qu'à cette date aucun des effets n'a été payé ; que la banque a obtenu le 1er avril 1984 que le gérant de la société d'Exploitation, M. D..., se porte caution de cette dernière ; que la société d'Exploitation a été mise en réglement judiciaire le 9 mai 1984 ; que la date de cessation des paiements, initialement fixée à la même date, a été reportée au 1er janvier 1984 ; que, le 16 mai 1984, M. D..., propriétaire du fonds de commerce pris en location-gérance par la société d'Exploitation, a été mis à son tour en réglement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 16 mai 1984 ; que la société d'Exploitation et M. D..., assistés du syndic de leur règlement judiciaire, ont assigné la banque en réparation du préjudice résultant, selon eux, d'une part, de la décison dolosive de la banque, de prolonger artificiellement le crédit accordé à la société M 83, sans informer la société d'Exploitation de la situation irrémédiablement compromise de cette dernière et, d'autre part, de l'obtention abusive du cautionnement de M. D... ; que, de son côté, la banque a formé opposition à la décision ayant fixé la date de la cessation des paiements de M. D... ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir maintenu au 16 mai 1984 la date de cessation des paiements de M. D... alors, selon le pourvoi, qu'en s'abstenant de prendre en considération le fait, invoqué par les conclusions d'appel, que par le jeu de la cessation des paiements de la société d'Exploitation fixée au 1er janvier 1984, la dette de M. D... en tant que caution de cette société était devenue exigible à cette même date, et, en s'abstenant de rechercher si compte tenu de cet élément, M. D... pouvait à cette date faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 13 juillet 1967 ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la date de cessation des paiements étant sans influence sur l'exigibilité des dettes non échues d'un débiteur en réglement judiciaire ou en liquidation des biens, la cour d'appel, qui a relevé qu'il n'était pas établi que M. D... ait été en cessation des paiements au 1er janvier 1984, n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ; qu'il s'ensuit que l'arrêt est légalement justifié et que le moyen est sans fondement ; Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir écarté toute responsabilité de la banque alors, selon le pourvoi, qu'en s'abtenant de rechercher si, comme le faisaient valoir les conclusions d'appel, la banque n'avait pas "artificiellement soutenu le crédit de la société M 83" et gardé fautivement le silence sur la situation réelle de cette société dont elle était l'unique banquier et ne pouvait ainsi ignorer l'état, attitude caractérisant une faute, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1382 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que les relations commerciales entre la société M 83 et la banque étaient récentes, que les perspectives établies par un compte de résultats prévisionnels étaient favorables et que la position débitrice du compte de cette société au 12 janvier 1984 n'impliquait pas que la provision nécessaire ne serait pas mise en place à bonne date pour honorer les échéances postérieures, l'arrêt a relevé que les prorogations d'échéances avaient été accordées à la demande même de la société d'Exploitation, qui avait, malgré les impayés, poursuivi ses livraisons à la société M 83 en connaissance de cause ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, a pu estimer que la banque n'avait pas eu un comportement fautif ; qu'elle a ainsi justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;

Mais sur le troisième moyen pris en sa première branche en ce qu'il vise la condamnation de la société d'Exploitation à payer une somme de 12 314,24 francs à la banque :

Vu l'article 13 de la loi du 13 juillet 1967 ;

Attendu que pour condamner la société d'Exploitation à payer à la banque la somme de 12 314,24 francs, l'arrêt se borne à énoncer que la demande concernant la cession de créance dont a bénéficié la banque apparaît fondée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir constaté que la créance de la banque envers la société d'Exploitation en réglement judiciaire avait son origine postérieurement au jugement ayant ouvert la procédure collective à l'encontre de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Attendu que la cassation s'étend à tout ce qui est la suite et la conséquence de la disposition qu'elle atteint ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société d'Exploitation Kadinox à payer une somme de 12 314,24 francs à la banque Courtois et condamné in solidum la société d'exploitation Kadinox et M. D... à payer à la banque Courtois une somme de 15 000 francs pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 5 novembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.