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Décisions

Cass. com., 18 mars 2008, n° 06-20.749

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Foussar, SCP Gatineau

Rennes, du 26 sept. 2006

26 septembre 2006

Donne acte à la société Euro-Car et à M. X..., ès qualités, de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en tant que dirigé contre le ministère public ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Euro-Car (la société), dont le siège social est situé à Quaregnon en Belgique, a immatriculé un établissement au registre du commerce et des sociétés de Saint-Nazaire ; que le 19 janvier 2005, le comptable de la direction générale des impôts de Nantes Ouest, chargé du recouvrement d'une créance de 772 769 euros, a assigné la société devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire en liquidation judiciaire ; que le 23 février 2005, le tribunal s'est déclaré compétent en raison de l'établissement situé en France et a ouvert une procédure territoriale simplifiée de redressement judiciaire à l'égard de la société en fixant provisoirement la date de la cessation des paiements au 19 janvier 2005 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Euro-Car et M. X..., en sa qualité de mandataire ad hoc, font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le moyen :

1°) qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 1, du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité, ce centre étant, pour les sociétés, présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire ; que cette présomption ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la location audit siège statutaire est censée refléter ; qu'il en résulte que seules les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé ce siège sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité, dès lors que la société y exerce une activité réelle, peu important que sa direction et une partie de son activité soient exercées dans un autre État membre ; qu'en affirmant néanmoins qu'elle était compétente pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société de droit belge Euro-Car, dont le siège était en Belgique, aux seuls motifs que cette société exerçait une activité et était dirigée depuis la France, sans constater, que la société Euro-Car n'exerçait aucune activité sur le territoire de l'État où était situé son siège social, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

2°) qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 1, du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétents pour ouvrir une procédure d'insolvabilité, ce centre étant, pour les sociétés, présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire ; que cette présomption ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter ; qu'il en résulte que seules les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé ce siège sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité, dès lors que la société y exerce une activité réelle, peu important que sa direction et une partie de son activité soient exercées dans un autre État membre ; que dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 30 mai 2006, la société Euro-Car et M. X..., ès qualités, soutenaient que l'importance des redressements notifiées à la société Euro-Car par les services fiscaux belges, pour un montant de 3 083 015,85 euros, révélaient que cette société exerçait en Belgique une activité réelle, de sorte que la présomption édictée par le texte susvisé ne pouvait être écartée et que seules les juridictions de l'État belge étaient compétentes pour ouvrir une procédure principale d'insolvabilité à son encontre ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Euro-Car et M. X..., ès qualités, soutenaient dans leurs conclusions récapitulatives que l'existence d'une activité effective de la société Euro-Car sur le territoire belge résultait de l'existence d'un compte dans les livres de la Générale de banque ; qu'ils produisaient à cet effet 18 extraits du compte à vue n° 270-0341901-29 qui établissaient une activité récurrente de cette société depuis la Belgique entre 1997 et 2001 ; qu'en se bornant à examiner la convention d'ouverture du seul compte spécial de dépôt n° 270-2814388-83, pour affirmer péremptoirement que la direction et l'activité de la société Euro-Car étaient exercées en France, sans viser ni examiner les pièces produites par les exposants, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 1er, du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, seules les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir une procédure principale d'insolvabilité ; que l'article 3, paragraphe 3, du même texte ajoute qu'une procédure secondaire d'insolvabilité doit être une procédure de liquidation ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'elle était compétente pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire, c'est-à-dire une procédure principale d'insolvabilité, à l'encontre de la SPRL Euro-Car, au motif que la demande d'ouverture de la procédure émanait d'un créancier situé dans le même Etat que l'établissement et qu'il invoquait une créance ayant son origine dans l'exploitation dudit établissement et que cette société avait un établissement en France, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 3, alinéa 1er, du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu la compétence des juridictions françaises en raison de l'existence en France d'un établissement de la société et non du centre de ses intérêts principaux ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas ouvert une procédure principale d'insolvabilité au sens de l'article 3 § 1 du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 mais une procédure territoriale en application des articles 3 § 2 et 3 § 4 b) du même règlement ;

D'où il suit que le moyen, inopérant dans ses trois premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour ouvrir le redressement judiciaire de la société, l'arrêt retient d'un côté que l'administration fiscale détient une créance certaine, liquide et exigible de 772 769 euros, authentifiée par un avis de mise en recouvrement, et que la suspension de son exigibilité par la réclamation contentieuse formée par la société ne constitue pas un obstacle à une demande d'ouverture d'une procédure collective et de l'autre que la société ne possède aucun actif et n'a plus d'activité ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité pour la société de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a ouvert une procédure territoriale de redressement judiciaire de la société SPRL Euro-Car, l'arrêt rendu le 26 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.