Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-00.426
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Donne acte à la Banque Espirito Santo de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre la société Banco Portugues Do Atlantico et la Caixa Geral De Depositos ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 29 février 1996, le tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société JAF Entreprise générale de bâtiment (la société) et fixé la date provisoire de cessation des paiements au 24 janvier 1996 ; que, par jugement du 9 octobre 1997, le tribunal a fixé la date définitive de cessation des paiements au 15 février 1995 ; que, sur les tierces oppositions formées par plusieurs banques, dont la Société bancaire de Paris, aux droits de laquelle se trouve la Banque Espirito Santo, le tribunal a "confirmé" cette date par jugement du 17 décembre 1998 ;
qu'infirmant ce jugement, la cour d'appel a fixé la date de cessation des paiements au 30 septembre 1995 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-1 et L. 621-7 du Code de commerce ;
Attendu que pour se prononcer comme il a fait, l'arrêt, après avoir énuméré différentes dettes de la société réclamées par ses créanciers les 19 février, 31 mars et 26 juillet 1995, retient que le bilan arrêté au 31 décembre 1995 fait apparaître que la société n'a plus été en mesure en 1995 de faire face au passif exigible avec son actif disponible, l'exercice 1995 s'étant soldé par une perte de 154 081 818 francs, un important accroissement des charges d'exploitation et un montant élevé des dettes de 192 969 604 francs pour un actif circulant de 106 170 355 francs nets ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir qu'à la date du 30 septembre 1995 la société était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-1 et L. 621-7 du Code de commerce ;
Attendu que pour statuer ainsi qu'il a fait, l'arrêt relève encore que la société a obtenu en 1995 un volume de crédit en forte augmentation, excédant manifestement ses capacités de remboursement, ainsi que cela ressort notamment de l'escompte accordé par la Société bancaire de Paris qui, d'un montant de 22 349 000 francs le 7 septembre 1995, pour un escompte autorisé de 20 000 000 francs, a atteint 72 874 000 francs du 5 au 14 décembre 1995 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le dépassement de l'escompte autorisé revêtait un caractère anormal ayant permis de masquer la réalité de l'insuffisance d'actif disponible à la date du 30 septembre 1995, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-1 et L. 621-7 du Code de commerce ;
Attendu que pour décider comme il a fait, l'arrêt retient enfin que le non-remboursement par la SCI Henri Régnier, filiale de la société JAFIP, d'une dette contractée auprès de la Banque du bâtiment et des travaux publics, exigible à compter du 30 octobre 1993, a procuré à la société JAFIP, gestionnaire de la trésorerie des sociétés du groupe, et par là-même à la société JAF, une ressource complémentaire et anormale, au moins postérieurement au 19 septembre 1995, date à compter de laquelle la société JAFIP a cessé d'honorer son engagement de remboursement de la banque aux lieu et place de la SCI ;
Attendu qu'en prenant en considération la dette d'une SCI, étrangère, en l'absence de confusion des patrimoines, à la procédure collective dont faisait l'objet la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la SCP Laureau Jeannerot, ès qualités, et qu'il a rejeté le moyen tendant à voir prononcer la nullité de l'appel formé par la Société bancaire de Paris, l'arrêt rendu le 29 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.